La "mise à plat" du système d'assurance-chômage...
Publié : 24 janv. 2007
Source :Des pistes pour rendre le système d'assurance-chômage plus équitable et plus efficace
LE MONDE | 24.01.07 | 15h44 • Mis à jour le 24.01.07 | 15h44
Réformer le régime d'assurance-chômage : les partenaires sociaux s'y essaient avec de grandes difficultés, entre un patronat d'abord désireux d'alléger le coût du travail et des syndicats soucieux d'améliorer l'indemnisation des chômeurs. Deux économistes du Centre d'études de l'emploi, Bruno Coquet et Arnaud Sylvain, ont imaginé une réforme de l'Unedic qui dépasse ces clivages et dont rend compte la revue de l'Institut de l'entreprise, Sociétal, du 15 janvier.
Les deux chercheurs tentent de rendre le système d'assurance-chômage plus équitable et plus efficace économiquement. "Il est à bout de souffle, asphyxié par une profusion de règles et d'exceptions, affirment-ils, il diffuse des incitations incohérentes et engendre des situations iniques."
In fine, leurs propositions permettent de réduire de 11,2 milliards d'euros la facture pour les entreprises, dont les cotisations en 2005 au régime d'assurance-chômage se sont élevées à 25,6 milliards d'euros. Ces économies représentent à peu près la moitié des allégements de charges actuels et correspondent à une baisse du coût du travail de 2,5 points. Avec à la clé, selon les experts, la création de dizaines de milliers d'emplois.
Première injustice à laquelle ils veulent remédier : le financement actuel de l'Unedic par le seul secteur marchand. "Il paye seul pour quelque chose qui ne dépend pas que de lui, explique M. Coquet. Il y a des cycles d'activité. Et, en bas de cycle, il y a plus de chômage."
La fonction publique, qui ne cotise pas à l'Unedic, serait donc mise à contribution via l'instauration d'une cotisation patronale pour 8 milliards d'euros. "En bas de cycle, quoi qu'il arrive, les impôts permettent de payer les salaires dans la fonction publique. Ce qui peut s'interpréter comme une assurance parfaite contre le risque de chômage" aux frais des contribuables, poursuit l'économiste. Il n'y a pas de raison que la fonction publique ne participe pas à l'effort collectif.
Les deux auteurs suggèrent également - sans chiffrer la mesure - que les retraités, qui en sont exonérés, cotisent à l'assurance-chômage des salariés, "qui assurent le paiement de pensions stables".
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Qui plus est, constatent les économistes, l'Unedic est structurellement excédentaire, de quelque 2,5 milliards, et il conviendrait donc de réduire les cotisations des entreprises d'autant. Les excédents de l'Unedic, quand la conjoncture est favorable, dépassent ses déficits alors qu'ils devraient s'équilibrer. Le système d'assurance-chômage est en effet conçu pour être à l'équilibre avec un taux de chômage aux alentours de 9,3 % alors que le taux de chômage structurel - celui qui existerait en l'absence de chocs conjoncturels - a été abaissé, grâce aux récentes réformes du marché du travail, à 8,5 %.
Les prévisions de l'Unedic confirment ce chiffrage : elles misent sur un excédent de 300 millions d'euros en 2006 (pour un taux de chômage de 8,8 % fin 2006) et de 2,8 milliards en 2007 (8,3 % de chômage fin 2007).
Deuxième injustice à laquelle s'attaquent les deux économistes : les entreprises ne contribuent pas au régime d'assurance-chômage à hauteur de ce qu'elles lui coûtent. "D'un point de vue économique et assurantiel, il serait logique de faire payer plus les entreprises qui coûtent plus cher, en l'occurrence celles qui utilisent largement les contrats courts", juge M. Coquet. Ce "d'autant que le marché du travail souffre largement du peu de fluidité entre travail précaire et contrats longs". Les deux économistes proposent une cotisation décroissante en fonction de l'ancienneté du salarié.
Troisième injustice, les droits des salariés varient largement d'une catégorie à l'autre. Les auteurs veulent les mêmes règles pour tous. Ils proposent de rationaliser l'indemnisation des chômeurs, et notamment de la calculer à partir du nombre d'heures travaillées - "quatre heures d'indemnisation pour cinq heures travaillées au cours des trente derniers mois" - et non plus du nombre de mois d'activité.
Aujourd'hui, "un salarié à mi-temps acquiert des droits en travaillant deux fois moins d'heures qu'un salarié à plein temps", constatent les auteurs. L'indexation du régime d'assurance-chômage sur le nombre d'heures travaillées permettrait également de supprimer les cas où la durée de prise en charge est supérieure à la durée de cotisation. Dans bien des cas, il suffit d'avoir cotisé seize mois au cours des vingt-six derniers mois pour être indemnisé vingt-trois mois.
Enfin, cette nouvelle règle d'indemnisation permettrait de gommer les effets pervers liés au régime d'assurance-chômage des plus de 50 ans. Si un quinquagénaire peut justifier de vingt-sept mois de cotisations au cours des trente-six derniers mois, il aura droit à trente-six mois d'indemnisation, alors qu'un individu de 49 ans n'aura pas droit à plus de vingt-trois mois. Pour la France qui veut allonger la durée de travail des seniors, cela est, économiquement, contre-productif.
Virginie Malingre
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