Il est grand temps de cesser de dilapider l'argent de la République! Aider les chômeurs, oui, en faire des assistés, NON. Lorsqu'un individu perçoit le RMI, il est payé par l'Etat et si tout travail mérite salaire, tout salaire mérite travail!
Et ce travail "mérité" ne mériterait ni un contrat de travail, ni un salaire minimum pourvu dans le code du travail, ni l'accord librement consenti entre deux parties, l'employeur et le salarié? Tout en travaillant, le chômeur reste chômeur et le RMIste reste RMIste. Conception bien étrange pour un État dit démocratique et développé.
A ce sujet, je vous livre un résumé que j'ai fait d'une étude de recherche des effets socio-économiques du travail d'intérêt général obligatoire à la destination des demandeurs d'emploi en Allemagne. Ce rapport démontre que le travail obligatoire à coût zéro coûte beaucoup à la société et ne résoud en rien le problème du chômage. Au contraire.
A lire avec précaution.
Allemagne: Travaux sociaux d'intérêt général - mise en place et effets sur l'entreprise et le marché du travail - un bilan
(source:
IAB Forschungsbericht Nr. 2/2007)
Les réformes que proposent les ‘grands’ canditats à la présidence de la France pour lutter contre le chômage ne sont pas innovatrices, je pense en particulier à une: lier le versement d'un minimum social à une obligation de travail, mais cela n’est pas un inconvénient, car pourquoi ne pas s’inspirer de ce que font les pays voisins, comme l’Allemagne, par exemple. Peu importe la connotation positive que se forcent de donner les candidats (responsabiliser, la dignité, la valeur travail etc.) à effectuer un travail d’intérêt général, ils peuvent rajouter du miel à volonté: il s’agit néanmoins d’un
travail obligatoire dont le refus sera sanctionné par une réduction significative ou la suppression pure et simple de l'allocation aumônale, appelée depuis le début de la campagne électorale ‘assistanat’.
On peut se poser la question pourquoi on reprend les idées d'autres pays sans s’être intéressé
aux résultats qu’a donné la mise en pratique de ces idées dans ces pays. En tout cas, ce ne sont pas les candidats à la tête de la course qui se sont intéressé de plus près aux résultats qui sont pourtant à la dispisition de tous, pourvu qu’on soit connecté à internet et qu’on comprenne l’allemand. Ce ne sont donc pas des obstacles insurmontables pour un(e) futur président(e) de la France.
Quand je parle de résultats, je m’appuie sur une
étude publiée par « l’Institut für Arbeitsmarkt- und Berufsforschung » (IAB) (traduction : institut de recherche sur le marché de travail et de la profession).
Je me pose la question sur l’indépendance de cet institut de la « Bundesagentur für Arbeit » (abr.: BA = ANPE allemande), découvrant le logo de la BA sur la page d’accueil du site du IAB, sans pouvoir me prononcer pour le moment. En lisant son rapport, je m’aperçois que malgré un ton artificiellement positif, les résultat sont plus que décevants. Ne nous laissons pas tromper par l’encencs qui édulcore les faits. Mais venons au faits, qu’a fait l’Allemagne ?
Avec l’entrée en vigueur du plan Hartz 4 en début 2005, il existe la possibilité de procurer un ‘travail occasionnel acceptable’
* de durée déterminé (6 à 9 mois) pour des personnes capables de travailler, dépourvu d’emploi et bénéficiant de l’ALG2 (l’équivalent de l’ASS : 345 euros par mois + le paiement du loyer dans une certaine limite), à raison de 20 à 30 heures par semaines. Pour le travail effectué sera payé un « dédommagement » entre 1 et 2 euros par heure, que le chômeur a le droit de cumuler avec son allocation.
* Acceptable est tout travail qui n’est pas illicite ou immoral
(
« Procurer un travail » est ici une obligation, car en cas de premier refus le chômeur se verra réduit son allocation de 30%, ensuite d’avantage jusqu’à la suppression totale en cas récidives. Un chômeur âgé de 25 ans ou plus jeune se verra supprimé son allocation dès le premier refus)
Conditions générales de ce « travail social occasionnel » :
-
Les travailleurs à 1 euro (T1E) ne doivent pas remplacer le travail d’un salarié
- Les travaux doivent présenter un intérêt général et être supplémentaire
*
*supplémentaire est un travail qui ne serait pas ou pas dans cette ampleur effectuée à ce moment
- tous les travaux supplémentaires qui ne font pas concurrence à l’économie locale sont autorisés
-
ce travail occasionnel n’est pas un travail qui s'inscrit dans le cadre du code de travail. Il n’y a pas de contrat de travail, pas de salaire, pas de maintien du paiement du dédommagement en cas de maladie, pas de droit à la grêve et pas de protection de licenciement, pas de syndicat
-
Les T1E ne sont pas considérés comme des chômeurs et ne figurent plus dans les chiffres du chômage (
mais sont bien présents dans la base de données de la BA, indemnisés par la BA et continuent à chercher du travail ! n.p.)
Les avantages à première vue semblent donc multiples pour le gouvernement en place :
création d’un ensemble de travailleurs bon marché sans droits, baisse du chiffre du chômage, récupération partielle du coût du chômage à l’aide du travail effectué par les T1E, espoir d’augmenter ou de rétablir « l’employabilité » des T1E.
Il faut savoir que la population qui est en mesure de « bénéficier » d’un tel travail obligatoire est composée de deux types de chômeurs : les personnes qui sont au chômage depuis longtemps et pour qui le marché du travail est supposé être fermé définitivement. Le deuxième type est un chômeur qui n’a que peu soit jamais travaillé. Un des arguments avancés du gouvernement à l’introduction du travail à un euro était de tenter une (ré)ouverture au marché du travail pour cette population. Un autre argument venait tout simplement de la situation sociale tendue. Il fallait donc se montrer actif et capable de gérer voir améliorer la situation, soit au moins consoler les gens qui travaillaient avec des charges de travail de plus en plus importantes, pressurés et angoissés de pouvoir se trouver eux-mêmes bientôt au chômage.
Il était donc tentant de remonter les travaillants contre les non travaillants et répandre l’idée que les uns vivaient sur les efforts des autres, ce que le gouvernement a en partie réussi. Cela permet aux uns de décharger leur angoisse en montrant du doigt les autres, puis au gouvernement de faire accepter par une majorité l’introduction du travail obligatoire.
L’intention du gouvernement était enfin de « tester » la motivation du chômeur lors de sa première demande de RMI, tester « s’il voulait vraiment travailler » en lui proposant tout de suite un travail à un euro, si possible un travail désagréable en espérant un effet dissuasif pour ainsi ménager les caisses de l’État.
On voit que tous les effets d’un climat social tendu par un marché de travail en crise sont réunis : la suspicion du chômeur paresseux ou profiteur, la volonté d’éloigner le demandeur d’emploi des minima sociaux et l’intention de camoufler les chiffres.
Passons maintenant sur les détails du rapport qui est composé de 69 pages pour venir directement au bilan final. Je traduis :
Des travaux sociaux occasionnels se sont avérés être un instrument important dans des réformes récentes du marché du travail. Tels ou tels demandeurs d’emploi recevant l’ALG2 pouvaient au moins pour une durée déterminée faire une activité. Des travaux occasionnels donnent aux chômeurs l’occasion de faire preuve de leurs capacités et de leur disposition à travailler, à élargir leur savoir faire et renforcer des liens sociaux.
Du point de vue de l’entreprise dans laquelle le T1E travaille, ce type d’activité a été jugé essentiellement positif. La plupart des personnes sont qualifiées pour effectuer les activités qui leur sont demandées dans le cadre du travail social occasionnel. La motivation de travail a été jugée haute pour 28%, satisfaisante pour 56 % et insuffisante pour seulement 11%. Malgré tout, 28% des T1E ne sont pas aptes à entrer sur le marché du travail, du point de vue de l’entreprise. La plus importante cause (74% de ces cas) avancée est une qualification insuffisante, vue la grande part des non qualifiés surtout en Allemagne de l’ouest.
(
Suit une liste de recommandations de ce qu’il faudrait faire…)
Le fait que les entreprises jugent la majorité des T1E apte pour être employés sur le marché du travail ne signifie pas qu’ils le seront. (
quelle perspicacité !) Seulement pour 2% des T1E aptes (donc pour moins de 2% de la totalité) existe une intention d’embauche, pour 5% des T1E aptes les entreprises réfléchissent. (
combien de temps, et quel sera le résulta de leur réflexion ?)
Pour tous les autres la possibilité d’embauche est inexistante. (
donc « les autres » ce sont 100% - (2% de 74%), donc presque tout le monde…)
Les entreprises avancent comme raison de ne pas embaucher les TE1 des moyens insuffisants. En partie ils envisagent de faire travailler une nouvelle fois d'autres T1E
car ils ont besoin que les activités effectuées par les premiers continuent à être effectués. (
Donc ces chômeurs rendent bien service quand-même n'est-ce pas?) Si on demande les entreprises, le travail social occasionnel n’est pas un tremplin pour être embauché.
(
Face à ces chiffres, on ne peut qu’acquiescer.)
[…]
Il y a des entreprises qui utilisent des T1E à des fins non conformes aux règles dictées par le législateur, ou qui sont en concurrence avec d’autres entreprises qui n’emploient pas des T1E.
Cela crée donc une concurrence déloyale.
L’emploi de travaux sociaux occasionnels d’une façon non conforme n’est pas en mesure d’être découvert par les services de l'État, car pendant l’activité il n’y a pas de communication entre la BA, ses conseillers, les entreprises, le T1E, l’autorité responsable et la commune. Sans ces contacts et sans l’action responsable du conseil de la région, ces travaux peuvent devenir un instrument qui nuit plus qu’il ne soit utile. Certes, pour une période ces chômeurs sont occupés (
et le chiffre du chômage baisse) et les entreprises disposent d’une aide gratuite.
Mais une utilisation non conforme des T1E crée du chômage ailleurs et mène ainsi à une perte de cotisations sociales.
[…]
Puis
le rapport préconise une surveillance des organismes et des entreprises qui font travailler des T1E pour contrecarrer l’effet d’augmentation de chômage et de concurrence déloyale, ce qui va charger encore plus le budget de la BA. Mais le coût économique total résultant de substitutions de vrais emplois et la déformation de la concurrence devrait être plus élevés.
(
Je traduis : Ça gaspille un peu moins d’argent de faire surveiller les entreprises qui ont recours aux T1E que les dégats du chômage produit par l’utilisation des T1E. Mais ça gaspille quand-même !)
Voilà ce que dit l’étude effectué par l’institut de recherche qui dépend de l’ANPE allemande (donc a priori pas complètement indépendante).
En résumant : Le résultat de l’expérience est désastreux !
Et en mots simples, comme l’aiment certains candidats à la présidence :
- Le travail d’intérêt général obligatoire crée du chômage et une perte de cotisations sociales
(quel succès !)
- La plupart des personnes qui effectuent un tel travail sont qualifiés pour le faire.
- La majorité des personnes qui ont fait un tel travail ont été jugés motivés par les entreprises. (
donc on n’a pas besoin de tester leur motivation, on le sait désormais !)
- Les entreprises jugent ce type de travail positif
(cela étonnerait qui, puisque c'est du travail gratos...)
- 72% des personnes qui font un tel travail sont jugées aptes à être employés dans une entreprise. (
donc pas besoin de les faire travailler pour 1 euro pour qu'ils acquièrent l'aptitude)
- Les entreprises n’embauchent pas ces « abeilles » qui ont travaillé gratuitement pour eux
(à une infime minorité près; pourquoi payer pour quelque chose qu'on peut avoir gratuitement)
- Ce type de travail crée une concurrence déloyale et déséquilibre le marché du travail.
(c'était l'effet escompté ?)
- Ce type de travail occupe les chômeurs et renforce les liens sociaux.
(Eh ben merci pour l'occupation)
Est-ce que j’ai besoin d’être occupé par un travail que je n'ai pas choisi pour créer des liens sociaux ? Le travail d'intérêt général obligatoire était jusqu'à présent réservé à des condamnés par la justice comme alternavite à la prison ferme. Pourquoi traiter désormais les chômeurs comme des criminels?
Maintenant je laisse la parole à d’autres sources qui sont indépendantes de la BA, l’ANPE allemande :
Pendant l’année 2005, environs 604.000 personnes ont effectué un travail à un euro. Cette mesure a coûté 1,1 milliard d’euros à l’État.
L’ANPE allemande a constaté une baisse importante de personnel salarié, surtout dans le secteur des soins aux personnes âgées, des maisons de repos, des lieux d’accueil pour enfants, confirmé par l’IAB.
Dans différents secteurs, des salaires ont baissé suite au recours aux chômeurs. Les travaux à un euro ont accéléré la hausse du chômage. Le président de l’artisanat, Monsieur Otto Kentzler, a critiqué violemment l’augmentation des travaux à 1 euro. Les communes qui jadis faisaient appel aux entreprises d’artisanat et de services utilisent aujourd’hui des chômeurs, à la suite de quoi ces entreprises mettent la clé sous la porte ou licencient.
Le recours aux travaux d’intérêt général attaque les conditions de travail et de salaire de tous les salariés, ce qui baisse la qualité de travail et augmente la peur de perdre sa place. Les salariés renoncent à un temps de convalescence lors d’une maladie et pèsent ainsi sur le système de santé au long terme.
Des employeurs publics et privés se retirent de leur responsabilité de créer de nouvels emplois. En mettant l’accent sur les caisses vides on renforce l’acceptation générale de recourir à l’utilisation des chômeurs pour accomplir les tâches dont la société a besoin.
Fortement critiquable est aussi le fait que des centaines de milliers de personnes soient conduites dans un espace juridiquement flou. Il n’est pas sûr que l’obligation de faire un travail d’intérêt général soit conforme avec la constitution. (Prof. Dr. Günther Stahlmann, travail à 1 euro d’un point de vue juridique).
Voir aussi l’article dans « die Zeit » :
la concurrence à coût zéro.
Source :
Die Zeit
On a envie de dire: Tout ça pour ça?
Voilà, chers candidats à la présidence de la France, vous qui êtes tenté ou avez l’intention d’utiliser des chômeurs pour un travail obligatoire, vous connaissez maintenant les effets néfastes qu’a produit ce type de mesure chez vos voisins d’Outre-Rhin. Vous ne pouvez pas dire que vous ne saviez pas.