Commandant Villepin, quel est votre plan B?
Publié : 17 mars 2006
Que diriez-vous d'un article du Point paru avant le CPE de notre commandant V?
Le plan Villepin peut-il vaincre le chômage ?
Le simple fait de poser cette question devrait être passible d'une double sanction : insulte au bon sens, mauvais coup porté à la démocratie.
Insulte au bon sens. Comment peut-on faire croire à l'opinion qu'il est possible de résoudre en vingt-deux mois une « exception française » qui dure depuis près de trente ans ? Amorcée au lendemain du premier choc pétrolier de 1973, la courbe sinistre du chômage ne connaît pratiquement depuis lors aucun fléchissement majeur. Le cap du million de chômeurs est atteint en 1975, au moment où Jacques Chirac, Premier ministre de Valéry Giscard d'Estaing, annonce : « Nous sommes repartis sur une meilleure voie. Nous apercevons la sortie du tunnel. » Les 2 millions sont pour 1981.
Cinq ans après l'élection de François Mitterrand à la présidence de la République, une politique de relance keynésienne de la croissance par le pouvoir d'achat (celle que propose aujourd'hui un PS cynique ou amnésique) pousse la courbe à 2,5 millions. Laurent Fabius, Premier ministre, déclare alors : « Il faut se battre, c'est la guerre... Le fond du problème, c'est le chômage, ce cancer abominable dont il faut se débarrasser. » En 1993, quand la courbe culmine à 3 millions, Mitterrand ose dire : « En matière de lutte contre le chômage, on a tout essayé. »
Sous le gouvernement Jospin, pour la première fois, il est vrai, la courbe s'infléchit sous l'effet d'un taux de croissance inespéré qui accroît le PIB en volume (c'est-à-dire en pouvoir d'achat) de plus de 13 % en cinq ans et sous l'effet de la multiplication des emplois-jeunes financés sur fonds publics. En 2001, on ne compte plus que 2,3 millions de chômeurs. A cette date, toutefois, malgré ce cadeau de la croissance commun à l'ensemble des pays européens, le taux de chômage atteint 8,7 % de la population active. Aujourd'hui, il est repassé au-dessus de la barre des 10 %, avec près de 2, 8 millions de chômeurs.
La seule question qu'il faut donc se poser est de savoir pourquoi toutes les politiques menées depuis près de trente ans n'ont pas réussi à réduire le nombre de chômeurs, alors que d'autres pays, frappés du même mal, y sont parvenus. A cet égard, la deuxième insulte au bon sens est de masquer le fait qu'ailleurs cela ne s'est pas fait en quelques mois, mais en quelques années. Au Royaume-Uni, il a fallu plus de dix ans pour passer de 10,3 % de chômeurs dans la population active (en 1993) à 4,5 % aujourd'hui. En Irlande, dix ans également pour passer de 15,7 % (en 1993) à 4,2%. Dix ans aussi en Espagne pour passer de 23,8% (en 1994) à 10 %. Plus de dix ans en Nouvelle-Zélande pour passer de 10,3 % (en 1992) à 4,3 %. Dix ans au Danemark pour passer de 10,7 % en 1993 à 4,9 % aujourd'hui. Sauf à penser que la France est un pays infiniment plus doué que les autres et au sein duquel ses gouvernants sont infiniment plus courageux, le pari des cent jours, voire des vingt-deux mois (sans décompter la démagogie imposée de la campagne présidentielle), est vraiment une gageure.
Mauvais coup porté à la démocratie. Surtout, c'est en mettant à mal tout ce qui fait les délices ou plutôt les poisons du« modèle social » français que ces pays ont su guérir le cancer du chômage. Un modèle français qui cumule exclusion de l'emploi des plus jeunes et des plus vieux, 15 % d'une génération sortant du système éducatif sans formation, gonflement d'une dépense publique incontrôlée, qui dépasse de 6 points de PIB celle de la zone euro, soit 3 500 euros par actif, prélèvements obligatoires élevés, emploi salarié à vie garanti pour un cinquième des Français mais précarité pour tous les fantassins de l'économie de marché. Dans tous ces pays, la réduction du chômage s'est accompagnée d'un diagnostic largement partagé d'une réduction de la dépense publique (de 73 à 58 % en Suède !), d'une obligation de performance imposée aux services publics, d'une libération de la concurrence et de l'économie de marché, d'une baisse des charges sociales pesant sur les entreprises et d'un maintien ou d'un allongement de la durée du travail, une révolution « libérale » qui sied mal au fameux « modèle français » imposé comme feuille de route à Dominique de Villepin. A cet égard, il suffit de rappeler qu'aux Etats-Unis le nombre total d'heures travaillées par habitant s'élève à 872 (contre 814 en 1980), en Grande-Bretagne à 792 (contre 786 en 1980), au Danemark à 755 (contre 781 en 1980), et en France à... 597, contre 718 en 1980. Certes, les mesures annoncées peuvent apparaître comme les esquisses de ce que pourrait faire un jour, peut-être, un gouvernement qui manierait à la fois pédagogie et courage. Mais c'est en même temps rappeler que dans les démocraties efficientes ces vertus sont le fait de chefs de parti devenus Premiers ministres et non de chefs de cabinet de monarque en fin de règne.
Article signé Jacques Marseilles, disponible sur lepoint.fr
Le plan Villepin peut-il vaincre le chômage ?
Le simple fait de poser cette question devrait être passible d'une double sanction : insulte au bon sens, mauvais coup porté à la démocratie.
Insulte au bon sens. Comment peut-on faire croire à l'opinion qu'il est possible de résoudre en vingt-deux mois une « exception française » qui dure depuis près de trente ans ? Amorcée au lendemain du premier choc pétrolier de 1973, la courbe sinistre du chômage ne connaît pratiquement depuis lors aucun fléchissement majeur. Le cap du million de chômeurs est atteint en 1975, au moment où Jacques Chirac, Premier ministre de Valéry Giscard d'Estaing, annonce : « Nous sommes repartis sur une meilleure voie. Nous apercevons la sortie du tunnel. » Les 2 millions sont pour 1981.
Cinq ans après l'élection de François Mitterrand à la présidence de la République, une politique de relance keynésienne de la croissance par le pouvoir d'achat (celle que propose aujourd'hui un PS cynique ou amnésique) pousse la courbe à 2,5 millions. Laurent Fabius, Premier ministre, déclare alors : « Il faut se battre, c'est la guerre... Le fond du problème, c'est le chômage, ce cancer abominable dont il faut se débarrasser. » En 1993, quand la courbe culmine à 3 millions, Mitterrand ose dire : « En matière de lutte contre le chômage, on a tout essayé. »
Sous le gouvernement Jospin, pour la première fois, il est vrai, la courbe s'infléchit sous l'effet d'un taux de croissance inespéré qui accroît le PIB en volume (c'est-à-dire en pouvoir d'achat) de plus de 13 % en cinq ans et sous l'effet de la multiplication des emplois-jeunes financés sur fonds publics. En 2001, on ne compte plus que 2,3 millions de chômeurs. A cette date, toutefois, malgré ce cadeau de la croissance commun à l'ensemble des pays européens, le taux de chômage atteint 8,7 % de la population active. Aujourd'hui, il est repassé au-dessus de la barre des 10 %, avec près de 2, 8 millions de chômeurs.
La seule question qu'il faut donc se poser est de savoir pourquoi toutes les politiques menées depuis près de trente ans n'ont pas réussi à réduire le nombre de chômeurs, alors que d'autres pays, frappés du même mal, y sont parvenus. A cet égard, la deuxième insulte au bon sens est de masquer le fait qu'ailleurs cela ne s'est pas fait en quelques mois, mais en quelques années. Au Royaume-Uni, il a fallu plus de dix ans pour passer de 10,3 % de chômeurs dans la population active (en 1993) à 4,5 % aujourd'hui. En Irlande, dix ans également pour passer de 15,7 % (en 1993) à 4,2%. Dix ans aussi en Espagne pour passer de 23,8% (en 1994) à 10 %. Plus de dix ans en Nouvelle-Zélande pour passer de 10,3 % (en 1992) à 4,3 %. Dix ans au Danemark pour passer de 10,7 % en 1993 à 4,9 % aujourd'hui. Sauf à penser que la France est un pays infiniment plus doué que les autres et au sein duquel ses gouvernants sont infiniment plus courageux, le pari des cent jours, voire des vingt-deux mois (sans décompter la démagogie imposée de la campagne présidentielle), est vraiment une gageure.
Mauvais coup porté à la démocratie. Surtout, c'est en mettant à mal tout ce qui fait les délices ou plutôt les poisons du« modèle social » français que ces pays ont su guérir le cancer du chômage. Un modèle français qui cumule exclusion de l'emploi des plus jeunes et des plus vieux, 15 % d'une génération sortant du système éducatif sans formation, gonflement d'une dépense publique incontrôlée, qui dépasse de 6 points de PIB celle de la zone euro, soit 3 500 euros par actif, prélèvements obligatoires élevés, emploi salarié à vie garanti pour un cinquième des Français mais précarité pour tous les fantassins de l'économie de marché. Dans tous ces pays, la réduction du chômage s'est accompagnée d'un diagnostic largement partagé d'une réduction de la dépense publique (de 73 à 58 % en Suède !), d'une obligation de performance imposée aux services publics, d'une libération de la concurrence et de l'économie de marché, d'une baisse des charges sociales pesant sur les entreprises et d'un maintien ou d'un allongement de la durée du travail, une révolution « libérale » qui sied mal au fameux « modèle français » imposé comme feuille de route à Dominique de Villepin. A cet égard, il suffit de rappeler qu'aux Etats-Unis le nombre total d'heures travaillées par habitant s'élève à 872 (contre 814 en 1980), en Grande-Bretagne à 792 (contre 786 en 1980), au Danemark à 755 (contre 781 en 1980), et en France à... 597, contre 718 en 1980. Certes, les mesures annoncées peuvent apparaître comme les esquisses de ce que pourrait faire un jour, peut-être, un gouvernement qui manierait à la fois pédagogie et courage. Mais c'est en même temps rappeler que dans les démocraties efficientes ces vertus sont le fait de chefs de parti devenus Premiers ministres et non de chefs de cabinet de monarque en fin de règne.
Article signé Jacques Marseilles, disponible sur lepoint.fr