Pour
Libération, cinq militants qui viennent juste d'adhérer au PS réagissent aux propositions musclées de Ségolène Royal sur la délinquance • Ils disent leur scepticisme sur certaines mesures, sans pour autant retirer leur soutien à la candidate à la candidature socialiste •
par Haydée SABERAN (jeudi 01 juin 2006 - 18:01)
Ils ont la trentaine, ils vivent dans le Nord, ils viennent de prendre leur carte au PS à la faveur de la campagne d'adhésions par Internet qui a pris fin aujourd'hui. Et ils trouvent presque tous que Ségolène Royal est allée trop loin dans ses propos sur la délinquance, mercredi soir, à Bondy.
Un encadrement «à dimension militaire» dès les premiers actes de délinquance ? «Je ne partage pas cet avis. Il ne faut pas revenir à des pratiques d'autrefois», dit Jean-Claude, 36 ans, de Marquette, près de Lille, ancien assistant en ressources humaines, aujourd'hui au chômage. Emmanuel, 33 ans, éditeur à Lille, est convaincu qu'on «ne peut pas faire de l'éducatif et du militaire en même temps», et souhaite plutôt qu'on «injecte de l'argent dans les centres de formation et les ANPE, via l'impôt» mais n'enlève pas son soutien à Ségolène Royal.
Une «obligation» pour les parents d'enfants qui commettent des «incivilités» de faire des «stages dans des écoles de parents» ? «Mais si le papa travaille, qu'est-ce qui se passe ?», demande Jean-Claude. Il croit savoir qu'elle dit ça «pour raisons électorales». Mais «elle va trop loin. C'est mal lire la société française d'aujourd'hui. Le problème des gens en banlieue, c'est qu'ils n'ont rien. Ils sont au ban de la société, et ils pensent qu'ils n'ont pas d'avenir. Alors certains jeunes se mettent à fréquenter des groupes bizarres, commettent des actes délictueux. Je discute avec les gens. Le problème-clé, c'est le chômage. Et même ceux qui ont un travail n'arrivent pas tous à boucler les fins de mois. L'insécurité, pour eux, ça passe au second plan. Qu'ils soient noirs ou blancs, le problème, c'est la fragilité sociale».
Arnaud, 30 ans, prof d'histoire à Douai, trouve, lui, que certains parents «ne prennent pas leurs responsabilités». La «mise sous tutelle des allocations familiales ? Franchement, pourquoi pas ? Ca vaut le coup d'essayer, si ça peut faire prendre conscience à certaines familles, que l'éducation de leurs enfants, c'est aussi leur histoire.» De là obliger les parents d'enfants difficiles à fréquenter des «écoles de parents», non. Mais il imagine quand même qu'«avec la Caisse d'allocations familiales», on peut leur proposer des stages «qui rappellent les principes de base, ou une aide individuelle».
Aurélie, préparatrice en pharmacie à Lomme, gagne «à peine plus que le Smic», et vit en HLM. Elle sourit : «Je me sens proche des gens dont elle parle. Heureusement que j'ai pas entendu ce qu'elle a dit mercredi soir, j'aurais mal dormi.»