Paroles de déporté
Publié : 19 sept. 2005
Lorsque, il y a quelques années, j'ai lu l'ouvrage dans lequel Viktor Frankl témoigne de sa vie de déporté (Découvrir un sens à sa vie), j'ai été frappé par le passage suivant :
"... Un homme qui est incapable de prévoir la fin d'une 'existence provisoire' est incapable de poursuivre un but. Il cesse de vivre en fonction de l'avenir, contrairement à un homme qui mène une vie normale. C'est la raison pour laquelle, dans les camps, toute la structure de la vie intérieure se modifiait ; apparaissaient alors des signes de déchéance, semblables à ceux que l'on peut observer dans le cadre de certaines conditions de la vie normale. Le chômeur, par exemple, se trouve dans une situation similaire. Son existence est devenue provisoire et, dans un certain sens, il est incapable de vivre en fonction de l'avenir ou de se fixer un but." (pages 85-86)
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Viktor Frankl, père de la troisième école de psychologie viennoise s'en est sorti (du camp d'extermination ! ce qui n'est pas un mince exploit). Il a su créer "du sens" même au coeur de l'absurde. Vitalité extraordinaire : la devait-il à sa passion pour l'alpinisme ? Il nous a quitté il y a une dizaine d'année, âgé d'au moins 90 ans ...
Le texte original, en langue anglaise, date de 1959. C'était pourtant les "trente glorieuses", mais le psychiatre restait lucide :
"La société moderne est davantage axée sur l'accomplissement et, en conséquence, chérit les individus prospères et heureux, et en particulier les jeunes. En fait, elle ne tient pas compte de la valeur des autres, ne faisant pas la différence entre la valeur d'une personne en fonction de sa dignité et sa valeur en fonction de son utilité. Si on ne reconnaît pas cette différence et qu'on ne considère la valeur d'une personne qu'en fontion de son utilité, pourquoi ne plaide-t-on pas alors en faveurde l'euthanasie telle que la conçoit Hitler, c'est-à-dire tuer par 'pitié' tous ceux qui ont perdu leur utilité sociale, soit à cause de leur âge, ou d'une maladie incurable, ou de facultés mentales affaiblies ou de toute autre infirmité ?" (page 150)
Mais comment s'en sortir dans un tel contexte. Frankl redonne confiance à chacun en l'accrochant à son sens de la vie : la question du sens est primordiale. Il ne faut pas se méprendre : pas le sens de la vie selon un parti, une religion. Mon sens à moi, en tant que - selon la formule existentialiste - individu unique et irrépétible (autrement dit : "non clônable"). Viktor Frankl a cotoyé les jeunes sans emploi des années 20, tentés par la "peste brune" :
"Il y cinquante ans, j'ai publié une étude sur un type particulier de dépression que j'avais diagnostiqué chez mes jeunes patients et que j'appelais alors la 'névrose du chômage'. J'y démontrais que cette névrose est engendrée par deux principes erronés : être sans emploi, c'est être inutile et être inutile, c'est mener une vie absurde. En conséquence, dès que je réussissais à persuader mes patients de travailler bénévolement dans des organismes de jeunesse, des bibliothèques, de suivre des cours pour adultes, etc ... en d'autres mots, dès qu'ils remplissaient leurs nombreuses heures de loisir par des activités non rémunérées mais significatives, leur dépression disparaissait, bien que leur situation économique demeurat inchangée et leurs estomacs vides. La vérité, c'est que l'être humain ne vit pas que de sécurité matérielle." (page 142)
Pour conclure, je souhaite remercier l'équipe d'Actu-Chomage (Yves, Sophie, Sylvie ...) et toutes celles et ceux que j'ai rencontré samedi, et les assurer, que pour prévenir toute dépression, j'envisage, moi aussi, d'investir du temps dans Actu-Chômage. Je réalise combien, montrés du doigt par les "bien-penchants", l'un des dangers qui nous guette est l'enfermement et l'incapacité à oser la confiance.
Cordialement
Gildas
"... Un homme qui est incapable de prévoir la fin d'une 'existence provisoire' est incapable de poursuivre un but. Il cesse de vivre en fonction de l'avenir, contrairement à un homme qui mène une vie normale. C'est la raison pour laquelle, dans les camps, toute la structure de la vie intérieure se modifiait ; apparaissaient alors des signes de déchéance, semblables à ceux que l'on peut observer dans le cadre de certaines conditions de la vie normale. Le chômeur, par exemple, se trouve dans une situation similaire. Son existence est devenue provisoire et, dans un certain sens, il est incapable de vivre en fonction de l'avenir ou de se fixer un but." (pages 85-86)
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Viktor Frankl, père de la troisième école de psychologie viennoise s'en est sorti (du camp d'extermination ! ce qui n'est pas un mince exploit). Il a su créer "du sens" même au coeur de l'absurde. Vitalité extraordinaire : la devait-il à sa passion pour l'alpinisme ? Il nous a quitté il y a une dizaine d'année, âgé d'au moins 90 ans ...
Le texte original, en langue anglaise, date de 1959. C'était pourtant les "trente glorieuses", mais le psychiatre restait lucide :
"La société moderne est davantage axée sur l'accomplissement et, en conséquence, chérit les individus prospères et heureux, et en particulier les jeunes. En fait, elle ne tient pas compte de la valeur des autres, ne faisant pas la différence entre la valeur d'une personne en fonction de sa dignité et sa valeur en fonction de son utilité. Si on ne reconnaît pas cette différence et qu'on ne considère la valeur d'une personne qu'en fontion de son utilité, pourquoi ne plaide-t-on pas alors en faveurde l'euthanasie telle que la conçoit Hitler, c'est-à-dire tuer par 'pitié' tous ceux qui ont perdu leur utilité sociale, soit à cause de leur âge, ou d'une maladie incurable, ou de facultés mentales affaiblies ou de toute autre infirmité ?" (page 150)
Mais comment s'en sortir dans un tel contexte. Frankl redonne confiance à chacun en l'accrochant à son sens de la vie : la question du sens est primordiale. Il ne faut pas se méprendre : pas le sens de la vie selon un parti, une religion. Mon sens à moi, en tant que - selon la formule existentialiste - individu unique et irrépétible (autrement dit : "non clônable"). Viktor Frankl a cotoyé les jeunes sans emploi des années 20, tentés par la "peste brune" :
"Il y cinquante ans, j'ai publié une étude sur un type particulier de dépression que j'avais diagnostiqué chez mes jeunes patients et que j'appelais alors la 'névrose du chômage'. J'y démontrais que cette névrose est engendrée par deux principes erronés : être sans emploi, c'est être inutile et être inutile, c'est mener une vie absurde. En conséquence, dès que je réussissais à persuader mes patients de travailler bénévolement dans des organismes de jeunesse, des bibliothèques, de suivre des cours pour adultes, etc ... en d'autres mots, dès qu'ils remplissaient leurs nombreuses heures de loisir par des activités non rémunérées mais significatives, leur dépression disparaissait, bien que leur situation économique demeurat inchangée et leurs estomacs vides. La vérité, c'est que l'être humain ne vit pas que de sécurité matérielle." (page 142)
Pour conclure, je souhaite remercier l'équipe d'Actu-Chomage (Yves, Sophie, Sylvie ...) et toutes celles et ceux que j'ai rencontré samedi, et les assurer, que pour prévenir toute dépression, j'envisage, moi aussi, d'investir du temps dans Actu-Chômage. Je réalise combien, montrés du doigt par les "bien-penchants", l'un des dangers qui nous guette est l'enfermement et l'incapacité à oser la confiance.
Cordialement
Gildas