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«Autolicenciement» ou «prise d'acte» : kézaco ?

Publié : 11 août 2011
par superuser
SLOVAR met le doigt sur cette forme de licenciement que je ne connaissais pas... Intéressant.


Si, en matière de licenciement, les organisations d'employeurs et l'UMP ont plébiscité la rupture conventionnelle, ceux-ci voient d'un très mauvais oeil la «prise d'acte» qui peut permettre aux salariés de s'autolicencier dans de bonnes conditions.

Laurence Parisot, l'auteure de «La vie, la santé, l’amour sont précaires, pourquoi le travail échapperait-il à cette loi ?», aime à répéter que «la liberté de pensée s'arrête là où commence le code du travail». Sauf, bien entendu, lorsqu'un mode de licenciement proposée par le Medef, comme la rupture conventionnelle, y est inscrit. Mais lorsqu'une forme de licenciement lui échappe, il y a péril en la demeure. C'est le cas de la «prise d'acte» déclenchée par le salarié qui, justement, n'existe pas dans le code du travail.

«Prise d'acte», Késako ?

«C'est un mode de rupture du contrat de travail qui n'est ni un licenciement, ni une démission. (...) Le salarié se considère licencié car son employeur est l'auteur de fautes à son encontre. Par exemple : le salarié est victime de violence, est harcelé, ou bien tout simplement n'est pas payé pendant une longue période. (...) On parle parfois d'«auto licenciement». Ce mode de rupture n’est pas prévu par le code du travail, c’est une création jurisprudentielle (...), nous explique Yves Nicol, avocat à Lyon.

Un exemple nous est donné par le Cabinet Ferly : «Un arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 20 janvier 2010 portant numéro de pourvoi 08-43476 pose comme principe que le fait de ne pas rémunérer l'intégralité de ses heures de travail, de ne rémunérer que partiellement ses heures supplémentaires et de ne pas régler intégralement ses indemnités de repas constitue un manquement de l'employeur à l'égard du salarié suffisamment grave pour justifier la prise d'acte par le salarié». On pourra y ajouter cet exemple de «baisse de rémunération à l'occasion d'une rétrogradation».

Néanmoins, comme le précisent les sites juridiques et notamment celui d'Yves Nicol : « (...) ce mode de rupture doit être manié avec précaution. Le salarié devra être capable d'apporter au juge des éléments de preuve pour obtenir gain de cause».

Donc, jusqu'à présent, avec quelques dizaines de cas par an, salariés comme entreprises se contentaient des décisions du conseil des Prud'hommes et de la jurisprudence issue de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation où, comme l'indique L'Expansion, «les Prud'hommes donnent plus souvent raison aux employeurs».

Jusqu'à un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 12 janvier 2011 (numéro de pourvoi : 09-70838) qui indique : «(... ) Il appartient à l'employeur qui considère injustifiée la prise d'acte de la rupture par un salarié qui, étant victime d'un accident du travail, invoque une inobservation des règles de prévention et de sécurité, de démontrer que la survenance de cet accident est étrangère à tout manquement à son obligation de sécurité de résultat». Traduction : l'entreprise doit prouver dans le cadre d'un accident du travail qu'elle avait tout mis en œuvre pour assurer sa sécurité !

Ce qui a paniqué immédiatement les DRH et donné lieu à une proposition de loi «visant à intégrer au sein du code du travail de nouvelles dispositions relatives à la prise d’acte de rupture du contrat de travail», proposition dans laquelle on peut lire ce morceau de bravoure où les députés s'étonnent que la prise d'acte puisse être justifiée par «le fait, pour l’employeur, d’avoir modifié unilatéralement la rémunération d’un salarié, même si c’est dans un sens plus favorable au salarié». Ainsi que cette ignorance (ou cynisme) au sujet d'une des techniques utilisée dans le harcèlement moral : «(...) Plus curieux encore, le fait pour un employeur de ne pas donner de travail à un salarié».

Mais ce que visent clairement les députés UMP et les DRH, ce sont les conséquences que pourrait avoir un nouvel arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation qui confirmerait que c'est aux entreprises de prouver leur obligation de sécurité !

Ce qui est précisé clairement dans la proposition de loi : «Cette position de la Cour de cassation est assez contestable. En effet, elle laisse supposer que lorsque survient un accident du travail, le salarié peut prendre acte de la rupture aux torts de l’employeur».

Conclusion des députés : «Il serait donc peut-être judicieux pour le législateur d’intervenir sur ce sujet pour qu’il puisse enfin cadrer légalement la prise d’acte de rupture du contrat de travail»… et la vider de tout son sens.

Même si Bérengère Poletti, la députée à l'initiative de cette proposition de loi, ne se fait pas trop d'illusion, compte tenu de l'encombrement de l'agenda parlementaire, elle espère «travailler avec [s]es collègues sur ce sujet dans les meilleurs délais».

Il ne reste plus qu'à attendre la réaction de Laurence Parisot qui devrait, selon toute logique, rejeter cette proposition de loi au fait que «La liberté de pensée s'arrête là où commence le code du travail».


http://slovar.blogspot.com/2011/08/auto ... mp-au.html

Re: «Autolicenciement» ou «prise d'acte» : kézaco ?

Publié : 11 août 2011
par maguy
Oui, j'ai lu cet article hier et je n'ai pas tout compris :?

Serait-ce l'équivalent du "droit de retrait" (je crois que c'est le nom) des fonctionnaires si l'employeur ne respecte pas ses obligations contractuelles ?

Re: «Autolicenciement» ou «prise d'acte» : kézaco ?

Publié : 11 août 2011
par mallo83440
Le droit de retrait c'est aussi pour les salariés du privé ... (j'ai eu l'occasion d'en user face à une situation de maltraitance pour laquelle j'ai été une "balance" à la DDASS et je ne voulais pas être complice de l'institut où je bossais en intérim ce jour-là)

:arrow: J'ai interprété cet article comme vous : une sorte de droit de retrait ... Mais étant donné que cela est à l'avantage du salarié ... J'ai du mal lire :? :lol:

Re: «Autolicenciement» ou «prise d'acte» : kézaco ?

Publié : 11 août 2011
par superuser
Non, c'est pas pareil :
Le droit de retrait est un droit protégé. Le salarié, confronté à un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, a le droit d’arrêter son travail et, si nécessaire, de quitter les lieux pour se mettre en sécurité. L’employeur ou les représentants du personnel doivent en être informés. La décision du salarié ne doit cependant pas créer pour d’autres personnes une nouvelle situation de danger grave et imminent.

http://www.travail-emploi-sante.gouv.fr ... ,1047.html
Alors que la prise d'acte est une démission du salarié motivée par une faute de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail :

http://prudhommesisere.free.fr/contrats ... orcee.html

Re: «Autolicenciement» ou «prise d'acte» : kézaco ?

Publié : 11 août 2011
par mallo83440
Merci pour cet éclaircissement.

Concrètement si un salarié use de ce droit et ne trouve pas d'emplois ailleurs ... Que du coup il se présente à Pole Emploi pour demander une ARE ...
Démission ou pas démission ? Etant donné qu'abandonner un poste pendant la période d'essai est trop souvent assimilée à une démission ...

Re: «Autolicenciement» ou «prise d'acte» : kézaco ?

Publié : 11 août 2011
par superuser
mallo83440 a écrit :Concrètement si un salarié use de ce droit et ne trouve pas d'emplois ailleurs ... Que du coup il se présente à Pôle Emploi pour demander une ARE ... Démission ou pas démission ?
Visiblement, ce sera une démission considérée comme "légitime", donc ouvrant droit à l'indemnisation chômage :
Sont également considérées comme légitimes, les ruptures à l’initiative du salarié intervenues dans les situations suivantes :
• la démission intervenue pour cause de non-paiement des salaires pour des périodes de travail effectuées, à condition que l’intéressé justifie d’une ordonnance de référé lui allouant une provision de sommes correspondant à des arriérés de salaires ;
• la démission intervenue à la suite d’un acte susceptible d’être délictueux dont le salarié déclare avoir été victime à l’occasion de l’exécution de son contrat de travail et pour lequel il justifie avoir déposé une plainte auprès du procureur de la République ;

http://www.travail-emploi-sante.gouv.fr ... ,1096.html
mallo83440 a écrit :Etant donné qu'abandonner un poste pendant la période d'essai est trop souvent assimilé à une démission ...
Relis le topic là-dessus : Debutant06 a remis les pendules à l'heure en expliquant que quand la reprise d'emploi est inférieure à 122 jours (durée d'affiliation minimale pour le calcul ou le recalcul des droits), la reprise des anciens droits est INCONDITIONNELLE, que ce soit en période d'essai ou hors période d'essai. C'est au delà de 122 jours travaillés que la rupture de la période d'essai à l'initiative du salarié est considérée comme une démission non légitime qui ne permettra pas une reprise des anciens droits.

Re: «Autolicenciement» ou «prise d'acte» : kézaco ?

Publié : 11 août 2011
par maguy
Je comprends un peu mieux, merci.

Mais la question de l'indemnisation demeure, et c'est au salarié de prouver par un référé ou autre action de justice ses dires.
quand la reprise d'emploi est inférieure à 122 jours (durée d'affiliation minimale pour le calcul ou le recalcul des droits), la reprise des anciens droits est INCONDITIONNELLE, que ce soit en période d'essai ou hors période d'essai.
Donc, si les manquements de sécurité dans une usine ou sur un chantier interviennent après cette période, c'est encore le salarié qui est pénalisé ? Il est rarement question de s'appuyer sur le témoignage des collègues.

D'ailleurs pour reprendre le texte de la reprise des droits, comment se fait-il que tant de personnes aient des problèmes d'indemnisation quand elles quittent l'entreprise pendant la période d'essai avant 122 jours ?

Re: «Autolicenciement» ou «prise d'acte» : kézaco ?

Publié : 11 août 2011
par mallo83440
superuser a écrit :Relis le topic là-dessus : Debutant06 a remis les pendules à l'heure en expliquant que quand la reprise d'emploi est inférieure à 122 jours (durée d'affiliation minimale pour le calcul ou le recalcul des droits), la reprise des anciens droits est INCONDITIONNELLE, que ce soit en période d'essai ou hors période d'essai. C'est au delà de 122 jours travaillés que la rupture de la période d'essai à l'initiative du salarié est considérée comme une démission non légitime qui ne permettra pas une reprise des anciens droits.
Merci très instructif. La prochaine fois promis je cherche si la réponse a été apportée avant de questionner. :oops:

Re: «Autolicenciement» ou «prise d'acte» : kézaco ?

Publié : 11 août 2011
par AVENIRSENIOR
C'est la résolution judiciaire. Cependant, il faut la manipuler avec beaucoup de prudence et avoir "ses billes" !

Re: «Autolicenciement» ou «prise d'acte» : kézaco ?

Publié : 26 août 2011
par eths62
la prise d'acte n'ouvre pas forcement de droits à l'ARE :
Prise d’acte de la rupture

453. L'employeur qui rompt le contrat de travail ou qui le considère comme rompu du fait du salarié en raison des agissements de ce dernier est tenu de mettre en œuvre la procédure de licenciement. A défaut, tout acte de sa part caractérisant la rupture (lettre constatant la rupture, remise du certificat de travail…) s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ( Cass. soc. 25/06/03 n° 01-41.150 ).

En cas de prise d'acte de la rupture par le salarié en raison de faits qu'il reproche à son employeur, le contrat de travail est rompu dès la présentation de la lettre de rupture à l'employeur ( Cass. soc. 16/11/05 n° 01-43.578 ).

Cette rupture produit les effets d'un licenciement si les faits invoqués sont jugés suffisamment graves par les juges ( Cass. soc. 12/07/10 n° 08-45.584 ), d'une démission dans le cas contraire ( Cass. soc. 04/02/09 n° 07-41.142 ).
En cas de prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, dans l’attente de la décision des juges sur la qualification de la rupture (licenciement ou démission : voir n° 453 ), seule la situation de chômage du demandeur d’emploi peut être constatée, sans pouvoir qualifier ce chômage de volontaire ou non. Il ne convient donc pas, en rejetant la demande d’allocations, de s’appuyer sur la condition de chômage involontaire prévue à l’article 4 e) du règlement d'assurance chômage, ni d'utiliser le courrier référencé EC8R.

Il convient, dans ce cas, d’invoquer l’absence de l’un des motifs énoncés à l’article 2 du règlement d'assurance chômage qui permet d’ouvrir un droit aux allocations de l’assurance chômage aux seuls salariés dont la cessation du contrat de travail résulte d’un licenciement, d’une fin de contrat de travail à durée déterminée, d’une démission considérée comme légitime par un accord d’application, d'une rupture de contrat de travail pour motif économique ou d'une rupture conventionnelle du contrat de travail au sens des articles L. 1237-11 s. du code du travail.

Toutefois, il convient d’inviter ces demandeurs d’emploi, au cas où ils seraient toujours en chômage au terme des 121 jours prévus par le paragraphe 1 de l’accord d’application n° 13 du 18 janvier 2006, à retourner le questionnaire leur permettant de faire état de leurs recherches d’emploi et efforts de reclassement, afin que la commission paritaire de l’Assédic (l'instance paritaire régionale visée à l'article L. 5312-10 du code du travail à compter de sa création) puisse apprécier leur situation non plus par rapport au motif de la rupture du contrat de travail, mais au regard des actions entreprises en vue de leur retour à l’emploi.
Pour faire court, tant que les prud'hommes n'ont pas rendu leur decision c'est un rejet dv. Si le tribunal juge que la prise d'acte est du fait des agissements de l'employeur, c'est une admission.

Prise d'acte

Publié : 20 juin 2012
par superuser
L'employeur doit être informé avant sa saisine du conseil de Prud'hommes

Par un arrêt de la Cour de Cassation en date du 16 mai 2012 (Cass. soc., 16 mai 2012, n° 10-15.238, FS-PBR), les hauts magistrats poursuivent le peaufinage du régime juridique de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail.

En l’espèce, un salarié engagé en qualité de responsable administratif avait directement, par le biais d’une lettre de son avocat, saisi le conseil de prud’hommes. Cette lettre faisait mention de la situation de rupture dans laquelle il se trouvait, laquelle était imputable à son employeur et devait produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle faisait également état de divers manquements de l’employeur à ses obligations contractuelles, ainsi que d’un harcèlement moral.

Concrètement, étant absent de l’entreprise, le salarié n’avait pas pris la peine d’informer l’employeur de cette prise d’acte. Il l’avait directement assigné devant le conseil de Prud’hommes.

Or, le salarié a été débouté par la Cour d’Appel de Besançon pour le motif que la rupture ne pouvait être qualifiée de prise d’acte, mais devait s’analyser comme étant une demande de résiliation judiciaire. Les juges du fond ont également considéré que la prise d’acte ne pouvait émaner que du seul salarié et non de son conseil.

Pour rappel, la prise d’acte de la rupture n’exige aucun formalisme et rompt immédiatement le contrat de travail, tandis que la résiliation judiciaire est un recours permettant au salarié de demander à la juridiction prud’homale de prononcer la rupture du contrat. Cette dernière laisse subsister les relations contractuelles en attente du jugement et, également, dans l’hypothèse où les manquements de l’employeur ne sont pas jugés suffisants pour justifier la rupture.

Pour la Cour de Cassation, «si la prise d’acte de la rupture n’est soumise à aucun formalisme et peut valablement être présentée par le conseil du salarié au nom de celui-ci, c’est à la condition qu’elle soit adressée directement à l’employeur».

En l’espèce, «il ne résulte pas des constatations de l’arrêt que l’avocat ait adressé directement à l’employeur une prise d’acte de la rupture au nom du salarié».

Ainsi, d’une part, les hauts magistrats rappellent un principe dégagé antérieurement dans un arrêt en date du 4 avril 2007 (Cass. soc., 4 avril 2007, n° 05-42.847) : «la prise d’acte peut valablement être présentée par le conseil d’un salarié au nom de celui-ci».

Cette faculté est donc dorénavant fermement consacrée par la chambre sociale de la Cour de Cassation.

D’autre part, l’arrêt du 16 mai 2012 doit retenir notre attention en ce qu’il rend obligatoire l’information préalable de l’employeur, par le salarié ou son conseil, de la prise d’acte avant toute saisine du conseil de Prud’hommes.

Un arrêt du 1er février 2012 (Cass. soc., 1er février 2012, n° 10-20.732) avait laissé présager la consécration d’une telle solution. En effet, dans une espèce assez similaire à celle qui nous occupe ici, il avait été jugé que «la saisine du conseil de Prud’hommes par un salarié pour voir juger que la rupture intervenue est imputable à l’attitude fautive de l’employeur ne peut être assimilée à une prise d’acte». Cependant, dans l’arrêt du 16 mai, les magistrats vont plus loin puisqu’ils retiennent expressément qu’une telle saisine doit s’analyser en une demande de résiliation judiciaire.

En conséquence, bien que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail ne soit soumise à aucun formalisme, l’information de l’employeur est un préalable indispensable à la saisine du juge prud’homal. Et, bien qu’un écrit ne semble toujours pas exigé, il ne peut qu’être recommandé afin d’apporter la preuve de cette information.

http://www.miroirsocial.com/actualite/l ... rud-hommes