L'Emploi et le Chômage en Débats

Il paraît que cette série de 3 films documentaires de Jean-Robert Viallet est très bien faite, donc je vous la signale.
Critique Télérama: "L'idée des auteurs - le producteur, Christophe Nick, et le réalisateur, Jean-Robert Viallet - n'était pas de faire un énième film sur la souffrance au travail, ni de stigmatiser des patrons voyous ou des salariés réfractaires à toute évolution, mais de montrer ces souffrances (c'est le premier volet) et d'en comprendre les causes (deuxième et troisième volets). Comment ? En analysant à travers le prisme de deux entreprises mondialisées (Carglass et Fenwick) la manière dont l'organisation du travail est surdéterminée par les deux contraintes macroéconomiques que sont l'actionnariat et la libre concurrence. En démontrant comment les logiques de rentabilité pulvérisent les liens sociaux et humains dans l'entreprise et sont en train de tuer le travail lui-même en le réduisant à sa seule composante économique."

La mise à mort du travail

- la destruction: raconte le pouvoir des actionnaires

http://www.youtube.com/watch?v=P7G4MZnDLJM

- l'aliénation: décrit les folles manipulations du management

http://www.youtube.com/watch?v=rvI0TQWd5vI

- la dépossession: conclue sur les effets violents de cette gestion des ressources humaines sur les hommes et les femmes qui travaillent

http://www.youtube.com/watch?v=gPVYh-j_HfA

Perdre son emploi ou ne pas trouver de travail peuvent être des causes de dépression. Mais avoir une activité rémunérée peut aussi se révéler destructeur. La souffrance au travail, qui peut conduire au suicide, est un phénomène qui prend de l'ampleur. Le cas de France Télécom, confrontée à une succession de suicides parmi ses salariés, a suscité une prise de conscience chez des travailleurs, parfois soumis à des rythmes de productivité inhumains.


Pendant plusieurs mois, à l'initiative du producteur Christophe Nick (Yami 2), le réalisateur Jean-Robert Viallet a enquêté sur un mal qui, selon l'Institut de veille sanitaire, touche, en France, un quart des hommes et un tiers des femmes. Une détresse psychique, parfois combinée à des problèmes de peau, des douleurs musculaires et articulaires, et dont la source est professionnelle.

RÉDUCTION DE PERSONNEL, PRODUCTIVITÉ ACCRUE...

Pour étayer son sujet, il s'est rendu aux prud'hommes, où sont jugées des affaires relatives au monde du travail. Il a rencontré des employés en conflit avec leurs patrons pour des problèmes de harcèlement, a écouté les arguments des uns et des autres. Il a observé aussi le fonctionnement de plusieurs entreprises pour tenter de comprendre d'où venaient les tensions. Il a enfin donné la parole à des spécialistes, médecins du travail, avocats, juristes, économistes et sociologues.

Découpé en trois volets - les deux premiers diffusés lundi 26 octobre à 20 h 35, le dernier mercredi 27 à 22 h 30 - son film, intitulé La Mise à mort du travail, fait froid dans le dos. Les titres de chacun des épisodes - La Destruction, L'Aliénation, La Dépossession - donnent sans ambiguïté la tonalité générale de l'enquête : alarmante.

Compte tenu de l'angle choisi, il pouvait difficilement en être autrement, même s'il existe certainement en France des sociétés où le bien-être des employés compte autant que le chiffre d'affaires réalisé par l'entreprise. Mais là n'était pas le sujet.

"Un zéro, un néant, plus rien" : face à la psychologue Marie Pezé, c'est en ces termes qu'une femme cadre décrit ce qu'elle était devenue, après des mois de harcèlement. Marie Pezé a ouvert la première consultation spécialisée dans la souffrance au travail, en banlieue parisienne. Cette année, neuf cents personnes se sont succédé dans son cabinet à l'hôpital de Nanterre. En France, on compte une trentaine de structures du même type où viennent chercher une aide des gens que la vie professionnelle a brisés.

Mondialisation, réduction de personnel, exigences de productivité accrues : l'enquête de Jean-Robert Viallet restitue le contexte économique dans lequel s'inscrivent ces drames humains. La chaîne, qui diffuse ce documentaire en première partie de soirée, propose aux téléspectateurs de prolonger la réflexion par l'intermédiaire d'un site dédié sur France3.fr.


--------------------------------------------------------------------------------

Jean-Robert Viallet (France, 2009, Durée des trois volets : 207 min

Une interview du réalisateur : http://www.humanite.fr/La-souffrance-au-travail-en-face

Impressionnant ce documentaire, effrayant. Comment peut-on encore se lever et aller travailler après l'avoir vu?
Je me le demande.

Les deux volets suivants seront diffusés à des heures impossibles, j'aurais du m'en douter, il ne faut pas dégouter les gens d'aller se faire exploiter.

J'essayerais de voir la suite. Ca fait peur mais bon je m'attendais exactement à ce que j'ai pu voir. Subir sans rien dire jusqu'à quand?

subir sans rien dire jusqu'à quand?

Des gens se plaignent...ils se suicident, c'est une forme de protestation.

Chez le poseur de pare-brises, il était intéressant de voir le recrutement : ce sont les chômeurs eux-mêmes qui jouent le rôle de délateurs et virent ceux qui paraissent le plus faible. Très fort !

Cette sorte de danse en rond m'a parue du dernier ridicule, digne des méthodes sectaires. Je pensais à l'ode qu'adressaient les Egyptiens tous les matin quand le soleil se levait, dé-bi-le !!!!

Il faut toujours plus de chiffre, toujours plus de clients qui partent avec le sourire (tu parles quand tu t'es fait niqué ton pare-brise, tu jubiles !) mais avec... toujours aussi peu d'employés, cherchez l'erreur !

Et le chefaillon à qui ça crève le c... de devoir payer des heures supp !

Et ce système de prime à l'équipe qui fait que celui qui sera moins rapide se fera harcelé par ses "camarades" car de sa faute on ne peut pas avoir de prime !

Et ces petits jeunes chefs d'équipe qui se croient au sommet et se retrouveront fort marris quand ça tombera sur eux, si on habitue à faire 12 heures par jour, si on doit un jour aller en urgence chez le dentiste, c'est la soupe à la grimace et un mauvais point sur ton carnet.
Bande de naïfs, s'ils savaient ce qui les attend !

J'ai vaguement entendu le débat après avec le numéro 2 de ft. Dommage que personne sur le plateau ait jugé utile de lire leur questionnaire plus que tendencieux..

Oui, encore un débat à la con : j'ai été déçue par la prestation du réalisateur, et encore plus par celle de Christophe Dejours.

On disserte toujours sur les dégâts, jamais sur la véritable cause du mal.

Moi, je l'appelle LA DICTATURE DE L'ACTIONNARIAT. C'est elle qui exige une rentabilité folle (d'ailleurs, le doc montre très bien qu'il ne s'agit pas de satisfaire les clients mais les actionnaires, ces parasites de l'économie mondialisée), exigence qui se répercute de haut en bas sur toute la pyramide des entreprises, qu'elles soient sous-traitantes ou non. Et cette exigence broie le travail, son sens, et tous ceux qui l'exécutent.
C'est l'actionnariat (ou "capitalisme antisalarial") qui dénature tout et pourrit tout.

Pas un mot n'a été dit là-dessus, comme s'il fallait bricoler des solutions sans remettre en cause ce fonctionnement véreux qui autorise une caste de rentiers à s'engraisser sur le dos de tout et de tout le monde.
A vomir !

fonctionnement véreux qui autorise une caste de rentiers à s'engraisser sur le dos de tout et de tout le monde.

Sur le dos et même sur la peau de la bête qui y laisse la sienne

Je revois cette responsable de caisse qui reconnait avoir participé à un harcèlement, voire à la curée sur une collègue et qui maintenant se retrouve dans la même merde.

Je dois repenser à chaque fois à cet article d'anthologie de notre Monolecte les kapos aussi ont fini dans les chambres à gaz

On devrait mettre cet article dans tous les centres de formation, écoles d'excellence (pour requinaux) et sous le nez des chefaillons. Mais on sait qu'il n'y a pas de pire aveugle que celui qui ne veut pas voir

Un article bien senti, qui ne nous apprendra rien à nous, hélas !

On devrait aussi recommander ce genre de lecture aux étudiants en commerce. Dommage, la plupart des livres cités ne sont pas à ma biblio

Extrait

L’un des signes majeurs de la décrépitude du politique entamée voilà trois bonnes décennies est la grande capacité des élites gouvernantes et intellectuelles à prendre le citoyen pour un crétin. L’exemple du travail et de ses avatars morbides actuels va nous offrir l’occasion de dépeindre une réalité peu flatteuse pour la « clique néolibérale » si prompte à culpabiliser les gens de peu et les cadres rétifs, tous accusés de faire prendre du retard à « l’entreprise France ». Les « suicidés du travail » n’ont pourtant rien pour nous étonner. La croissance très sensible de leur nombre encore moins. Avoir le culot monstrueux de parler à cet égard d’une mode comme l’a fait M. Lombard, patron impitoyable de France Télécom, révèle de façon magistrale une époque déboussolée et une économie criminogène construite patiemment depuis la fin des années 1970

http://www.altermonde-sans-frontiere.co ... ticle11979

Chez le poseur de pare-brises, il était intéressant de voir le recrutement : ce sont les chômeurs eux-mêmes qui jouent le rôle de délateurs et virent ceux qui paraissent le plus faible. Très fort !

J'aimerai bien revoir ce passage plus attentivement pour avoir la confirmation de ce qui est dit par la personne qui commente ce documentaire.

Combien de gens refusent de se livrer à la critique de gens, qu'ils ne connaissent pas, lors de ce genre de mise en scène? Probablement peu. (je suis sûr que beaucoup de gens dans leur recherche d'emploi ont du subir cela sous une forme ou une autre.

Ce film bat en brèche l'idée que les salariés travaillent pour la satisfaction des clients, en fait il s'agit de détourner l'attention des salariés du fait que la pression est exercée surtout par les actionnaires-requins et non pas par le client.

Pour illustrer ce point, Ils montraient l'exemple d'une multinationale qui est spécialisée dans le changement des pare-brises et dont le chiffre d'affaire est surtout fait avec une clientèle captive et pourtant la pression est justifiée par le fait que le client doit être satisfait. Comme le relève la voix qui commentait ce documentaire, s'il s'agissait de rechercher la satisfaction du client pourquoi les équipes ne sont pas plus fournies?.

Ce film montre aussi que le processus fonctionne parce que le système est capable de faire de beaucoup de salariés des collabos qui peuvent par exemple signer des pétitions patronales pour participer au harcèlement d'un collègue ou voire pire.

PS:
Ce qui doit faire peur aux possédants et aux patrons est que les conséquences de la souffrance au travail se manifestent non plus seulement par des suicides mais par des évènements du type "Columbine" aux USA.
Dans le documentaire, l'une des personnes harcelées, un cadre, évoque cette idée.

l'exemple d'une multinationale qui est spécialisée dans le changement des pare-brises et dont le chiffre d'affaire est surtout fait avec une clientèle captive

Et oui, quand on a un bug/bris sur sa voiture et qu'on peut aller chez le réparateur sans avancer les frais, on peut parler de clientèle captive. Donc on ne va pas forcément chez cette multinationale parce qu'on en est content, mais parce qu'on y est fortement sollicité par son assurance... donc il s'agit d'un marché comme un autre. Dit pour le drh qui avait l'air si content de lui (d'ailleurs c'est à ça qu'on les reconnait) et faisait une pub d'enfer à sa boite, l'aura une prime sans aucun doute !

Ce film montre aussi que le processus fonctionne parce que le système est capable de faire de beaucoup de salariés des collabos qui peuvent par exemple signer des pétitions patronales pour participer au harcèlement d'un collègue ou voire pire.

Je me souviens d'un de mes patrons dans les années 90, qui avait une curieuse idée de la fonction d'assistante de direction, variant entre relations sexuelles évidentes à ce poste et espionnage des autres employées...
J'ai bien sûr refusé les deux, m'attirant un harcèlement pénible dudit patron comme on fait aux cadres : on ne les surcharge plus, on leur enlève tout leur boulot. C'est long, huit heures... heureusement pour moi, il y a eu 3 femmes enceintes dans les administratives (pas ma faute ) et il était tellement radin qu'il a été obligé de me refiler une partie de leur boulot.
Il avait même poussé le vice jusqu'à demander aux autres filles de ne plus déjeuner avec moi, heureusement elles faisaient bloc et ont continué.
Isolement, vexations, ça va je sais répondre. J'étais si méfiante que je lui ai rendu la caisse en espèces que je gardais dans le coffre de mon bureau en exigeant qu'il signe la billetterie rendue.
Il n'a pas apprécié et m'a virée au bout de 5 mois et demi. Il m'avait payé les 3 mois de préavis pour que je reste chez moi (élément subversif) et m'a aussi payé un bon paquet après mon procès aux Prudhommes juste pour que je la ferme grâce au témoignage d'une ancienne assistante virée pour les mêmes motifs.
J'avais fait une bonne affaire à l'époque ! Je peux concentrer toute ma colère, froidement et sans pitié, parce qu'il avait eu le culot de m'appeler chez moi "parce que la société n'allait pas résister blabla" alors que je connaissais très bien les chiffres, c'était mon boulot après tout !
Désolée pour la disgression

tristesir a écrit :J'aimerais bien revoir ce passage plus attentivement pour avoir la confirmation de ce qui est dit par la personne qui commente ce documentaire.

Ce passage et son commentaire sont visibles/audibles au Zapping du 27/10 de Canal + :

http://www.canalplus.fr/c-infos-documen ... pping.html

Je cite : "C'était ça, le but : trouver les chômeurs qui acceptent de descendre d'autres chômeurs. La technique du Maillon Faible adaptée au monde de l'entreprise"...

Les "bourreaux victimes" sont partout !

Un premier extrait pointe l'esbroufe du "client roi" (qu'on fait gober au salarié par sa propre identification au consommateur) afin d'escamoter le but réel de cette course à la performance et au profit, qui n'est que la satisfaction des actionnaires.

Il y a d'autres perles.

Je mate le Zapping tous les jours sur mon ordi : ça donne une bonne idée de l'actu et de notre société...

"C'était ça, le but : trouver les chômeurs qui acceptent de descendre d'autres chômeurs. La technique du Maillon Faible adaptée au monde de l'entreprise"...

Cette phrase je l'avais bien retenue mais comme je suis un fouille-merde je trouve la démonstration pas assez convaincante.
Pendant le déroulé du petit jeu de rôle, les gens autour de la table sont désignés par leur prénom (c'est du moins mon souvenir) et lors de la délibération goguenarde des recruteurs, qui sont toujours surpris me semble-t-il de la facilité avec laquelle les gens se tirent dans les pattes, ils énumèrent les prénoms des gens qui semblent retenir leur attention. Cela aurait été intéressant de faire un rapprochement plus insistant entre ces deux passages du documentaire pour renforcer la conclusion de la voix off.

Je mate le Zapping tous les jours sur mon ordi : ça donne une bonne idée de l'actu et de notre société

Je me suis rappelé pourquoi je ne regarde plus le zapping de canal+. Mettre un truc sérieux entre deux énormes conneries cela en diminue la portée, voire le ridiculise et en tout cas le transforme en spectacle.
Et chacun sait qu'un spectacle n'est qu'une oeuvre de l'imagination...

Il y a des extraits du documentaire sur le site de france 3 (pour les deux parties)
http://programmes.france3.fr/mise-a-mort-du-travail/
Je me suis endormie hier sur la rediffusion de la première partie, bizarrement ça m'a fait du bien, alors que je suis en pleine recherche d'emploi. J'ai hâte de voir la deuxième partie ce soir.