Davos et la crise

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tranquille2

Davos et la crise

Message par tranquille2 »

Article du Canard enchaîné du mercredi 11 février 2009

« Davos tombe sur un os

REVENONS trois minutes sur Davos. Pour sa 39e édition, ce grand raout du gotha capitaliste mondial devait être, avait promis son organisateur, le « sanatorium du monde ». Les 1400 pédégés, 43 chefs d'Etat, 17 ministres des Finances, bref, les hommes aux manettes de la planète allaient y « redessiner le monde d'après crise ». Es n'ont rien redessiné du tout. Même à 12 000 euros l'entrée, ils sont ressortis penauds. Certains d'entre eux se sont contentés d'un rien pendant une demi-heure, ils ont pu, dans un jeu de rôle organisé dans les sous-sols du Congrès, jouer le rôle d'un réfugié, avec geôlier, malbouffe, etc. « Je comprends mieux le sort des réfugiés », a commenté un participant. Davos, ça devient vachement social. A part ça, Clinton a rappelé que 30.000 milliards de dollars étaient partis en fumée lors du krach. Lagarde a dit craindre des « troubles sociaux ». Stiglitz a dit qu'avec l'argent dépensé pour sauver les banques américaines on aurait pu financer un siècle de protection sociale aux Etats-Unis. Il a raconté aussi cette scène, hier encore inimaginable à Davos : « Un appel au remboursement de tous les bonus de Wall Street a été applaudi » (« Les Echos », 9/2). C'est le monde mondialisé à l'envers ! Le fondateur du KKR, un fonds de « private equity », a lâché : « Si nous en sommes là, c'est que nous nous sommes trop focalisés sur le profit. » Et, toujours d'après Stiglitz, nombre de participants, à la question de savoir quel était le principal responsable de la crise, ont répondu : la croyance que les marchés s'autorégulaient. Eh non, les gars. Bref, pour le diagnostic, tout le monde était d'accord. Mais pour les remèdes...

Un chercheur israélien a dit que la solution consistait à changer nos cerveaux, et que la technologie y parviendrait bientôt, « en 2020, on pourra reconfigurer le cerveau » (« Les Echos », 2/2). La bonne blague ! D'autres ont juré par la révolution verte : l'écologie va sauver l'économie, mon bon monsieur ! Mais quand il s'est agi de parler sérieusement... Restructurer si ce n'est nationaliser le secteur bancaire ? Comme le dit Romain Rancière, prof d'économie en poste à Washington: « Il faut commencer par révoquer l'ancien management, quia failli, et pouvoir contrôler le bon usage de l'argent public » (« Le Monde », 3/2). Or, justement, c'est « l'ancien management » qui se retrouvait à Davos : ce sont les mêmes qui n'ont rien vu, rien anticipé, et qui aujourd'hui s'arrachent les cheveux pour penser autrement qu'ils ne l'ont fait toute leur vie. Comment réguler un système qui échoue à se réguler tout seul : ils n'en ont pas la moindre idée. Alors ils font ce qu'ils ont toujours su faire: s'accrocher aux manettes, empocher des subventions publiques, répéter qu'ils ne sont pas responsables, la crise est « systémique », voyons. De grands malades incapables de se soigner eux-mêmes : voilà ce qu'on a pu voir au « sanatorium » de Davos. Et voilà ce qu'on n'a pas fini de voir. Pourquoi tu tousses ?

Jean-Luc Porquet »
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