suite entretien fabienne Brutus (interv. en page d'accueil)
Publié : 13 avr. 2006
Bonjour,
Je viens de lire l'interview de Fabienne Brutus et elle reflète assez bien ce que j'ai pu voir dans ma vie professionnelle. J'ai travaillé pendant près de 4 ans comme Conseiller en insertion pour des structures travaillant avec l'Anpe.
Il faut savoir que cette grande "administration" sous traite divers types de prestations d'accompagnement à l'emploi ou à l'orientation à des structures privées et qui, souvent, se cachent derrière le statut associatif.
Ces structures sont rémunérées pour accueillir des demandeurs d'emploi qui "ne sont pas autonomes dans leur recherche d'emploi". Ce système marche par conventions. Une "association" sera, par exemple, chargée d'accompagner vers l'emploi 20 personnes. Quand je bossais dans l'insertion (2002) les "Objectifs emploi individuel" (OEI) avaient la côte. Le principe en est simple : durant trois mois on est censé recevoir le demandeur d'emploi environ une fois par semaine. Il faut lui déballer la panoplie totale : cv, lettre de motivation, entretien d'embauche. Souvent tout cela il l'a déjà fait ailleurs.
Alors notre grand rôle est de l'aider dans ses démarches vers
les entreprises en le poussant à faire acte de candidature. Car, bien entendu, s'il est dans sa situation c'est qu'il n'a pas su "candidater" comme il convient. Le problème ne vient pas du marché du travail, il vient forcément de lui : pas assez souriant, , pas assez réactif, ne sait pas se vendre etc...et j'en passe, il y en a des dizaines de ces expressions type. D'ailleurs quand un conseiller Anpe positionne un chômeur vers une prestation il fait une "prescription", un peu à la manière d'un toubib.
Cerise sur le gateau, la structure sous traitante, a des objectifs à atteindre. Du style 80% des gens reçus doivent avoir un emploi à la sortie de la prestation, ou dans les mois qui suivent.
Là, le problème se corse car les personnes a qui est prescrit un OEI sont par définition ANPE des gens qui ont beaucoup de "freins à l'emploi". Mais il faut les caser sinon, objectifs nuls et attention à la remise en cause de la convention. Et si le Conseiller en Insertion ne fait pas bien son travail il n'aura pas la fameuse "habilitation" . Et on donnera les prestations à une autre "association" plus à même de les mener à bien.
Alors pour continuer d'exister une structure doit faire du chiffre, le marché de l'accompagnement des chômeurs peut être juteux pour certaines. Les autres, qui ont un côté trop humaniste, sont vouées à la disparition.
De sorte qu'il ne reste sur le marché que des associations qui sont là pour faire du fric et qui embauchent, ou plutôt gardent ( il faut les rester) des Conseillers en insertion qui ne se posent quasiment aucune question le bien fondé de ce qu'ils font.
Dans la réalité cela se traduit par des Conseillers en insertion qui poussent les chômeurs à prendre n'importe quel emploi, à n'importe qu'elles conditions.
Sur 20 chômeurs il y en a une partie qui va réagir et dire "pas question que j'aille travailler dans ces conditions" qui, soit dit en passant, sont parfois proches de l'escalage. Et puis il y en a une grande majorité qui va accepter car elle est sous domination de l'institution qui donne de ma'gres revenus style allocation spécifique de solidarité qui va accepter. Même topo pour les formations qui ne mênent nulle part.
A ce niveau le conseiller devient presque un spécialiste du STO. Résultats obligent.
Et puis il y a les Conseillers qui refusent de rentrer dans cette logique et se retouvent en marge de la philosophie de la structure qui les emploie. Et la structure finit par les rejetter. De sorte qu'on ne retrouve dans les "associations" que de bons petits gentils mercenaires de l'insertion à tout prix. Même celui de la casse humaine.
Peut être, pour certains, je peux passer pour quelqu'un qui crache dans la soupe. Mais je crois qu'il est important de pouvoir le faire si elle n'est pas bonne. même si par la suite cela nous oblige à manger un peu moins bien...
Philippe Execolatz
Je viens de lire l'interview de Fabienne Brutus et elle reflète assez bien ce que j'ai pu voir dans ma vie professionnelle. J'ai travaillé pendant près de 4 ans comme Conseiller en insertion pour des structures travaillant avec l'Anpe.
Il faut savoir que cette grande "administration" sous traite divers types de prestations d'accompagnement à l'emploi ou à l'orientation à des structures privées et qui, souvent, se cachent derrière le statut associatif.
Ces structures sont rémunérées pour accueillir des demandeurs d'emploi qui "ne sont pas autonomes dans leur recherche d'emploi". Ce système marche par conventions. Une "association" sera, par exemple, chargée d'accompagner vers l'emploi 20 personnes. Quand je bossais dans l'insertion (2002) les "Objectifs emploi individuel" (OEI) avaient la côte. Le principe en est simple : durant trois mois on est censé recevoir le demandeur d'emploi environ une fois par semaine. Il faut lui déballer la panoplie totale : cv, lettre de motivation, entretien d'embauche. Souvent tout cela il l'a déjà fait ailleurs.
Alors notre grand rôle est de l'aider dans ses démarches vers
les entreprises en le poussant à faire acte de candidature. Car, bien entendu, s'il est dans sa situation c'est qu'il n'a pas su "candidater" comme il convient. Le problème ne vient pas du marché du travail, il vient forcément de lui : pas assez souriant, , pas assez réactif, ne sait pas se vendre etc...et j'en passe, il y en a des dizaines de ces expressions type. D'ailleurs quand un conseiller Anpe positionne un chômeur vers une prestation il fait une "prescription", un peu à la manière d'un toubib.
Cerise sur le gateau, la structure sous traitante, a des objectifs à atteindre. Du style 80% des gens reçus doivent avoir un emploi à la sortie de la prestation, ou dans les mois qui suivent.
Là, le problème se corse car les personnes a qui est prescrit un OEI sont par définition ANPE des gens qui ont beaucoup de "freins à l'emploi". Mais il faut les caser sinon, objectifs nuls et attention à la remise en cause de la convention. Et si le Conseiller en Insertion ne fait pas bien son travail il n'aura pas la fameuse "habilitation" . Et on donnera les prestations à une autre "association" plus à même de les mener à bien.
Alors pour continuer d'exister une structure doit faire du chiffre, le marché de l'accompagnement des chômeurs peut être juteux pour certaines. Les autres, qui ont un côté trop humaniste, sont vouées à la disparition.
De sorte qu'il ne reste sur le marché que des associations qui sont là pour faire du fric et qui embauchent, ou plutôt gardent ( il faut les rester) des Conseillers en insertion qui ne se posent quasiment aucune question le bien fondé de ce qu'ils font.
Dans la réalité cela se traduit par des Conseillers en insertion qui poussent les chômeurs à prendre n'importe quel emploi, à n'importe qu'elles conditions.
Sur 20 chômeurs il y en a une partie qui va réagir et dire "pas question que j'aille travailler dans ces conditions" qui, soit dit en passant, sont parfois proches de l'escalage. Et puis il y en a une grande majorité qui va accepter car elle est sous domination de l'institution qui donne de ma'gres revenus style allocation spécifique de solidarité qui va accepter. Même topo pour les formations qui ne mênent nulle part.
A ce niveau le conseiller devient presque un spécialiste du STO. Résultats obligent.
Et puis il y a les Conseillers qui refusent de rentrer dans cette logique et se retouvent en marge de la philosophie de la structure qui les emploie. Et la structure finit par les rejetter. De sorte qu'on ne retrouve dans les "associations" que de bons petits gentils mercenaires de l'insertion à tout prix. Même celui de la casse humaine.
Peut être, pour certains, je peux passer pour quelqu'un qui crache dans la soupe. Mais je crois qu'il est important de pouvoir le faire si elle n'est pas bonne. même si par la suite cela nous oblige à manger un peu moins bien...
Philippe Execolatz