La vie de pacha des patrons de la Sonacotra
Publié : 26 juin 2011
Les comptes du célèbre gestionnaire de foyers sociaux sont délabrés. C’est que l’ancienne direction menait grand train.
Article complet : http://www.capital.fr/enquetes/derapage ... tra-607926 (y a une 2ème page à cliquer, en haut ou en bas de l'article)A la Sonacotra, on n’est pas très regardant sur les mètres carrés. Du moins ceux de la direction. Au siège, à deux pas de la tour Eiffel, le DG et trois de ses adjoints se partagent 300 mètres carrés au douzième étage d’une tour de béton. Sans charme, certes, mais assez vaste pour loger sans forcer 400 travailleurs immigrés, à raison de 7 mètres carrés la chambre. «Tout cela va cesser», prévient Bruno Arbouet, le directeur général arrivé il y a quatre mois. La chefferie va se serrer un peu, c’est promis.
A dire vrai, le nouveau patron n’a pas le choix. Car les caisses de la Sonacotra sont vides. En 2010, cette société semi-publique qui gère 70.000 logements sociaux a perdu 26 millions d’euros, pour 315 millions de chiffre d’affaires. La faute aux immigrés insolvables ? Pas du tout : ils paient rubis sur l’ongle et la gestion des cagibis qui leur servent de logement est une bonne affaire, à 250 euros la chambre. D’autant plus rentable que le bailleur entretient mal son parc. Un bon tiers des logements seraient à la limite de l’insalubrité, comme nous avons pu le constater dans la résidence de la rue Duée, à Paris, où 137 immigrés d’origine africaine s’entassent dans des chambres collectives décaties. Non, pour expliquer ce trou, il faut plutôt se plonger dans la gestion calamiteuse, longtemps masquée par une comptabilité illisible. Et sans que l’Etat, actionnaire à 57%, y trouve rien à redire, en dépit du rapport accablant rendu en 2009 par la Mission interministérielle d’inspection du logement social (Miilos).
En France, les foyers Sonacotra font partie du paysage depuis 1956. Ces monstres de béton, construits à la va-vite dans les années 1960, ont d’abord logé la main-d’œuvre venue du Maghreb. La Société nationale de construction pour les travailleurs a ensuite hébergé des populations de plus en plus précaires : immigrés d’Afrique subsaharienne, demandeurs d’asile, SDF… Déjà critiquée dans les années 1970 pour l’état déplorable de ses foyers, la Sonacotra a aggravé son cas ces dernières années, notamment sous la férule de l’ancien préfet Michel Pélissier, P-DG de 1998 à 2008, qui a ensuite rejoint la Cour des comptes. Son principal fait d’armes fut de rebaptiser l’entreprise Adoma en 2006. Un ravalement d’image à 900.000 euros (fête des 50 ans et nouveau logo compris) qui résume tout.
Entendons-nous bien. On ne trouve ni Rolls ni toilettes en marbre chez Adoma. Il n’empêche, la direction s’est octroyé des privilèges malvenus pour un bailleur social. Voyez le parc de voitures de fonction. Depuis 2005, il a doublé pour atteindre 300 véhicules. «Ici, le moindre chef de service a eu droit à son véhicule», constate un syndicaliste. Dans le parking du siège, on trouve une flopée de Laguna et de Citroën C5, et la C6 du patron à 40.000 euros. Côté rémunérations, le DG touche 150.000 euros brut par an, «tout à fait comparables à celles pratiquées dans les offices HLM», tient à nuancer son entourage. Au comité de direction, les salaires dépassent 100.000 euros et nombre de ses membres ont négocié des clauses de départ de deux ans, sans conditions. Au regard des grilles de la fonction publique, c’est plutôt généreux. Même surprise concernant les logements de fonction. A l’origine, ces appartements étaient réservés aux salariés modestes, travaillant sur le terrain. Or les cadres squattent aujourd’hui un tiers d’entre eux… «Il ne faut pas exagérer, répond Michel Pélissier. La plupart des logements se trouvent dans les résidences et sont occupés par leurs responsables.»