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La politique de civilisation selon sarkozy

Publié : 29 janv. 2008
par maguy
À la fête du Nobel, Sarkozy supers-tare : SNCS-HEBDO 08 n°2 du 29 janvier 2008

N’ayant pu brandir la coupe du monde de rugby, Sarkozy s’est rattrapé en s’invitant à la fête organisée pour le Nobel d’Albert Fert. Tel le coucou, il l’a même récupérée à son profit.

Il s’y est livré à une attaque en règle de la recherche française, en noircissant à fond la situation comme pour montrer que tout est tellement pourri qu’il faut tout démolir.

Henri-Édouard Audier, membre du bureau national du SNCS-FSU

Pêle-mêle, Sarkozy affirme que les financements des universités et organismes « n’ont pas à être reconduits indéfiniment sans évaluation », laissant entendre que c’est le cas actuellement. Il prétend que « dans notre communauté scientifique, il y a un sentiment d’indécence à valoriser ses travaux » et que « des générations entières de chercheurs partent à l’étranger », alors que ce n’est quand même qu’une minorité.

Il soutient que « si peu de brillants esprits étrangers sont attirés par notre pays », alors que le CNRS recrute 25 % d’étrangers. Le tout en affirmant que « nous consacrons 0,51 % de notre PIB à la recherche fondamentale » soit plus qu’aux États-Unis et en Grande-Bretagne.

Ce chiffre n’existe pas : impossible de séparer le fondamental et l’appliqué. Il déclare que le « budget public de la recherche est l’un des plus élevés du monde » - en comptant le militaire, le nucléaire, etc. - mais que « la rémunération des chercheurs français est de deux ou trois fois inférieure à celle des autres pays comparables ».

Sachant que la masse salariale représente partout environ les deux tiers du coût de la recherche, comment peut-on être l’un des budgets publics les plus élevés du monde en étant payés trois fois moins que les autres ?

Ce pilonnage d’artillerie a pour but d’annoncer la mise en œuvre rapide d’une nouvelle étape de la démolition de notre système. Bien sûr, en ne tenant aucun compte des États généraux ou même du discours d’Albert Fert, mais en complétant les propositions du candidat Sarkozy par celles d’Attali et d’Allègre.

« Déchargés du poids d’une partie de la gestion administrative et financière, confiée aux universités, et de l’évaluation confiée à l’AERES, les organismes devenus agences de moyens plus qu’opérateurs, mettront en œuvre la politique scientifique que le gouvernement leur aura confiée. Les organismes pourront ainsi, en étroite concertation avec l’ANR, se consacrer à leur véritable mission à savoir le pilotage de la recherche universitaire. »

En termes clairs, le ministère ne donne pas que des orientations, mais élabore une politique scientifique (comment ?) qu’il impose aux organismes, qui à leur tour l’imposent aux universités. Bravo la LRU !

« Il n’est naturellement pas question de revenir sur le statut des chercheurs en activité », mais grâce aux emplois libérés par les départs en retraite, serait créé un statut enseignant-chercheur de CDD de bon niveau salarial, seule voie au demeurant pour avoir des décharges de service. Présentée comme un mixte entre l’IUF et les « contrats d’interface » de l’INSERM, cette proposition vise à remplacer à terme les statuts de titulaires, la LRU comportant « tous les outils pour le faire ».

Tout cela avec force « culture de l’excellence », « culture du projet », « culture de l’évaluation » : « je ne crois pas à un système où la communauté définit par élection ses évaluateurs ». Car il y a les bons, ceux nommés par le gouvernement, et les nuls, ceux qui sont élus.

Hasard heureux du calendrier, dans Le Monde, un texte BCBG développe l’idée que seule « l’élite » devrait diriger la science. Dans cette vision binaire, le seul petit problème est de savoir qui décide quels sont les bons et quels sont les nuls. Le gouvernement ?

Sous couvert d’élitisme, c’est un retour de 50 ans en arrière, c’est aussi le retour en force du mandarinat, des clans, de l’opacité. Comme cette agrégation de médecine des années cinquante où, le jour de la nomination d’un jury « excellent », un individu a déposé sous huissier, et dans l’ordre, la liste des reçus, certainement tous « excellents ». Bel avenir !


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A part les mandarins des grandes industries qui sont ses potes ou ses frères (s'ils pouvaient s'appeler Caïn :P ) restera-t-il un seul domaine où il aura des partisans :roll:

La chasse au gain - Nietzsche

Publié : 30 janv. 2008
par maguy
Je préfère ne pas ouvrir un autre file, après tout il est question de civilisation...

Auteur : Fabien Grandjean via Betablog

« < La > hâte sans répit au travail, – le vice proprement dit du Nouveau Monde – déjà commence à barbariser par contamination la vieille Europe et à y répandre une stérilité de l’esprit tout à fait extraordinaire.

Dès maintenant on y a honte du repos : la longue méditation provoque presque des remords. On ne pense plus autrement que montre en main, comme on déjeune, le regard fixé sur les bulletins de la Bourse ; on vit comme quelqu’un qui sans cesse « pourrait rater » quelque chose. « Faire n’importe quoi plutôt que rien », ce principe aussi est une corde propre à étrangler toute culture et tout goût supérieurs.

Et de même que visiblement toutes les formes périssent à cette hâte des gens qui travaillent, de même aussi périssent le sentiment de la forme en soi, l’ouïe et le regard pour la mélodie du mouvement. La preuve en est cette grossière précision, que l’on exige partout à présent dans toutes les situations où l’homme pour une fois voudrait être probe avec les hommes, dans les contacts avec les amis, les femmes, les parents, les enfants, les maîtres, les élèves, les chefs et les princes ; on n’a plus de temps ni de force pour des manières cérémonieuses, pour de la courtoisie avec des détours, pour tout l’esprit de la conversation et pour tout otium en général.

Car la vie < vouée > à la chasse du gain contraint sans cesse à dépenser son esprit jusqu’à épuisement alors que l’on est constamment préoccupé de dissimuler, de ruser ou de prendre l’avantage : la véritable vertu, à présent, c’est d’exécuter quelque chose en moins de temps que ne le ferait un autre.

Et de la sorte, il ne reste que rarement des heures où la probité serait permise : mais à pareilles heures on se trouve las et l’on désire non seulement pouvoir se « laisser aller », mais aussi s’étendre largement et lourdement. [...] S’il est encore quelque plaisir à la vie de société et aux arts, ils sont du genre de ceux que se réservent des esclaves abrutis par les corvées. Quelle affliction que cette modestie de la « joie » chez nos gens cultivés et incultes ! Quelle affliction que cette suspicion croissante à l’égard de toute joie !

Le travail est désormais assuré d’avoir la bonne conscience de son côté : la propension à la joie se nomme déjà « besoin de repos » et commence à se ressentir comme un sujet de honte. […] Oui, il se pourrait bien qu’on en vînt à ne point céder à un penchant pour la vita contemplativa (c’est-à-dire pour aller se promener avec ses pensées et ses amis) sans mauvaise conscience et mépris de soi-même.

Eh bien ! autrefois, c’était tout le contraire : c’était le travail qui portait le poids de la mauvaise conscience. Un homme de noble origine cachait son travail, quand la nécessité le contraignait à travailler. L’esclave travaillait obsédé par le sentiment de faire quelque chose de méprisable en soi : le « faire » lui-même était quelque chose de méprisable. »

NIETZSCHE, Le Gai Savoir (1882), § 329, trad. M. Albert, Mercure de France, p. 444-445.


Nietzsche est mort en 1900, il a dû connaitre qui-vous-savez dans une autre vie...

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