L'Emploi et le Chômage en Débats

Il faisait un froid sibérien quand je suis sortis ce matin à 8 h 20 de la maison pour me rendre avec de faibles espoirs (un peu quand même vu ma situation) à mon rendez-vous pris par Pôle Emploi auprès d'un prestataire privé...

40 minutes pour me rendre sur place. Arrivé à 9 h 00 devant la porte. Première constatation les locaux sont exigus : pas de tables, juste une salle où s'alignent une vingtaine de chaises.

3 jeunes femmes propres sous tous rapports nous recoivent : une conseillère Pôle Emploi et deux employées du prestataire qui ne semblent pas particulièrement à l'aise dans leur rôle. Chacun s'installe.

"Nous allons vous présentez la prestation puis la conseillère Pôle Emploi recevra chacun individuellement si besoin..."

La présentation commence : "il s'agit d'une prestation comprenant trois modules sur une période de trois mois : Identifier des pistes professionnelles, identification d'un projet professionnel réalisable, recherche d'emploi.

"Houlà ça me rappelle quelque chose : cible-emploi !"



Usine à gaz d'après mes souvenirs où l'on envoie au casse-pipe les demandeurs d'emploi rencontrer des entreprises qui pour la grande majorité n'ont aucune envie d'embaucher qui que ce soit.

J'attends que la jeune femme ait fini sa présentation, lorsqu'elle se dirige vers moi je l'accroche et lui dit fermement (avec eux il vaut mieux être ferme) : "j'ai effectué cette prestation il y a un an sans aucun succès après avoir contacté 50 entreprises de la région... je ne compte pas renouveler l'expérience !"

Elle cherche à me convaincre par des arguments éculés : "mais vous êtes toujours sans emploi aujourd'hui !" (un demandeur d'emploi qui refuse c'est autant en moins pour l'organisme en terme de potentialité de rentrées d'argent).

"Oui, mais, très franchement, je ne suis pas convaincu par la démarche, j'y ai souscris il y a un an, mais ne souhaite pas le faire à nouveau considérant que le marché de l'emploi n'a pas évolué ! Envoyer les individus vers des entreprises qui ne veulent pas embaucher me semble une perte de temps !"

Elle me regarde avec un air mi contrit, mi compatissant et d'un hochement de tête acquiese discrètement à mon propos. Je suis surpris c'est bien la première fois qu'une professionnelle reconnaît que la démarche est "scabreuse"... elle ne développera évidemment pas sa pensée.

J'attends un quart d'heure puis me retrouve en entretien individuel face à la conseillère Pôle Emploi qui à son tour tente de me convaincre d'entrer dans la prestation : "vous avez effectué un cible emploi il y a un an, mais, vous êtes encore au chômage aujourd'hui (rebelote , il semble que ce soit l'argument massue dans ce type de cas ), sur quel métier étiez vous positionné ?"

"Secrétaire/Agent d'Accueil !"

"Il ne faut pas faire une fixation sur un emploi précis. Voyez où vous en êtes aujourd'hui !"

"Justement pas ! J'ai effectué entre temps une EMT dans une maison de retraite il y a sept mois pour tenter d'entrer en formation aide-soignant, à ce propos j'attends encore le compte-rendu de celle-ci que l'entreprise est censée vous restituer ! " - Elle reste comme deux ronds de flan et me regarde ébahi : "vous n'avez rien reçu depuis tout ce temps !"

"Eh non, et pourtant le compte rendu est le principal objectif du dispositif visant à confirmer ou infirmer le choix d'un sans emploi sur un métier ! J'ai tenté ensuite d'obtenir une formation en jardinage sans plus de succès, après avoir vu ma candidature retenue, vos services en ont refusé le financement faute de promesse d'embauche sur un contrat CDD de six mois !"

Elle me regarde et je lis dans son regard : "celui-là je ne pourrais pas le convaincre !"

"Ok, je vois que vous avez fait pas mal de démarches, sachez que vous pouvez à tout moment solliciter nos service pour un cible-emploi..."

"Je vais attendre, pas trop de plaisirs à la fois..."

J'apprends en sortant que 30 personnes devaient être présentes à cette réunion collective d'information, nous n'étions que 10... ! J'ai discuté rapidement avec deux autres personnes convoquées (un homme de 55 ans environ et une jeune femme de 40 ans).

Je leur dis une fois que les employées on tourné succintement le dos : "c'est bien gentil d'envoyer les demandeurs d'emploi dans les entreprises encore faut-il qu'en face il y ait une volonté d'embaucher, sans quoi cela ne sert à rien !"

Deux larges sourires en guise de réponse et en choeur : "nous avons le même ressenti !" L'homme me dit : "cela fait des années que je tente de retrouver quelque chose sans succès !"

Je crois que ce n'est pas aux demandeurs d'emploi qu'il faudrait faire un lavage de cerveau, mais bien aux employeurs...

Me reconnais dans cette vérité du chomeur qu'on leurre
Mais plus grave, qu'on continue de convaincre que c'est tout de sa faute au chomeur si il trouve pas d'emploi dans le marché sans emplois et que l'on oblige à croire que l'emploi n'est plus representatif d'intérets perso mais uniquement un truc auquel on doit repondre
en fonction du besoin des patrons !!!

Avec le temps les demandeurs d'emploi les plus expérimentés (malheureusement devrais-je ajouter) galérant depuis des années au milieu du grand vide d'humanité que constitue le Pôle Emploi, les prestataires privés et de nombreuses entreprises finissent par prendre de l'assurance vis à vis de ces interlocuteurs et par remiser au grenier leur manque de confiance initial en ne se considèrant n'ont plus comme responsables de leur situation particulière, mais, comme "laissez pour compte" du système (je n'ai pas voulu utiliser le terme de victimes).

De plus en plus nombreux, ils finissent par s'apercevoir que le problème ne vient pas d'eux, mais des entreprises et de leurs patrons.

La réalité du marché de l'emploi telle qu'on l'a connait aujourd'hui, fait que l'entreprise autrefois rouage essentiel de la cohésion sociale du pays a abandonné à la collectivité son "devoir d'embaucher les salariés privés d'emploi".

Sous les coups de boutoir de la financiarisation croissante de l'économie mondialisée, elle considère (de l'entreprise nationale à la PME du coin) désormais le salarié non plus seulement comme une source de progrès pour l'entreprise, d'évolution, mais, avant tout comme une charge qui ne peut être acceptée qu'a concurrence qu'elle apporte plus que ce qu'elle engendre comme coûts.

"il s'agit d'une prestation comprenant trois modules sur une période de trois mois : Identifier des pistes professionnelles, identification d'un projet professionnel réalisable, recherche d'emploi.

Bon sang ! Trois mois pour ça ?...

J'apprends en sortant que 30 personnes devaient être présentes à cette réunion collective d'information, nous n'étions que 10

10 présents sur 30 =20 radiations administratives.
La réunion collective a été un franc succès même si vous ne l'avez pas remarqué

On ne s'imagine pas le merdier que c'est une fois la machine lancée. Parce qu'une fois que vous avez indiquez "bon pour accord" et votre signature au bas de la page vous vous engagez à suivre la prestation jusqu'à son terme et à faire preuve d'un volontarisme à tout épreuve. Les intervenants sont là pour veiller à ce que vos démarches s'enchainent les unes aux autres...

Refaire un CV maintes et maintes fois remanié qui ne convainc guère plus les employeurs qu'auparavant, se farcir des lettres de motivation à n'en plus finir (j'en ai tellement écris en quinze ans que je ne sais vraiment plus quoi dire !), des dizaines d'appels téléphoniques pour tenter de convaincre un employeur de daigner vous recevoir, effectuer des simulations d'entretien, aller au peu d'entretiens que l'on vous accorde (sur 60 entreprises contactées au cours de mon premier cible-emploi : 3 entretiens - Par conséquent, un taux de retour sur démarches de 5 % - Pas terrible et il semble que j'ai été le demandeur d'emploi le plus motivé d'après le responsable "je dirais à Pôle Emploi votre volonté de parvenir à un résultat! Pour ce que ça m'a servi !)

Un investissement de temps et de soi assez conséquent, les démarches se suivent à un rythme intense (c'est d'ailleurs précisé dans la fiche de présentation du dispositif et ce n'est pas faux), mais, le résultat pour la quasi totalité des heureux "candidats" est négatif (je n'ai jamais vu personne retrouver un emploi par le biais de ce type de prestation et j'en ai effectué plus de 5).

En fait nous étions 9, j'ai voulu arrondir...

En temps normal, les personnes convoquées à ce type de prestations se présentent (en tous les cas je n'ai jamais vu autant d'absence). J'avais remarqué avant que la personne n'avoue le peu de succès rencontré dans les convocations, les 5 ou 6 feuillets qu'elle tenait fébrilement dans sa main, me disant que nous aurions dû être bien plus nombreux.

Je pense comme vous, il va falloir de sacrées bonnes excuses pour ne pas être radiées à ces personnes... et autant d'identifiants anonymes risquent demain de disparaître des statistiques : "le chômage baisse ma bonne dame !"

et autant d'identifiants anonymes risquent demain de disparaître des statistiques : "le chômage baisse ma bonne dame !"

Charpy prétend que c'est illogique de prétendre que la radiation est une arme pour "nettoyer" la liste puisque les gens radiés se réinscrivent s'ils n'ont pas d'emploi.
Sauf que le harcèlement fait que de guerre lasse les gens baissent les bras et ne s'inscrivent plus (s'ils sont en fin de droit et n'ont le droit à rien)
Par ailleurs, c'est tous les mois le même scénario qui se répète. C'est donc tous les mois que des gens sont soustraits des listes de demandeurs d'emploi.
L'objectif est donc que le nombre de radiations monte en puissance. L'objectif final étant qu'au moins tous les gens qui sont en fin de droits et qui n'ont le droit à rien n'"encombrent" plus les listes. (combien cela représente de personnes?)

@ serenity

"il s'agit d'une prestation comprenant trois modules sur une période de trois mois : Identifier des pistes professionnelles, identification d'un projet professionnel réalisable, recherche d'emploi.

Je voulais montrer l'absurdité de la phrase toute faite que vous a débité le prestataire : un mélange de novalangue de bois, technico-cucul, aux circonvolutions dignes d'un trombone à coulisse ... pour aboutir à cette formidable conclusion. En gros on vous aura occupé pendant trois mois, le prestataire aura touché sa com', aura satisfait son égo en jouant gros bras devant son auditoire, et vous vous retournez à la case "départ" et sans passer par la case "emploi".

Et puis quand on me parle "module", ça m'énerve ! On est pas à la NASA !

Refaire un CV maintes et maintes fois remanié qui ne convainc guère plus les employeurs qu'auparavant, se farcir des lettres de motivation à n'en plus finir

Je serais curieux de savoir s'ils les lisent, et qu'est ce qui accroche le regard dans un cévé ...

Je serais curieux de savoir s'ils les lisent, et qu'est ce qui accroche le regard dans un cévé ...

Holla ! malheureux !
ne dites jamais cela devant un agent Pôleemploi,

il va vous prescrire un atelier !

Et puis quand on me parle "module", ça m'énerve ! On est pas à la NASA !

Chaque fois que votre conseiller prononce "module", il faut penser "bidule". Ça ne mange pas de pain et ça permet de combattre l'énervement.

serabeth a écrit :

Et puis quand on me parle "module", ça m'énerve ! On est pas à la NASA !

Chaque fois que votre conseiller prononce "module", il faut penser "bidule". Ça ne mange pas de pain et ça permet de combattre l'énervement.

Curieusement, quand tu écrivais module, je pense tout de suite à bidule. Mais le pire ce serait bidon comme certains stages qu'on nous impose non?

Discutant hier avec les deux personnes que je cite dans mon texte, je leur disais pour les "rassurer" quelque peu sur les raisons expliquant leur grande difficulté à retrouver un emploi, qu'il fallait prendre en compte le nombre conséquent de chômeurs sur le secteur et la faiblesse de l'offre en regard.

Ils me regardent étonnés. Je leur précise : "je suis apte à vous dire cela ayant travaillé dans le social en 2006/2007, j'ai eu accès au listing confidentiel de l'identité et du nombre de r-miste sur les trois villes Bayonne/Anglet/Biarritz, à l'époque ils étaient 3.000 !!! La crise étant passée par là le nombre de sans emploi doit être bien plus important aujourd'hui (ces chiffres ne prenaient pas en compte les personnes indemnisées par les Assedics).

Comment dans ces conditions pouvoir retrouver un emploi ? : demande d'emploi conséquente face à une offre réduite au strict minimum (150 annonces en moyenne sur le Pôle Emploi) + quelques dizaines d'offres au sein des sites spécialisés et disons une 100 bon an mal an par mois via les services internes aux entreprises.

Les deux personnes m'ont dit ne plus avoir été convoquées depuis six mois par les services de Pôle Emploi. Tiens même chose pour moi. Preuve que les dossiers doivent s'accumuler sur le bureau des conseillers qui n'arrivent plus à recevoir personne.

Pour masquer cette impéritie désormais chronique à s'occuper des individus, on propose aux sans emploi des modules cible-emploi histoire de montrer que l'on est tout de même présent.

serenity a écrit :I
La présentation commence : "il s'agit d'une prestation comprenant trois modules sur une période de trois mois : Identifier des pistes professionnelles, identification d'un projet professionnel réalisable, recherche d'emploi.

Quand on m'a proposé le Cible Emploi pour 3 mois, au début, je me suis dit, "Purée, je vais devoir y aller tous les deux jours".
Et puis quand j'ai subi le premier entretien, la prestataire nous a dit "c'est deux entretiens par mois sur trois mois". Soit 6 rendez vous à peine.

C'est comique d'annoncer en grande pompe une "PRESTATION", que j'appellerais plutôt "APERITIF" quoi. Comme si deux rendez vous collectifs de moins d'une heure soit une heure par mois, suffisaient à montrer un dynamisme et une vivacité énormes dans la recherche d'emploi.

Désolé de ne répondre que maintenant... absence d'Actuchômage durant ces trois derniers jours.

"Comme si deux rendez vous collectifs de moins d'une heure soit une heure par mois, suffisaient à montrer un dynamisme et une vivacité énormes dans la recherche d'emploi" : justement c'est sur cela que repose la prestation.

Ces deux rendez-vous par mois (ou quatre chez le prestataire que j'évoque) sont amplement suffisants pour voir si un demandeur d'emploi est ou non motivé dans ses recherches.

Le prestataire n'exerce qu'un rôle de déclencheur et de contrôleur : remotiver le candidat en l'incitant à réfléchir à son parcours professionnel et à faire preuve de réalisme dans ses recherches et vérifier qu'il effectue celles-ci avec sérieux.

Celui qui revient au bout de 15 jours avec des dizaines d'appels téléphoniques effectués, 40 entreprises contactées (même si il ne présente aucun résultat) sera mieux considéré et verra son rapport de cible-emploi transmis au Pôle-Emploi mieux noté que celui qui se présentera avec 3 appels en quinze jours et 2 entreprises contactées... c'est tout simple, cela s'appelle l'envoi au casse-pipe.

Il n'y a quasiment plus d'emploi, mais, on continue de faire comme si... des sanctions sont d'ailleurs possibles si un candidat regimbe et fait preuve de "mauvaise foi" dans ses recherches.

La prestation repose sur la quantité de contacts effectués. Elle mise sur la volonté de celui qui l'effectue, multiplier les contacts dans l'espoir que l'un d'entre eux soit fructueux. Les prestataires ne sont pas dupes et savent pertinemment que bien peu de candidats (voir aucun) clôtureront leur cible-emploi avec un emploi en poche.

L'une des intervenantes dès le début de la présentation de la prestation a cru bon de nous préciser : "c'est vous qui devrez faire les démarches, faire preuve de volonté, nous ne seront là que pour vous aiguiller, vous recevoir une fois par semaine afin de voir avec vous l'évolution de vos démarches et de gérer au fur et à mesure ce qui peut être amélioré !"

Le but masqué de la prestation vise simplement à forcer le chômeur lambda à se positionner sur des métiers en tension (donc à abandonner ses recherches si elles se situent sur un secteur non porteur) et à effectuer des démarches qu'il a abandonné (faute de résultat probant, sachant qu'elles n'aboutissent jamais) et n'ira la plupart du temps plus entreprendre de son propre gré : faire du porte à porte : aller frapper à la porte des entreprises pour déposer un CV, passer des dizaines de coup de téléphone à des entreprises préalablement ciblées pour tenter d'obtenir un entretien avec le responsable etc, etc...

J'ai effectué à plusieurs reprises ce type de démarches sur différentes périodes de chômage traversées durant les 10 dernières années (donc aussi avant la crise) elles ne m'ont jamais permis de retrouver un emploi et j'affirme n'avoir vu personne s'en sortir par ce biais. Il peut arriver qu'un individu par coup de chance aboutisse à un résultat positif mais cela reste exceptionnel...

La plupart des entreprises n'apprécient guère de se voir forcer la main - La probabilité que l'entreprise avec laquelle vous entrez en contact physique ou téléphonique veuille embaucher sur le poste que vous convoitez au moment précis où vous en avez besoin est infime.

Les réponses que l'on donnera à votre démarche seront toujours invariablement les mêmes : "envoyez nous une lettre de motivation et un CV !" ou "nous ne recrutons personne sur ce poste pour le moment !" - Lettre de motivation et CV qui 9/10 fois ne donnerons aucun résultat.

Le fait de laisser un CV à une boîte ne constitue vraiment pas dans la majorité des cas un gage supplémentaire de possibilité de recrutement ultérieur.

Vous me trouverez peut-être pessimiste dans mes propos, mais, ce sont ceux d'un demandeur d'emploi qui a effectué à de nombreuses reprises ses prestations et les démarches qu'elles mettent en place. Beaucoup vous dirons je le pense la même chose...