1er-Mai, alerte à l'imposture !
Publié : 02 mai 2012
par carl
Née en 1940, Annie Ernaux est agrégée de lettres modernes et a enseigné au lycée avant de devenir écrivaine dans les années 1970. Auteure de nombreux romans en partie autobiographiques, elle a obtenu plusieurs prix, dont le prix Renaudot en 1984. Elle revendique dans son œuvre littéraire une démarche empruntée aux sciences humaines, inspirée par la sociologie de Pierre Bourdieu. Son dernier ouvrage est "L'Atelier noir" (Editions des Busclats, 2011). Elle est sympathisante du PCF et membre du Front de Gauche.
1er-Mai, alerte à l'imposture !
LE MONDE | 28.04.2012 à 12h38 • Mis à jour le 28.04.2012 à 16h56
Stupeur, colère - il ose faire ça ! -, ma première réaction à la proclamation de Nicolas Sarkozy de fêter " le vrai travail" le 1er mai sur la place de la Concorde. Puis la sensation d'une blessure. Celle infligée à la mémoire des luttes de plus d'un siècle, partout dans le monde, pour l'obtention de droits sociaux, d'un temps de travail défini et limité, huit heures par jour, quarante-huit heures par semaine, contre un patronat sûr de la légitimité de sa domination, qui ne voulait aucune règle. Des luttes qui, répétées, tenaces, aboutiront en France au Front populaire, changeant la vie de la majorité des gens. Mais aussi des luttes dans lesquelles des ouvriers ont été blessés, sont morts : le 1er mai 1891, à Fourmies, dans le Nord, un homme, quatre garçons et quatre filles entre 14 et 20 ans ; le 1er mai 1906 - l'année de naissance de ma mère qui travaillera dans une usine dès l'âge de 12 ans -, deux morts à Paris.
Même si sa signification s'est affadie, même s'il est surtout accueilli comme la chance d'un jour férié, si les défilés et rassemblements sont plus ou moins nombreux, le 1er-Mai est un "lieu de mémoire ", tel que l'a défini l'historien Pierre Nora, c'est-à-dire de fête, d'emblème, de monument, etc., où s'incarne la mémoire nationale. Autant qu'un symbole de la lutte internationale des travailleurs, il est un lieu de la mémoire sociale des Français et il n'est, je crois, personne qui ne le ressente comme associé à l'idéal républicain de liberté, d'égalité, de fraternité. A preuve, le 1er mai 2002, qui a vu un million et demi de citoyens descendre dans les rues pour manifester leur attachement à ces valeurs.
Le propre de ce gouvernement a été d'oser tout. De nous surprendre en osant tout. D'avoir toujours un temps d'avance sur ce qu'on pouvait imaginer. En ces derniers jours de son mandat présidentiel, Nicolas Sarkozy aux abois s'empare sans vergogne de la fête du 1er-Mai, la confisque à son profit pour faire coup double : occuper le terrain dans tous les sens du terme à la place des syndicats et de la gauche, passer sur ces corps intermédiaires dont il souhaite la suppression, qu'il méprise ouvertement - "quand il y a une grève en France, personne ne s'en aperçoit", s'est-il vanté naguère - faire l'événement du jour et se rallier les électeurs de Marine Le Pen, voire d'autres, que ce slogan du " vrai travail" séduirait, comme il y a cinq ans celui de "remettre la France au travail".
En 1941, Pétain avait fait main basse sur le 1er-Mai pour le vider de son sens de lutte internationale, remplaçant la Fête des travailleurs par la "Fête du travail et de la Concorde sociale". Les contextes historiques diffèrent mais on peut assimiler la captation du 1er-Mai par Nicolas Sarkozy à celle de Pétain. Pour les tristes raisons que l'on sait, le chef de Vichy faisait appel à "l'union nationale", Nicolas Sarkozy, lui, est clairement dans une stratégie de division nationale, la même qu'il applique avec constance depuis qu'il a été élu. C'est uniquement là qu'il n'a pas varié et que, malheureusement, il a obtenu ses meilleurs résultats, peut-être, hélas aussi, les plus durables.
Gouverner, c'est diviser, tel est le système Sarkozy. Mais diviser en stigmatisant, en dressant une partie de la population contre l'autre. Depuis 2007, il n'a eu de cesse de créer, d'inventer, par son discours, deux catégories de citoyens, dont l'une est désignée comme responsable des problèmes de l'autre, qu'elle menace sourdement. Ces catégories sont mouvantes, mais toujours tranchées, Français/immigrés, travailleurs/assistés, gens honnêtes/délinquants, victimes...
Le discours sarkozien les a si bien installées dans nos habitudes de pensée, ces catégories, qu'il n'est plus besoin qu'elles soient expressément désignées, l'allusion suffit, instantanément décodée par tout le monde, avec les connotations négatives qui leur sont associées. Ce qui est bien sûr le cas ici avec l'expression "vrai travail", qui sous-entend non l'existence absurde d'un faux travail ni même de faux travailleurs (sauf peut-être sans-papiers, clandestins) mais celle de "faux chômeurs", qui ne cherchent aucun travail, des "assistés ", terme en vogue depuis cinq ans, donc une catégorie de profiteurs paresseux, naguère soupçonnés de faire la grasse matinée, quand d'autres "se lèvent tôt".
Dans ce système binaire qui violente la réalité complexe du pays, sa diversité sociale et culturelle, qui attise les haines, il y a, d'un côté, une France méritante, courageuse, respectueuse des lois, la "vraie" France, légitime sur son sol ancestral, et de l'autre, une population indigne qui n'a pas vocation à incarner cette vraie France, constituée qu'elle est de "communautés" - terme d'exclusion dans le répertoire du chef de l'Etat, repris par les médias sans discussion - d'origine étrangère, d'individus parasites. Un ensemble flou, menaçant, auquel, selon les moments et les circonstances, sont adjoints les grévistes, les profs, voire les juges, censés relâcher tous les délinquants, et "les élites ".
La vraie France a droit à des flots de compassion, parce qu'elle "souffre", leitmotiv de la campagne de Sarkozy, l'autre, souvent la plus pauvre et la plus fragile, est vilipendée, livrée en pâture à la première comme source de ses malheurs.
On se souvient peut-être d'une séquence télévisuelle de 1987 qui montrait le candidat Sarkozy en campagne, évoluant dans un wagon du RER au milieu des voyageurs tranquilles. Il se penche vers une dame assise, l'interpelle avec une incroyable, étrange excitation : "Vous avez peur, hein, madame, vous avez peur ?" La voyageuse le regarde avec étonnement, presque de l'ahurissement, sans répondre. Véritable scène révélatrice et annonciatrice de la gouvernance qu'il a mise en œuvre depuis cinq ans : susciter la peur, des fantasmes de peur, pour apparaître comme le protecteur.
C'est là toute l'imposture de ce qu'on ne saurait pas même appeler une idéologie, mais un plan cynique pour occulter une politique qui favorise les banques, les patrons du CAC 40, les actionnaires, les bailleurs de multiples appartements, les hauts revenus et les exilés fiscaux.
L'imposture, elle est là encore, évidente, révoltante, dans cette communion prévue le 1er mai autour d'une valeur travail déconnectée de l'emploi et du salaire, de la hausse des loyers, des étiquettes de prix au supermarché et du coût des soins dentaires.
Quel travail, où le travail, quand des usines licencient, ferment du jour au lendemain, que les files d'attente s'allongent à Pôle emploi ? Pour qui le travail, à la couleur de la peau, à l'âge ou au diplôme ? Comment le travail, dans une atmosphère de harcèlement, dans les déplacements quotidiens au bout du RER ou les trajets de 50 km à l'aube ? Combien le travail, 1 000, 1 500 euros dont il faut déduire le loyer de 500 euros ?
Rien de tout cela n'importe à un candidat qui, depuis cinq ans, n'a cherché qu'à déréglementer le travail, à l'imposer le dimanche, à détruire le service public d'éducation et de santé, à "rassurer les investisseurs".
Le 1er-Mai de Sarkozy et de l'UMP, c'est en réalité la fête du libéralisme dur, "décomplexé", dont l'ambition est de néantiser la représentation syndicale et d'étouffer les luttes sociales. Place de la Concorde, derrière les majestueuses fenêtres de l'Hôtel Plazza et des appartements de 300 m2, les gens pourront regarder le spectacle avec amusement.
C'est tout à l'honneur de François Hollande de rompre avec cette vision d'une France en guerre contre l'autre, par exemple en refusant, ces jours-ci, de revenir sur son projet de vote des étrangers aux élections locales, vote qui rapprocherait les habitants, œuvrerait à ce vivre-ensemble qui se réalise peu à peu et sans drame dans des villes de la grande banlieue, comme celle où je réside. Ou en s'opposant au principe d'une "présomption de légitime défense" pour les policiers, issue du programme de l'extrême droite, porte ouverte à tous les droits en matière de répression, pierre angulaire d'un système policier.
Il faut casser cet imaginaire de suspicion et de haine qui empoisonne le pays, mais cela ne se fera qu'en engageant la lutte pour un partage des richesses, l'égalité dans l'éducation, l'accès aux soins, à la culture, des conditions de vie meilleures pour tous. Pour une République sociale.
Le «parallèle» Pétain-Sarkozy
Publié : 02 mai 2012
par superuser
La référence à Philippe Pétain
Lundi 30 avril 2012 -
Alain Garrigou,
Le Monde Diplomatique
Le ton a monté dans la campagne de l’élection présidentielle de 2012. Rien que de très normal dans une période électorale ? En l’occurrence, il y a des raisons supplémentaires. La plus apparente est le score du Front national qui amène le président sortant à droitiser sa campagne pour bénéficier des reports de vote. Un peu plus encore qu’en 2007, où il avait ponctionné une partie de cet électorat dès le premier tour.
Cette fois, il ne peut donner l’illusion de la nouveauté et se trouve condamné à la surenchère. Il n’a changé ni d’inspiration, ni de conseiller. Un surcroît de droitisation s’est donc exprimé dans les mots dès la campagne du premier tour, avec encore un durcissement avant le deuxième. Il était fatal, dirait un observateur distant, que la riposte marque aussi un durcissement. Comme Clausewitz évoquait une logique d’ascension aux extrêmes à propos de la guerre, la compétition politique subirait la même fatalité… sauf le passage à la violence physique. En tout cas, en France et aujourd’hui, car la montée en tension des campagnes électorales continue souvent au-delà des normes pacifiées de la compétition démocratique. Comparer un président de la République en exercice à Philippe Pétain, ce n’est pas seulement un argument outrancier de la polémique politique. C’est évoquer une figure dictatoriale qui a aboli la République et appelé à la collaboration d’Etat avec l’occupant nazi. Ce chef de l’Etat français, après avoir été adulé par un peuple en détresse, a été condamné à mort à la Libération et gracié à cause de son grand âge. Le syndrome de Vichy continue manifestement d’habiter le présent.
L’historien se méfie de ces parallèles, même s’ils appartiennent à un procédé classique de l’historiographie. Depuis Plutarque et ses «Vies parallèles», où les biographies étaient menées par paires (Périclès-Fabius Maximus, Alcibiade-Coriolan, etc.), la comparaison et la référence ont toujours servi à comprendre l’histoire. Celle-ci fut d’ailleurs l’école qui offrait des modèles aux gouvernants. Aujourd’hui serait-ce seulement un procédé de lutte électorale pour se grandir ou discréditer l’adversaire ?
En faisant la part de ce qui revient aux débordements polémiques, l’historien doit bien s’arrêter à ces évocations historiques plus rares qu’auparavant. Il le doit d’autant plus qu’elles peuvent paraître tout sauf anodines. Car certaines comparaisons sont aussi graves si elles sont fausses que si elles sont exactes. Ce serait tellement plus commode que de mettre cela sur le compte de l’excès polémique. Mais quelle que soit cette part, la référence à Philippe Pétain aujourd’hui ne peut laisser indifférent et surtout sans analyse.
Le «parallèle» Pétain-Sarkozy s’appuie sur des affinités doctrinales. La référence au collaborationnisme, encore plus grave, est imparable puisque la proposition venait d’abord de Philippe Pétain après l’entrevue de Montoire avec Hitler. La proposition de Nicolas Sarkozy de faire du 1er mai la fête des «vrais travailleurs» peut être comprise comme une provocation habile (?) à l’égard de ces syndicats de salariés, «de gauche», qui exacerbent si facilement l’hostilité à droite. Une manière aussi de contester le monopole du 1er mai à la tradition ouvrière, depuis les émeutes de Chicago de 1886, comme le FN l’a fait en fêtant Jeanne d’Arc le même jour. Jeanne d’Arc était donc «prise» — et qui s’en préoccupe aujourd’hui ? Le FN n’a pas eu l’idée de faire du 1er mai la fête des «vrais travailleurs». Peut-être parce que cela aurait rappelé Vichy.
L’ancien secrétaire général adjoint de la CGT, René Belin, rallié au régime de Vichy (l’«ouverture»), avait convaincu le maréchal Pétain de fêter le 1er mai [correction : et non le «vrai travail»]. Une occasion supplémentaire d’alimenter le culte de la personnalité. Cela ressemble à s’y méprendre à la proposition de Nicolas Sarkozy. Ce n’est qu’un écho de Vichy parmi beaucoup d’autres sur la protection nationale («la France aux Français»), les mesures anti-naturalisation, etc. L’ensemble a bien des affinités avec l’idéologie vichyssoise, culturellement et économiquement protectionniste, tournée vers la protection par un chef, plus ou moins xénophobe mais favorable aux puissants (le grand patronat français n’avait jamais été aussi fort que sous Vichy). Devant ce constat, l’historien des idées irait chercher les sources de convergence. Il les trouverait d’abord dans les hommes, bien forcé de remarquer la présence de conseillers situés à l’extrême droite dans l’entourage politique.
La place du conseiller Patrick Buisson a été amplement soulignée par la presse, par le président lui-même lors d’une cérémonie de remise de légion d’honneur, puis confirmée par les proches du président-candidat. Souvent pour la déplorer. Patrick Buisson a publié un ouvrage sur Vichy dont le titre racoleur — «1940-1945. Années érotiques» — laisse dubitatif. Réticents à se préoccuper de ce genre de sous-littérature historienne, les historiens de métier l’ont ignoré. Une seule recension en livre la substance : «Son livre apporte peu de connaissances sérieuses sur la période dont il traite, mais il offre en revanche un point de vue saisissant sur la France de M. Sarkozy, sa curieuse vision de l’histoire, et surtout la manière dont le virilisme s’y trouve érigé à la fois en grille de lecture du monde et en mode de gouvernement» (Sylvie Tissot, «Vichy, les femmes et le sexe, Le Monde diplomatique, mai 2009). Le titre cache mal une version édulcorée de révisionnisme qui excuse largement le régime de Vichy de ses fautes. Le principe femelle de la France dominée par une Allemagne mâle, cela ressemble même à la pensée d’un éminent juriste et ministre de Vichy, Abel Bonnard.
Sachant que Patrick Buisson a été nommé en 2007 directeur de la chaîne Histoire, propriété du groupe Bouygues, on ne minimisera pas le travail d’influence opéré par un homme qui cite Gramsci — le théoricien de la guerre des idées, et non le marxiste, bien sûr. On se prend à regretter un temps où le pouvoir politique confiait la présidence d’une chaîne (La Sept) à un grand historien comme Georges Duby.
Ce n’est évidemment pas une coïncidence si un second homme particulièrement présent dans la campagne de Nicolas Sarkozy est lui aussi un ancien du FN, lui aussi un catholique intégriste et a lui aussi fait des études d’histoire. Selon les médias, Guillaume Peltier a Patrick Buisson pour mentor. Il est vrai que les affinités ne s’arrêtent pas là et qu’il est aussi passionné de sondages que son aîné, ayant créé «La lettre de l’opinion», comme le premier avait créé «Politique Opinion - Faits et chiffres» et se vante aussi de décrypter l’opinion. Quelle est donc cette appétence des historiens sans formation spécialisée pour les sondages, sinon la croyance d’avoir trouvé une clef de l’action politique ? Rien à voir avec Vichy, répliqueront les esprits chagrins. Erreur : Vichy avait beaucoup misé sur la statistique sociale.
L’historien des idées chercherait encore du côté des courants idéologiques et insisterait sur l’inspiration maurassienne. Cette qualification ne parle plus forcément à l’esprit de beaucoup de contemporains. On la retrouve pourtant aujourd’hui sous plusieurs plumes à propos de Patrick Buisson, «issu de la droite maurassienne». S’agit-il de donner quelque aura à un vulgaire pétainisme ou de ne pas risquer le procès ? On sait que Charles Maurras n’inspire plus grand monde de manière explicite : ses appels au meurtres contre les juifs, Blum ou Salengro (il a réussi), sa condamnation à la Libération l’ont discrédité. A côté de ces défauts, il importe peu qu’il soit aussi un piètre penseur. Maurras fut donc l’homme qui vit une «divine surprise» dans l’arrivée au pouvoir de Philippe Pétain. Il fut celui qui inspira le maréchal : l’ancien chef de l’Action française était un agnostique sinon un athée qui pensait que la religion était nécessaire au peuple pour le contrôler ; il était un ennemi juré des juifs, des francs maçons, des étrangers et des protestants. Les haines de Vichy (sauf le quatrième terme). Le prophète du nationalisme intégral n’échappa pas à la contradiction du régime qui aboutit à la Collaboration sous couvert de patriotisme. Il fut enfin l’homme sourd et obstiné qui ressassa les vieilles haines jusqu’au bout en lançant au verdict de son procès : «C’est la revanche de Dreyfus !»
Telle pourrait être un début de réponse de la philosophie politique et de l’histoire des idées. Cela ne suffit pas. Si le retour d’idées discréditées, tant elles sont associées aux crimes de la seconde guerre mondiale, est une question réellement posée, comment peut-on l’expliquer ? L’historien doit alors se faire sociologue, pour savoir s’il existe des conditions sociales homologues. L’histoire est singulière quand il s’agit d’évoquer les événements et les personnages, mais pas les processus. La crise des années 1930 avait radicalisé les Français dans les deux sens. Le Front populaire avait marqué une radicalisation à gauche qui a largement masqué dans la mémoire la radicalisation inverse. Cette dernière conduisit une partie du patronat français à soutenir les tendances les plus radicales de l’extrême droite, comme le Parti populaire français (PPF) de Jacques Doriot. Cette droitisation a touché les milieux populaires d’autant plus qu’ils étaient affectés par l’incapacité des gouvernements à agir. En 1935, Pierre Laval a été le plus incompétent dirigeant qui mena une politique de déflation accentuant encore la récession. Sans doute dans les pays voisins, les fascismes ont-ils relativisé la droitisation de la société française — malgré le 6 février 1934 — et fait croire à une «allergie française au fascisme».
Il est toujours surprenant de constater que les pauvres puissent être tentés par l’extrême droite. Ce n’est pourtant qu’une banalité de la condition des «petits blancs», ainsi qu’on désignait après la guerre de Sécession aux Etats-Unis les Blancs pauvres du Sud, plus racistes que tous les autres parce qu’ils se sentaient plus menacés par les Noirs qui leur étaient inférieurs. La peur du déclassement n’est pas abstraite mais se fonde sur les rapports concrets de la vie ordinaire. Fussent-ils fantasmatiques comme dans le Sud raciste américain. La proximité matérielle et spatiale nourrit le racisme et l’extrême droite, qui apportent des réponses simples et rattachées à l’expérience, même si celle-ci est trompeuse. Dans l’Allemagne de l’entre-deux-guerres, il est frappant de constater combien les suffrages en faveur des nazis suivirent la courbe du chômage. Le nazisme s’est fondé sur l’antisémitisme, non point une partie de son programme mais son ressort car il répondait à l’angoisse du déclassement de nombreux Allemands en créant une catégorie paria qui grandissait à l’inverse tous ceux qui n’en étaient pas — les membres du volksgemeinschaft. On voit bien comment aujourd’hui, l’immigré, non plus le Juif mais le musulman à moins que ce ne soit l’Arabe, sert de classe paria pour à la fois effrayer et rassurer les Français apeurés par le déclassement.
Un point de vue commode dans les cercles intellectuels et médiatiques est de stigmatiser le FN comme force politique représentant cette extrême droite pétainiste et d’en évaluer l’importance au gré des fluctuations de ses scores électoraux. On peut craindre que ce ne soit minimiser cette force politique. A en juger non seulement par les discours de Nicolas Sarkozy, mais aussi par ceux de ses fidèles comme la droite populaire de Lionnel Luca ou de Laurent Wauquiez, mais aussi à observer les militants du parti du président, leur sociographie et leurs réactions dans les meetings et sur les forums internet, il semble bien que l’UMP soit aujourd’hui un parti néopétainiste. Pour une formation qui vient historiquement du gaullisme, c’est, au mieux, un sacré paradoxe.
Ce n’est pas une conclusion rassurante. Le plus sûr indice en est la place nouvelle du vote d’extrême droite dans les catégories des jeunes les plus touchées par le chômage. La défaite de Nicolas Sarkozy le 6 mai ne ferait qu’enregistrer le fiasco d’un chef et de son équipe. Le péril en serait-il amoindri ? Il ne faut jamais jouer la politique du pire. Mais le péril subsistera tant que nos sociétés ne sortiront pas de la crise. Et quoiqu’il en soit de la majorité, il restera, même en cas de victoire démocratique, une infinie tristesse d’en être là. Autant de citoyens encore tentés par les solutions autoritaires et racistes, sans en comprendre les implications sans doute, c’est déjà désespérant.
http://blog.mondediplo.net/2012-04-30-L ... ppe-Petain
Re: 1er-Mai, alerte à l'imposture !
Publié : 02 mai 2012
par maguy
Il est toujours surprenant de constater que les pauvres puissent être tentés par l’extrême droite. Ce n’est pourtant qu’une banalité de la condition des «petits blancs», ainsi qu’on désignait après la guerre de Sécession aux Etats-Unis les Blancs pauvres du Sud, plus racistes que tous les autres parce qu’ils se sentaient plus menacés par les Noirs qui leur étaient inférieurs.
C'est vrai et tragiquement vrai

Le petit blanc du sud (red neck) se sent supérieur aujourd'hui encore au noir qui a un vrai boulot. Je vais essayer de trouver cet article du Monde diplo sur internet (que je reçois sur papier) qui explique comment le Mississipi, le plus pauvre des états US, arrive à voter républicain.
Comme le dit une femme (blanche, pas vraiment facho selon elle) : le problème est que les 1% (les plus riches) croient s'y retrouver dans 30 ou 40% de la population.
En plus, franchement contre l'avortement, elle reconnait que ce n'est pas si mal, compte tenu que cela ferait moins de noirs et de pauvres.
Je dérape, désolée Sophie, je cours chercher la source

Re: 1er-Mai, alerte à l'imposture !
Publié : 02 mai 2012
par faribole
Ce que je trouve grave, c'est que justement, ceux qui tirent leur épingle du jeu, sont
- ceux qui ne travaillent pas, faisant travailler les autres (je ne parle pas des petits patrons, plutôt des actionnaires, du petit au grand),
- ou ceux qui ont un travail parfaitement inutile à la société (au mieux), voire nuisible (le plus souvent) !
Dans mon patelin, la plupart des villageois sont aisés : parce qu'ils vendent les terrains appartenant à leur famille depuis 18 générations (pour y construire des merdes roses en lotissements), parce qu'ils bossent à la banque, dans les assurances, sont chef de rangée de téléprospecteurs en batterie, vendeurs de conneries dont personne n'a besoin.... Ou superagriculteurs productivistes cancérogènes...
Ceux qui galèrent sont agriculteurs (raisonnables), menuisiers, garagistes, ou font dans l'associatif (c'est moi

), bref c'est plutôt eux qui ont les métiers avec du SENS ! Y'a aussi quelques chômeurs et rsastes, qui occupent leur temps avec des activités nettement moins connes que ceux du paragraphe précédent...
alors son VRAI travail il peut se le foutre au CUL ! profond !
je sais que j'enfonce une porte grande ouverte mais ça fait quand même du bien de l'écrire !
rââââ