Une agence ANPE vue de l'intérieur...
Publié : 27 nov. 2005
Ayant travaillé plusieurs années dans des associations d'insertion parallèles à l'ANPE, je me suis souvent demandée comment mieux aider les personnes que j'accompagnais dans leurs difficultés avec cet organisme...Mystère !!...
Lors d'un changement de région, je me suis retrouvée sans emploi ...Alors, pour en avoir le coeur net, je suis allée bosser au sein d'une agence ANPE pendant quelques mois...
Voici un résumé de mes impressions :
Eh bien, première chose, on y trouve un concentré de l'humanité, quelques c--- mal dans leur baskets et rendus hargneux par leur petit pouvoir
et je dois le dire aussi, des gens vraiment très bien, humains, sympas
...à tous les niveaux et en majorité, et ce de l'agent administratif (que vous ne voyez jamais..il gère la liste) aux cadres...
Après, une agence ANPE n'est pas un îlot hors d'influence : les gens qui la composent ont tendance à évoluer comme évolue cette société, vers de plus en plus d'individualisme et sans s'interroger forcément sur les conséquences de leurs actes...de leurs paroles : Il regardent comme presque tout le monde les journaux TV, ils écoutent les politiques et ils sont influencés par les discours répressifs et par les arguments qui plaident pour l'ouverture de"la chasse au chômeur ", bref, comme la majorité des français, ils sont sous influence des médias
Et même s'ils ne l'étaient pas, il faut dire honnêtement qu'ils ont tellement le nez dans le guidon que même s'ils voulaient prendre parfois de la distance et s'interroger véritablement sur leurs missions et leur rôle dans ce système, ils ne le pourraient jamais ...
Lors des pauses de midi, j'avoue que je me suis amusée à perturber et à destabiliser quelques collègues en les interrogeant sur le pourquoi de leur colère, de leur décision concernant tel ou tel DE (Demandeur d'Emploi)...jusqu'à les voir s'interroger et vaciller dans leurs certitudes...
Mais malheureusement les moments collectifs (réunion d'équipe et de service) ne sont pas consacrées à s'interroger collectivement sur ses prises de décision, ses cas de conscience ou ses interrogations éthiques : au lieu du soutien et de la réflexion commune qu'il serait possible et souhaitable de mettre en place avec ses pairs, on y passe des heures à noter scrupuleusement les nouvelles directives données par ses cadres hiérarchiques, les nouvelles procédures mises en place dans le cadre de la "démarche qualité" etc...
Les conseillers encore humains (possédant encore la fibre sociale) actuellement majoritaires au sein des agences vont être bientôt mis en minorité, la nature des épreuves des concours ne laissent hélas aucun doute là-dessus : on va recruter dès février une foule de gens futurs conseillers qui sortiront de cursus type "force de vente "et gestion des ressources humaines, c'est à dire des gens formés aux chiffres et à la manipulation, et non pas à la relation d'aide...Tout cela ne risque donc pas de s'arranger, et, je dirais même plus, tout est fait pour que cette évolution se poursuive et s'accélère...
Il y a aussi un aspect important du fonctionnement d'une agence que j'ai compris durant ces quelques mois : les tâches y sont si séparées que toute responsabilité est diluée...je m'explique :
Par exemple, il est très très rare qu'un conseiller dénonce un DE et lui "colle un contrôle" (contrôle des recherches d'emploi par la DDTEFP), chacun ne l'a fait que quelques fois dans sa carrière et n'utilise cette possibilité que très prudemment, bien conscient des conséquences (suppression des alloc)...par contre, le gros des radiations effectuées actuellement sont faites par le service administratif - c'est à dire par des agents qui ne rencontrent pas les DE- et de façon automatique : les listes d'absents et de présents à des convoc, à des entretiens etc..leur parviennent, ils entrent lers données dans les dossiers (la mise à jour fait partie de leur boulot) et cela genère AUTOMATIQUEMENT des courriers au DE...Ils n'ont aucun regard sur les dossiers et aucun pouvoir de décision sur l'émission de ces courriers, et n'en mesurent jamais directement les conséquences humaines...
Celui qui les mesure directement, c'est l'agent chargé de l'accueil en agence (au petit guichet) qui lui se fait étriper plusieurs fois par jour par un DE furax alors qu'il n'est nullement responsable de ces envois...Je le sais pour avoir écopé (en tant que CDD
) de ce poste à haut risque detesté par les conseillers en place !! J'ai passé mon temps (mais ça, c'est ma fibre sociale...) à aller - munie des courriers- hanter les services administratifs pour plaider la cause de tel ou tel DE victime d'une injustice flagrante, mais il m'a été répondu le plus souvent qu'en cas de désaccord il fallait suivre la procédure de réclamation inscrite sur le courrier (la plupart du temps, écrire au directeur d'agence ou au délégué départemental..).
Bref, le système est si bien verrouillé et segmenté qu'une fois la machine lancée, même si elle s'emballe injustement, il est pratiquement impossible de l'arrêter sans échanger de multiples courriers ...et pour finir, lorsque la belle mécanique se grippe, plus personne n'est responsable personnellement des dégâts occasionnés.
Je ne peux pas m'empêcher d'y voir un parallèle troublant (même si les conséquences sont bien moins graves, quoique
) avec d'autres systèmes si bien rôdés qu'ils ont permis l'élimination de millions d'hommes il y a 60 ans par d'autres hommes qui n'étaient pourtant pas des salauds..........et ce, dans l'ignorance ( l'indifférence ?) de la société toute entière...



Lors d'un changement de région, je me suis retrouvée sans emploi ...Alors, pour en avoir le coeur net, je suis allée bosser au sein d'une agence ANPE pendant quelques mois...
Voici un résumé de mes impressions :
Eh bien, première chose, on y trouve un concentré de l'humanité, quelques c--- mal dans leur baskets et rendus hargneux par leur petit pouvoir


Après, une agence ANPE n'est pas un îlot hors d'influence : les gens qui la composent ont tendance à évoluer comme évolue cette société, vers de plus en plus d'individualisme et sans s'interroger forcément sur les conséquences de leurs actes...de leurs paroles : Il regardent comme presque tout le monde les journaux TV, ils écoutent les politiques et ils sont influencés par les discours répressifs et par les arguments qui plaident pour l'ouverture de"la chasse au chômeur ", bref, comme la majorité des français, ils sont sous influence des médias
Et même s'ils ne l'étaient pas, il faut dire honnêtement qu'ils ont tellement le nez dans le guidon que même s'ils voulaient prendre parfois de la distance et s'interroger véritablement sur leurs missions et leur rôle dans ce système, ils ne le pourraient jamais ...
Lors des pauses de midi, j'avoue que je me suis amusée à perturber et à destabiliser quelques collègues en les interrogeant sur le pourquoi de leur colère, de leur décision concernant tel ou tel DE (Demandeur d'Emploi)...jusqu'à les voir s'interroger et vaciller dans leurs certitudes...
Mais malheureusement les moments collectifs (réunion d'équipe et de service) ne sont pas consacrées à s'interroger collectivement sur ses prises de décision, ses cas de conscience ou ses interrogations éthiques : au lieu du soutien et de la réflexion commune qu'il serait possible et souhaitable de mettre en place avec ses pairs, on y passe des heures à noter scrupuleusement les nouvelles directives données par ses cadres hiérarchiques, les nouvelles procédures mises en place dans le cadre de la "démarche qualité" etc...
Les conseillers encore humains (possédant encore la fibre sociale) actuellement majoritaires au sein des agences vont être bientôt mis en minorité, la nature des épreuves des concours ne laissent hélas aucun doute là-dessus : on va recruter dès février une foule de gens futurs conseillers qui sortiront de cursus type "force de vente "et gestion des ressources humaines, c'est à dire des gens formés aux chiffres et à la manipulation, et non pas à la relation d'aide...Tout cela ne risque donc pas de s'arranger, et, je dirais même plus, tout est fait pour que cette évolution se poursuive et s'accélère...
Il y a aussi un aspect important du fonctionnement d'une agence que j'ai compris durant ces quelques mois : les tâches y sont si séparées que toute responsabilité est diluée...je m'explique :
Par exemple, il est très très rare qu'un conseiller dénonce un DE et lui "colle un contrôle" (contrôle des recherches d'emploi par la DDTEFP), chacun ne l'a fait que quelques fois dans sa carrière et n'utilise cette possibilité que très prudemment, bien conscient des conséquences (suppression des alloc)...par contre, le gros des radiations effectuées actuellement sont faites par le service administratif - c'est à dire par des agents qui ne rencontrent pas les DE- et de façon automatique : les listes d'absents et de présents à des convoc, à des entretiens etc..leur parviennent, ils entrent lers données dans les dossiers (la mise à jour fait partie de leur boulot) et cela genère AUTOMATIQUEMENT des courriers au DE...Ils n'ont aucun regard sur les dossiers et aucun pouvoir de décision sur l'émission de ces courriers, et n'en mesurent jamais directement les conséquences humaines...
Celui qui les mesure directement, c'est l'agent chargé de l'accueil en agence (au petit guichet) qui lui se fait étriper plusieurs fois par jour par un DE furax alors qu'il n'est nullement responsable de ces envois...Je le sais pour avoir écopé (en tant que CDD

Bref, le système est si bien verrouillé et segmenté qu'une fois la machine lancée, même si elle s'emballe injustement, il est pratiquement impossible de l'arrêter sans échanger de multiples courriers ...et pour finir, lorsque la belle mécanique se grippe, plus personne n'est responsable personnellement des dégâts occasionnés.
Je ne peux pas m'empêcher d'y voir un parallèle troublant (même si les conséquences sont bien moins graves, quoique


