Page 1 sur 1

Lettre à Laurence

Publié : 06 oct. 2010
par conundrum
Elle s'appelle Laurence. Comme 16 000 autres enseignants, elle est la génération "master". Elle s'est retrouvée en septembre devant une classe pour faire cours. Et elle n'y est pas arrivé. On ne le lui avait tout simplement pas appris. Depuis elle est sous anxiolytiques. Des histoires comme celle de Laurence, des histoires de jeunes profs en dépression après quelques semaines d'enseignement, il y en avait déjà plein, bien avant la réforme de la masterisation. Et puis, il n'y a pas que des Laurence dans la vie. Il y a aussi des Claire, Claire qui n'est pas tombée dans un lycée difficile, qui n'est pas en face d'enfants difficiles, qui, pour différentes raisons, a peut être plus de facilités que Laurence avec la gestion d'un groupe, avec la discipline, avec le rapport aux autres. Bien sûr qu'enseigner est un métier qui s'apprend. Mais l'on sait également que chacun fera des choses différentes de l'enseignement reçu, en fonction de ses capacités personnelles, de son milieu social et culturel, des classes et des élèves en face desquels il finira par se retrouver. Oui mais voilà.

Laurence a reçu une lettre. Une lettre de l'inspecteur d'académie. Dans sa lettre l'inspecteur lui écrit : "Laurence, si vous ne vous sentez pas capable de faire ce métier, il faut démissionner." C'est vrai quoi, les places sont chères, et il y a sûrement plein de Claire qui attendent un poste. Dans sa lettre l'inspecteur lui écrit aussi : "Laurence, les elèves ont le droit d'avoir devant eux des enseignants compétents". C'est vrai quoi, surtout quand il s'agit d'élèves difficiles.
La suite : http://affordance.typepad.com/mon_weblo ... ence-.html

Re: Lettre à Laurence

Publié : 06 oct. 2010
par diety
La suppression des IUFM a l'air d'être une belle réussite. :?

Re: Lettre à Laurence

Publié : 06 oct. 2010
par tristesir
La suppression des IUFM a l'air d'être une belle réussite.
Les IUFM avait surtout un intérêt pour avoir un recul sur ce que les enseignants doivent enseigner.
Ce qui fait une différence importante est que les nouveaux enseignants ont un service plein: 17 ou 18h pour un prof ayant réussi le CAPES.
Ils ont en responsabilité entière plusieurs classes.

Là où avant, des enseignants n'avaient pour certains que 4h (une seule classe) et le reste des 18 heures en heures de formation.
Mais le système de sélection des enseignants s'est toujours fait par l'échec: c'est comme si on te jetait en pleine mer et que tu ne saches pas nager.
Ceux qui au bout d'un an auront réussi à ne pas se noyer et à avoir appris à nager seront titularisés Les autres, ceux qui ne s'en sortiront pas indemnes humainement, seront licenciés.

Re: Lettre à Laurence

Publié : 06 oct. 2010
par diety
Là où avant, des enseignants n'avaient pour certains que 4h (une seule classe) et le reste des 18 heures en heures de formation.
Mais le système de sélection des enseignants s'est toujours fait par l'échec: c'est comme si on te jetait en pleine mer et que tu ne saches pas nager.
Je sais, c'est pour ça que je pense que le passage par l'IUFM était moins pire, au moins un début pas si brutal que de passer de la fac directement à un plein temps et débrouille toi.
Les autres, ceux qui ne s'en sortiront pas indemnes humainement, seront licenciés.
Apparemment ce n'est pas le cas. L'inspecteur demande à Laurence de démissionner. Est-ce que ça a un coût pour l'EN si elle licencie un débutant après quelques semaines de cours donnés ?

Re: Lettre à Laurence

Publié : 07 oct. 2010
par tristesir
Est-ce que ça a un coût pour l'EN si elle licencie un débutant après quelques semaines de cours donnés ?

J'imagine que c'est la même problématique que pour un salarié ayant un contrat de droit privé: démissionner ou se faire licencier est différent.

L'autre aspect sont les dégâts occasionnés: les enfants sont aussi les victimes de cette réforme. Avant un prof' débutant, en 2ieme année d'IUFM ne pouvait au pire qu'occasionner des dégâts que sur une seule classe voire deux mais pas plus. Mais avec un service plein cela démultiplie le problème.
Quand je me suis fais virer de L'EN (je n'ai pas été titularisé en fait) on ne m'a jamais poussé à démissionner bien au contraire.

Mais cela se comprend aisément: à l'époque (il y a plus de dix ans) je n'avais qu'une seule classe en responsabilité, 4 heures de cours (un cauchemar) par semaine effectives (le reste de la formation et des stages dans d'autres établissements) comment auraient-ils pu trouver un(e) remplaçant(e)?
Pour un service plein c'est un peu plus facile, ils peuvent faire comme pour les concours de professeurs des écoles (instit') ils établissent une liste complémentaire (j'imagine que cela doit toujours se faire). Quand il y a un désistement ou un abandon on tape dans cette liste 8)
Quand quelqu'un abandonne ou se fait virer cela fait le "bonheur" de quelqu'un qui est sur une liste d'attente. 8)

En fait, la "mastérisation" va standardiser une situation qui existait dans le passé (et qui existe surement encore?). Les établissements scolaires utilisaient des maitres-auxiliaires qui étaient recrutés sur titre et envoyés sur des temps pleins (18-20h) sans formation. Il y a cependant une différence.

Un maitre-aux' pouvait ne jamais retrouver de poste à la rentrée suivante. Aucune garantie d'emploi alors qu'un prof' débutant s'il est titularisé est sûr d'avoir un emploi l'année suivante sauf erreur.

PS:
A l'époque, je crois me rappeler que le taux de gens virés après la première année (2ieme année d'IUFM) était d'environ 5% (pour le CAPES que j'avais passé et "réussi" il y avait plus de 1000 postes au concours, c'était il y a une quinzaine d'années.)
Ils vont faire exploser ce taux.

PS2:
Je crois que je ne me suis jamais remis de cette expérience. Je peux imaginer les dégâts que cela va faire sur ceux qui vont se faire virer .

Re: Lettre à Laurence

Publié : 07 oct. 2010
par diety
Quand je me suis fais virer de L'EN (je n'ai pas été titularisé en fait) on ne m'a jamais poussé à démissionner bien au contraire.
De ce côté-là mon expérience était une autre. J'avais un espece de CDI dans un lycée privé sous contrat, et après quelques années de maître aux à mi-temps (10h/sem, je n'aurais jamais voulu faire plus d'heures) j'étais en congé de maladie car je n'en pouvais plus. J'avais 2 classes dont une seconde avec 40(!!) élèves, c'était l'horreur. Ensuite cela a été un veritable bras de fer, ils ne voulaient pas me licencier, et je ne voulais pas démissionner car dans ce cas je n'aurais eu droit à rien. L'EN a fait traîner un maximum mais en vain, j'ai tenu bon et j'ai eu mon licenciement et droit à deux ans de chômage. Un débutant qui n'a pas beaucoup travaillé n'a pas accumulé beaucoup de droits mais comme tu écris ça doit quand-même faire une différence si on est licencié ou démissionnaire.

Re: Lettre à Laurence

Publié : 07 oct. 2010
par tranquille2
Merci de ton témoignage, Diety.

La directrice m'a fait part au cours d'un entretien que les nouveaux stagiaires, ceux qui ont réussi le CAPET ou le CAPES, ont aussi des difficultés, comme moi. Car un plein temps de prof, c'est quand même énorme quand on débute.

Heureusement, ici, dans ce lycée, on s'entraide entre profs, on est solidaire.

Mais bon, je ne suis pas sûre de tenir le coup. Et dans ma matière, il y a peu de remplaçants (les maîtres auxiliaires) disponibles.

L'image de plonger dans l'eau pour voir si on va savoir nager le marathon, c'est la bonne image.

Re: Lettre à Laurence

Publié : 07 oct. 2010
par Invité
Quand je vous lis, je me dis "quel gâchis", parce que j'ai l'impression que tous ceux qui aimeraient enseigner et seraient de bons enseignants sont dégoûtés et épuisés par les conditions intolérables dans lesquelles on enseigne aujourd'hui.
Quand je vois le plaisir qu'on a à faire du soutien scolaire, dans le calme, et les bons résultats obtenus en peu de temps, simplement parce qu'on peut développer l'intelligence de l'élève dans de bonnes relations de confiance, et tirer de cela un bénéfice réciproque, l'école et le collège à côté c'est vraiment n'importe quoi la plupart du temps.
Déjà, jusqu'au lycée, à mon avis le nombre d'élèves ne devrait jamais dépasser 15 par classe.

Re: Lettre à Laurence

Publié : 07 oct. 2010
par tranquille2
Déjà, jusqu'au lycée, à mon avis le nombre d'élèves ne devrait jamais dépasser 15 par classe.
Oui, effectivement, j'ai la chance d'avoir la moitié du temps des demi-classes (soit 15 à 17 élèves) et là, je peux me concentrer sur chacun d'eux, au gré de leurs demandes et difficultés.
Et au niveau discipline, aussi, ça change la donne.

Re: Lettre à Laurence

Publié : 07 oct. 2010
par tristesir
A mon époque, j'avais 24 élèves dans une classe de 4ième. On m'en avait ajouté une au cours de l'année, j'ai vu la différence. C'était déjà difficile avant son arrivée mais après c'était encore plus difficile on peut dire que le principal de ce collège m'avait "gâté". (les "transferts" en cours d'année sont en général dus à des suites de conseil de discipline: l'école est obligatoire jusqu'à 16 ans sauf erreur) Mais ce type savait que j'étais en difficulté, augmenter mon effectif c'était sans doute pour m'aider à entrer dans la profession.