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Une baisse de notre espérance de vie est envisageable

Publié : 21 mai 2011
par superuser
L’espérance de vie peut-elle stagner en France à l’avenir ? Je n’ai pas la réponse, mais je crois – depuis peu - que cette éventualité ne peut plus être écartée. Et cela non pas pour les siècles à venir, mais pour les prochaines décennies.

Notre croyance en la croissance économique infinie a toujours été liée à la croyance en une autre croissance éternelle : celle de l’espérance de vie à la naissance (EV). Une progression résultant de progrès techniques, sanitaires et sociaux qui repousseraient sans cesse les frontières de la mort, et qui serait hautement désirable. Cette croyance n’est pas étrangère à la conception de l’homme «maître et possesseur de la nature», celle qui nous a menés tout droit à la crise écologique. Le bien vivre a plus ou moins cédé la place au «vivre le plus longtemps possible», en tolérant des inégalités gigantesques et en évacuant la délicate question de la qualité de vie lorsque s’allonge la période où il faut vivre avec des incapacités multiples.

(...) Comparaison n’est pas raison, mais l’exemple américain devrait nous faire réfléchir. Dans ce pays qui a, de très loin, les dépenses de santé par habitant les plus élevées du monde (deux fois plus qu’en France) et les technologies médicales les plus sophistiquées, l’EV a reculé pour la première fois entre 2007 et 2008. De 1,2 mois. En moyenne pour les hommes et les femmes, on atteint 77,8 ans en 2008, soit trois ans de moins qu’en France la même année. On pourrait penser qu’il s’agit d’une petite anomalie statistique, ou de facteurs conjoncturels sans lendemain. Mais d’autres indices sont plus troublants. Ainsi l’espérance de vie en bonne santé, une mesure bien plus complexe car reposant sur de multiples conventions, aurait nettement reculé dans ce pays entre 1998 et 2006, si l’on en croit une très sérieuse étude publiée par le Journal of Gerontology, reposant notamment sur une définition de la «vie sans maladies graves» : maladies cardio-vasculaires, cancers et diabète. L’EV en bonne santé à 20 ans (espérance de nombre d’années en bonne santé qui restent à vivre pour les personnes ayant 20 ans) serait passée de 45 à 43,8 ans pour les hommes et de 49,2 à 48 ans pour les femmes.

(...) Or ce phénomène, particulièrement prononcé aux Etats-Unis, se retrouve dans les statistiques mondiales, mais aussi en France, dont les décideurs et les dominants ont la fâcheuse habitude de lorgner sur le contre-modèle américain. Pour des données et des analyses, voir le numéro récemment paru de la revue Ecorev’ sur «la crise sanitaire», dont je me suis parfois inspiré pour ce billet.

(...) Alors, ce freinage de l’EV aux Etats-Unis, qui pourrait devenir une stagnation ou un recul, va-t-il ou non traverser l’Atlantique, comme l’a fait le Coca-cola, puis le virus néolibéral et l’obésité, importés en masse depuis les années 1980, agents d’une pandémie mondiale ravageuse ?

=> Lire tout l'article de l'économiste Jean Gadrey