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Un débat qui tourne mal (Le Canard enchaîné)

Publié : 21 nov. 2009
par diety
Lorsque, le 4 février 2010, le ministre des charters Eric Besson clôtura les trois mois du Grand Débat sur l'Identité nationale qu'avait lancé l'Elysée juste avant les régionales pour séduire à nouveau les lepénistes écoeurés par le sarkozysme, il se retrouva gêné aux entournures. Car les Français n'avaient pas fait ce qu'on attendait d'eux. Dans les cent préfectures où ils avaient été convoqués, ils avaient renâclé à vanter, comme on les y avait vivement encouragés, "notre patrimoine", "nos églises et nos cathédrales", "notre art culinaire que le monde entier nous envie". Ils avaient fait remarquer que l'identité nationale était liée à d'autres valeurs... Exemples.

- Les impôts. Se tirer à l'étranger pour échapper à l'impôt, notèrent les débatteurs, ne relève pas vraiment de l'identité nationale. Ainsi le chanteur Johnny, établi en Suisse : peut-il vraiment encore être pris pour un grand chanteur national ? Et chanter le 14-Juillet, jour de la Fête nationale ? A l'invitation du chef de la nation nationale ? Il fut décidé que non. Qu'il serait désormais considéré comme chanteur suisse, et qu'on lui dresserait une statue en chocolat à Zurich. Idem pour les quelque trois mille exilés fiscaux établis en Belgique : mieux valait désormais les considérer comme des sans-papiers à jeter en centre de rétention à la première incursion sur le territoire national.

- L'emploi. Tous les pédégés qui fragilisent l'économie nationale en fermant leurs usines françaises pour aller s'offrir des salariés dix fois moins chers à l'étranger ne sont pas vraiment des amis de l'identité nationale : ainsi le fabricant tricolore de bagnoles Renault ou la marque de lingerie Aubade, laquelle a entièrement délocalisé sa production en Tunisie. Tous ces délocalisateurs frénétiques sont priés de suivre des cours de recyclage donnés par des chômeurs nationaux (et ce n'est pas ce qui manque).

- La Sécurité sociale. Le monde nous envie ce système de solidarité nationale (et là, ce n'est pas du flan). Ceux qui tentent de le torpiller, comme les députés qui viennent de voter son budget avec un trou maousse de 30 milliards sans prévoir la moindre mesure pour le combler, sont désormais considérés comme des casseurs irresponsables et dangereux. Enquête doit être menée sur cette nouvelle "mouvance terroriste".

- Les droits de l'homme. Considérant que la France est reconnue comme la "patrie des droits de l'homme", celle des idéaux forgés par les penseurs des Lumières et la Révolution et Victor Hugo et tutti quanti, les débatteurs décidèrent que réexpédier comme de vulgaires colis dans l'enfer d'Afghanistan des Afghans venus se refugier chez nous constituait une grave atteinte à l'identité nationale. En conéquence de quoi le ministre des charters initiateur du Grand Débat sur l'Identité nationale était renvoyé à ses études (ou, au choix, à servir à vie la soupe aux clandestins de Sangatte).

Quoique le ministre Besson n'ait pas apprécié la tournure prise par le Grand Débat, il n'en fit rien savoir : la synthèse était écrite d'avance. Elle se résumait d'une phrase : les Français n'aiment pas la burqua mais adorent notre Sarkozy national.

Jean-Luc Porquet
Le Canard enchaîné du 18 novembre 2009

Re: Un débat qui tourne mal (Le Canard enchaîné)

Publié : 21 nov. 2009
par tristesir
L'identité nationale, c'est aussi tous tricheurs ! quand il s'agit de ne pas compromettre les affaires de certains.

Mieux vaut être des tricheurs que de perdre les quelques dixièmes de points de pib que nous garantissent les grands sorciers économistes grâce à la participation de l'"équipe de France" de handball, pardon, de football à leur coupe de leur monde de plus en plus abject.