Joël Cerutti - le 26 janvier 2010, 22h15
Le Matin
Dans le journal de 20 heures et surtout lors de «Paroles de Français», Nicolas Sarkozy a dialogué avec onze «vrais» citoyens choisis par la rédaction de TF1, si l'on en croit la chaîne. L'émission a cartonné
Le président français sait parler avec son peuple. Lundi soir, lors de son intervention télévisée sur TF1, il a utilisé des règles télévisées précises et décodables
Dans un décor tendance Ikea années 1970, Nicolas Sarkozy a réalisé lundi soir le joli score de 32,4% de parts de marché lors de son intervention télévisée sur TF1. Il a battu «FBI, portés disparus» (France 2) ou «Star Wars» (M6). La Force de la Communication est avec le président français. Décryptage de deux heures et quinze minutes de plaidoyer devant presque neuf millions de téléspectateurs.
Posture n°1: Sarko aime le peuple
S'adresser au citoyen ou à la citoyenne par son prénom.
Lui dire qu'il ou qu'elle a raison, surtout après une «attaque» et ajouter: «Cela va peut-être vous étonner!» Exemple type avec le métallurgiste et syndicaliste Pierre Le Ménahes, le seul qui ne s'en est pas trop laissé conter. Depuis hier matin, Le Ménahes est devenu une star du Net! Il avait, lui aussi, bien planifié son «plan com».
Regretter de ne pas avoir assez de temps pour parler avec le (la) citoyen(ne). Cette tactique se pratique énormément dans les «press junkets» avec des acteurs américains lorsqu'ils vous accordent une interview de dix minutes et zéro seconde.
Se montrer «humble»: «Vous m'arrêtez si je me trompe...» En réalité, Nicolas Sarkozy est «briefé» jusque dans les moindres détails. Comment, si tel n'était pas le cas, connaître le nombre d'exploitations laitières en France? Il lance au hasard 100 000... Une interlocutrice ramène le chiffre à 80 000. Une «erreur» qui humanise le chef d'Etat.
Prendre des engagements qui ne coûtent rien et qui rapportent en communication. Dire qu'il va contacter le patron qui refuse d'accorder des heures supplémentaires à une employée ou jurer qu'il va venir visiter la ferme de la productrice de lait. Le président tiendra ses promesses, c'est certain, car il pourra les médiatiser.
Bien choisir son panel populaire. Il y avait onze personnes très complaisantes sur le plateau et qui ne «mordaient» pas beaucoup, à part Pierre Le Ménahes. Petite bavure, la présence d'Elodie Lepont-Jubin, une entrepreneuse qui avait été récompensée par le premier ministre François Fillon qu'elle admire comme «une rock star». Cela s'est vite su!
Posture n°2: Sarko fait ce qu'il veut avec TF1
Imposer un décor modeste, style cafétéria de Politburo de l'ex-URSS, alors que TF1 est la reine des plateaux numériques grands comme des cathédrales cathodiques. L'humoriste Stéphane Guillon, sur France Inter, a comparé les lieux à un décor de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE).
Dépasser d'une heure l'horaire donné . «Paroles de Français» s'est terminé à 22 h 30 au lieu de 21 h 30. Du coup TF1 a dû déprogrammer «Soeur Thérèse.com» et enchaîner sur une rediffusion de «Dr House», un épisode baptisé «Rendez-vous avec Judas». Un titre peut-être mal choisi!
Remettre en place Laurence Ferrari! Indirectement, Nicolas Sarkozy a montré qu'il était le chef: «Si je comparais votre salaire à celui d'un smicard, je suis sûr que cela choquerait beaucoup.» Une petite phrase qu'il a décochée durant le journal de TF1 qui précédait l'émission «Paroles de Français».
Posture n°3: Sarko la joue modeste et responsable
Dire que l'on assume ses erreurs (un coup de modestie) mais pas celles des gouvernements précédents.
Glisser des petites phrases complices, notamment sur le débat autour de l'identité nationale: «C'est comme dans un couple, quand on ne se parle pas, on se réveille dix ans après: c'est la catastrophe.» Message: je parle avec ma femme, je cause avec les Français autour de ce qu'ils sont.
Désigner d'autres coupables, comme les anciens patrons de Renault qui ont délocalisé leur production.
Rester calme dans ses propos et son corps. Les soubresauts d'épaules ont presque disparu. Par contre, éviter de dire «bon!» chaque trois phrases.
Placer une ou deux allusions à sa vie privée, son problème de santé. Déplorer le fait qu'on ne peut plus aller faire ses courses, essayer d'être proche des gens tout en disant qu'on n'est plus comme les autres.