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Quatre chômeurs désabusés ...

Publié : 19 avr. 2008
par carl
Quatre chômeurs désabusés face à des offres d'emploi qu'ils jugent inadaptées


Une centaine de représentants du Mouvement national des chômeurs et précaires (MNCP), venus de toute la France, se sont retrouvés, du jeudi 17 au samedi 19 avril, pour leur assemblée annuelle à Sète (Hérault). Ils ont vivement critiqué les propositions gouvernementales visant à renforcer les sanctions en cas de refus de deux offres valables d'emploi (OVE).


Ce projet prévoit de mieux définir l'OVE, en fonction de nouveaux critères de distance, de salaire... et de faire varier cette notion selon le bassin d'emploi. Surtout, les demandeurs d'emploi devront revoir à la baisse leurs souhaits au bout d'un certain temps. A Sète, quatre personnes témoignent.

Nicolas Rousseau, 33 ans, doctorat en physique, est spécialisé en semi-conducteurs, puces et circuits intégrés. Jeune, il a fait preuve de mobilité avec un CDD de deux ans en Allemagne. Nicolas est au chômage depuis son retour à Montpellier en 2005. "A l'ANPE, se rappelle-t-il, on a défini mon profil, mais quelqu'un qui est trop formé est un ovni, ils savent qu'ils risquent de ne pas lui proposer beaucoup d'offres." Sur sa fiche, Nicolas a inscrit : travail en recherche et développement, chercheur, et, même, responsable de production, disponible pour un emploi de Toulouse à Marseille. Pas d'offres. Depuis, il a ajouté la corde de l'enseignement à son arc.

L'ANPE vient de lui proposer un emploi de professeur à Nîmes, à 60 kilomètres. Une annonce prometteuse, "un an à 1 800 euros par mois". En fait, ce sont 500 euros de moins, et cela se termine le 4 juillet. "J'ai refusé, dit-il, si j'acceptais, je ratais mon examen, dans un mois, pour devenir instituteur."

Fabrice Le Saouter a été conducteur typographe pendant vingt ans. C'était il y a longtemps. Depuis, cet homme de 54 ans a exercé bien des métiers. Il a nettoyé des bidons de lait, accompagné des malades en fin de vie, distribué des médicaments à l'hôpital de Vannes (Morbihan), "sans aucune formation". Après avoir rejoint l'association Ensemble contre le chômage, il en a été permanent durant six ans.

Licencié pour raisons budgétaires, il a trouvé un emploi de surveillant dans un collège privé de son village, à Saint-Jean- Brévelay. Il espère que le contrat qui s'achève en août sera prolongé. Il touche 574 euros net par mois pour un mi-temps. Soit une cinquantaine d'euros en moins que ce qu'il avait avec l'allocation de solidarité spécifique (ASS) et un complément de revenu minimum d'insertion (RMI). Avec les aides au logement, il paye 123 euros par mois de loyer. L'eau, l'électricité, le téléphone lui coûtent près de 200 euros. L'ANPE lui a proposé d'autres emplois. Peu, il est vrai. "Gérer une association théâtrale, mais je n'avais pas les compétences de gestionnaire, raconte Fabrice. S'occuper de handicapés mentaux, mais sans formation particulière, ou encore distribuer des annuaires à Pontivy, un job de quelques jours et à trente kilomètres. Avant, les annuaires, je les fabriquais."

Christine Samuel vit à Manosque (Alpes-de-Haute-Provence). Elle a connu six années de chômage et a vécu avec l'ASS. Elle a accepté un contrat d'insertion pour être "assistante de direction" et travaille chez EDF, dans une usine hydroélectrique sur la Durance, où elle met en place un service d'archivage.

Aujourd'hui, Christine regrette et assure qu'elle n'acceptera plus un tel contrat. "A 54 ans, je vais au travail en stop, je tire des chariots d'archives toute la journée, mon allocation logement a été réduite de 25 % et, surtout, avec mon petit salaire, j'ai perdu la couverture maladie universelle (CMU) parce que je dépasse le plafond", explique-t-elle. Christine, en dépression depuis six ans, dépensait près de 200 euros par mois en médicaments. Christine dit ne plus pouvoir se soigner.

Nour-Eddine Ouali est au RMI - 394 euros par mois plus une allocation logement de 250 euros - depuis deux ans. Avec sa formation de comptable, ce Montpelliérain de 49 ans a surtout connu des emplois de magasinier et n'a pas reçu d'offre depuis un an. Bien qu'il ait occupé un poste de gérant dans la restauration rapide, aucune proposition ne lui a été faite dans ce secteur en tension.

"Je suis dans la catégorie "senior", ce n'est pas la peine. L'entretien mensuel à l'ANPE dure dix minutes, ils ne me proposent plus rien", constate Nour-Eddine. Ils lui ont "imposé", dit-il, un coaching par un organisme privé pour rédiger son CV, se présenter à un entretien d'embauche. C'est "un peu tard", constate-t-il, amer. Il vient d'avoir une proposition d'une agence d'intérim : agent magasinier, à Uzès, à 90 km. "Mais sans voiture, pour trois mois, ce n'est pas la peine", estime-t-il.
Source : Le Monde.fr