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La presse allemande - le plan Hartz arrive en France?

Publié : 23 nov. 2007
par diety
Quand les réformes qui se traduisent par une baisse des retraites, une baisse des salaires, le saignement financier des chômeurs, un adieu aux principes de la solidarité nationale, le tout réuni dans l'"agenda 2010" jadis louangé par le gouvernement Schröder, commencent à devenir impopulaires, c'est chez son voisin que l'on cherche réconfort et justification, étant en mal d'amour de son peuple.

Le quotidien allemand Handelsblatt, journal d'économie de renom, parle de la France, et parle de … "l'agenda 2010 de Sarkozy". Je cite : "Avec quelques années de retard, la France aussi aura son agenda 2010".(1) Le Handelsblatt parle de "gaspillages, escroquerie et inefficacité de la sécurité sociale" (les bénéficiaires de la CMU remercieront le Handelsblatt pour le "gaspillage" d'avoir pu se soigner). Enfin, les Français font aussi ce que nous avons fait !

Quand l'ancien chancelier Schröder avait introduit la paquet de "réformes" nommé "agenda 2010" en 2003, dont le fameux plan Hartz 1 à 4 en fait partie, il avait évidemment parlé de réformes et non de régressions sociales. La très grande majorité des médias avait joué le jeu, sémantiquement et idéologiquement. Ces réformes ont conduit au départ prématuré de Schröder (SPD, parti socio-démocrate) et ont produit une vague de départ des membres du SPD. En fin 2002, le nombre de membres du SPD était de 693.894, et après l'annonce des réformes, environs 100.000 membres ont quitté leur parti en l'espace de deux ans. En 2005, la crise dans la SPD et la politique sociale particulièrement dure du plan Hartz 4 mène Oskar Lafontaine à démissionner de son parti, et le chancelier se voit dans l'obligation d'organiser des élections anticipées où il sort perdant de son mandat.

A ce moment, le SPD compte encore 590.000 membres. Aujourd'hui le nombre a baissé à 545.000. Depuis 1990 à aujourd'hui, le SPD a perdu 37% de ses adhérents. Une des conséquences de ses "réformes" sont 2,6 millions d'enfants qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, avec un avenir sans perspectives, une pauvreté programmée des retraités, un écart toujours plus important entre riches et pauvres, et une croissance économique tout à fait satisfaisante, avec des profits dont les salariés dans la grande majorité ne voient pas la couleur.

Quel bonheur donc, quand on voit que son voisin français a la même "sagesse" et applique dans les grandes lignes les mêmes méthodes que l'on a appliquées soi-même. Le Handelsblatt parle de la "bureaucratie sociale inerte" et du "droit du travail rigide" en France qu'il s'agit de changer.

Le quotidien Sueddeutsche va plus loin. Il parle de "privilèges de retraite, ancien de trois siècles", il parle d'un "système de retraite privilégié pour 1,6 millions employés, dont les cheminots, les marins et les mineurs" (personnellement je n'ai pas encore rencontré un mineur privilégié, quant au cancer des poumons et aux accidents de travail des mineurs, c’est autre chose), et de la "nécessité d'adapter ces professions aux pratiques de l'industrie".(2) Quel bonheur, quand on voit enfin son voisin appliquer les mêmes régressions sociales qui volent au secours de la critique montante chez soi, une critique qui vient d'en bas et qui remonte. "Vous voyez bien que nous devions faire ces réformes, la France a enfin trouvé notre sagesse, c'est la preuve que nous avons eu raison, dit la Sueddeutsche entre les lignes aux Allemands qui doutent.

Sarkozy serait dur, mais prêt à négocier. Le quotidien allemand constate le "doigté et le tact dont le président français fait preuve dans la communication avec les syndicats". Les 35 heures, qui n'existeraient plus dans la pratique, c'est ce que Sarkozy veut supprimer, "dépolitiser" le SMIC, et introduire plus de contrats aidés pour des salaires au rabais.

Cette perception déformée des réformes que mène Nicolas Sarkozy est exactement à la hauteur des inégalités sociales que l'agenda 2010 a produites en Allemagne.
C'est ainsi que l'on se rassure mutuellement. Vive l'Europe.

(1) Handelsblatt
(2) Sueddeutsche

Publié : 23 nov. 2007
par superuser
C'est comme si la presse britannique se félicitait qu'on ait enfin, trente ans après, enfin élu notre Maggie Thatcher.

A titre de comparaison, lire Bilan social du thatchérisme sur Wikipedia...

Publié : 23 nov. 2007
par romain23
titre de comparaison, lire Bilan social du thatchérisme sur Wikipedia...

Je ne sais pas si l'on va etre nombreux , dans trente ans ( on s'est donné rendez_vous, place du marché) à survivre au bilan social du sarkozisme! :evil:

Publié : 23 nov. 2007
par tristesir
Le thatchérisme fut critiqué violemment pendant les années 1980 par le Labour de Neil Kinnock, critique qui s'est effacée au terme de la rénovation du parti effectuée par Tony Blair et Gordon Brown. Tony Blair a été critiqué tout au long de son mandat par son aile gauche pour ses politiques libérales et sa complaisance envers le thatchérisme, dont la critique au Royaume-Uni s'exprime désormais à la gauche du Labour Party.

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Ses partisans ont imputé la forte hausse du chômage du début des années 1980 (le nombre de chômeurs passe de 1,07 à 3,11 millions entre 1979 et 1986) aux chocs économiques et à l'effet des réformes structurelles. La baisse du taux de chômage britannique à la fin des années 1980 (de près de 14 % en 1983 à 6 % en 1989, soit un niveau équivalent de celui de 1979, année de l'arrivée de Margaret Thatcher au pouvoir

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Il faut cependant noter qu'au début des années 1980, le nombre de bénéficiaires de pensions d'invalidité était d’environ 700.000 ; ce chiffre a doublé pour s'établir à 1,5 million en 1990 (sa croissance continuera de manière régulière, augmentant encore de 50% dans la première moitié des années 1990), contribuant à faire baisser mécaniquement (d'aucuns diront artificiellement), le taux de chômage
(Ce chiffre s'établit aujourd'hui à 2,2 millions)
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Il faut aussi souligner certaines modalités particulières de calcul du chômage au Royaume-Uni : une femme sans emploi n'entre pas dans les statistiques du chômage si son conjoint a un emploi, car elle n'a pas droit aux prestations sociales (une des raisons qui explique que le Royaume Uni soit l'un des seuls pays de l'Union Européenne où le taux de chomage des femmes est inférieur à celui des hommes)


Pour ce qui concerne le maquillage des chiffres du chomage, le Royaume Uni est un phare pour nos apprentis-liberaux semble t'il.

PS:
J'allais oublier:

Des nombreux indicateurs montrent que les inégalités se sont creusées durant la décennie d'exercice du pouvoir de Thatcher : les 10% les plus pauvres de la population ont vu leurs revenus baisser de l’ordre de 10%, alors que ceux des autres déciles ont augmenté de façon d’autant plus importante que l’on progressait dans la hiérarchie sociale (+4% pour le deuxième décile, mais + 60% pour les 10% les plus riches