Paroles de déporté

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Modérateurs : superuser, Yves

Invité

Paroles de déporté

Message par Invité »

Lorsque, il y a quelques années, j'ai lu l'ouvrage dans lequel Viktor Frankl témoigne de sa vie de déporté (Découvrir un sens à sa vie), j'ai été frappé par le passage suivant :
"... Un homme qui est incapable de prévoir la fin d'une 'existence provisoire' est incapable de poursuivre un but. Il cesse de vivre en fonction de l'avenir, contrairement à un homme qui mène une vie normale. C'est la raison pour laquelle, dans les camps, toute la structure de la vie intérieure se modifiait ; apparaissaient alors des signes de déchéance, semblables à ceux que l'on peut observer dans le cadre de certaines conditions de la vie normale. Le chômeur, par exemple, se trouve dans une situation similaire. Son existence est devenue provisoire et, dans un certain sens, il est incapable de vivre en fonction de l'avenir ou de se fixer un but." (pages 85-86)

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Viktor Frankl, père de la troisième école de psychologie viennoise s'en est sorti (du camp d'extermination ! ce qui n'est pas un mince exploit). Il a su créer "du sens" même au coeur de l'absurde. Vitalité extraordinaire : la devait-il à sa passion pour l'alpinisme ? Il nous a quitté il y a une dizaine d'année, âgé d'au moins 90 ans ...
Le texte original, en langue anglaise, date de 1959. C'était pourtant les "trente glorieuses", mais le psychiatre restait lucide :
"La société moderne est davantage axée sur l'accomplissement et, en conséquence, chérit les individus prospères et heureux, et en particulier les jeunes. En fait, elle ne tient pas compte de la valeur des autres, ne faisant pas la différence entre la valeur d'une personne en fonction de sa dignité et sa valeur en fonction de son utilité. Si on ne reconnaît pas cette différence et qu'on ne considère la valeur d'une personne qu'en fontion de son utilité, pourquoi ne plaide-t-on pas alors en faveurde l'euthanasie telle que la conçoit Hitler, c'est-à-dire tuer par 'pitié' tous ceux qui ont perdu leur utilité sociale, soit à cause de leur âge, ou d'une maladie incurable, ou de facultés mentales affaiblies ou de toute autre infirmité ?" (page 150)

Mais comment s'en sortir dans un tel contexte. Frankl redonne confiance à chacun en l'accrochant à son sens de la vie : la question du sens est primordiale. Il ne faut pas se méprendre : pas le sens de la vie selon un parti, une religion. Mon sens à moi, en tant que - selon la formule existentialiste - individu unique et irrépétible (autrement dit : "non clônable"). Viktor Frankl a cotoyé les jeunes sans emploi des années 20, tentés par la "peste brune" :
"Il y cinquante ans, j'ai publié une étude sur un type particulier de dépression que j'avais diagnostiqué chez mes jeunes patients et que j'appelais alors la 'névrose du chômage'. J'y démontrais que cette névrose est engendrée par deux principes erronés : être sans emploi, c'est être inutile et être inutile, c'est mener une vie absurde. En conséquence, dès que je réussissais à persuader mes patients de travailler bénévolement dans des organismes de jeunesse, des bibliothèques, de suivre des cours pour adultes, etc ... en d'autres mots, dès qu'ils remplissaient leurs nombreuses heures de loisir par des activités non rémunérées mais significatives, leur dépression disparaissait, bien que leur situation économique demeurat inchangée et leurs estomacs vides. La vérité, c'est que l'être humain ne vit pas que de sécurité matérielle." (page 142)

Pour conclure, je souhaite remercier l'équipe d'Actu-Chomage (Yves, Sophie, Sylvie ...) et toutes celles et ceux que j'ai rencontré samedi, et les assurer, que pour prévenir toute dépression, j'envisage, moi aussi, d'investir du temps dans Actu-Chômage. Je réalise combien, montrés du doigt par les "bien-penchants", l'un des dangers qui nous guette est l'enfermement et l'incapacité à oser la confiance.

Cordialement

Gildas
resistances_

Paroles de déporté

Message par resistances_ »

La société moderne est davantage axée sur l'accomplissement et, en conséquence, chérit les individus prospères et heureux, et en particulier les jeunes. En fait, elle ne tient pas compte de la valeur des autres, ne faisant pas la différence entre la valeur d'une personne en fonction de sa dignité et sa valeur en fonction de son utilité.
Il y cinquante ans, j'ai publié une étude sur un type particulier de dépression que j'avais diagnostiqué chez mes jeunes patients et que j'appelais alors la 'névrose du chômage'. J'y démontrais que cette névrose est engendrée par deux principes erronés : être sans emploi, c'est être inutile et être inutile, c'est mener une vie absurde. En conséquence, dès que je réussissais à persuader mes patients de travailler bénévolement dans des organismes de jeunesse, des bibliothèques, de suivre des cours pour adultes, etc ... en d'autres mots, dès qu'ils remplissaient leurs nombreuses heures de loisir par des activités non rémunérées mais significatives, leur dépression disparaissait, bien que leur situation économique demeurat inchangée et leurs estomacs vides. La vérité, c'est que l'être humain ne vit pas que de sécurité matérielle.
Tout est écrit dans ces deux paragraphes.
Contrairement à ce que nos dirigeants rabâchent, en parlant par exemple de population active sous-entendu une partie de la population est inactive, être actif n'est pas forcément travailler.
On peut avoir un grand nombre d'activité bénévole et être trés utile à la société sans pour autant travailler.
superuser
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Les chômeurs, condamnés à vie (ou à mort) ?

Message par superuser »

A l'aube des grandes renégociations de la convention Unedic qui aura bientôt lieu sans que personne - comme d'habitude - n'y représente les chômeurs, je reprends notre article du 15 septembre :
L'Unedic pour un "dépistage" et un "profilage" des chômeurs a écrit :Les partenaires sociaux gestionnaires de l'Unedic doivent entamer vers la fin octobre la renégociation des modalités de l'indemnisation du chômage, la nouvelle convention devant entrer en vigueur dès le 1er janvier 2006. A cette occasion, afin "d'identifier le plus tôt possible les besoins d'accompagnement des chômeurs et accélérer leur retour sur le marché du travail", le directeur général de l'Unedic souhaite généraliser le "profilage" des demandeurs d'emploi.

"Nous allons proposer aux partenaires sociaux, en cette fin d'année, de valider cette démarche très pragmatique que nous avons lancée à un stade tout à fait expérimental", a déclaré aujourd'hui Jean-Pierre Revoil, directeur général de l'Unedic. L'idée, a-t-il ajouté, est de "généraliser le diagnostic à l'entrée (dans le chômage) pour repérer très en amont ceux qui risquent de devenir des chômeurs de longue durée". Ce dépistage systématique et précoce serait basé sur des critères objectifs (âge, situation familiale, formation, qualification, bassin d'emploi).
L'Unedic évalue entre 10% et 20%, selon les bassins d'emploi, la part des chômeurs employables dans les trois mois qui suivent leur entrée au chômage.

Pour mener à bien "l'indemnisation intelligente" qu'elle défend, l'Unedic souhaite aussi un débat sur la définition de "l'emploi convenable" qu'un chômeur indemnisé ne peut refuser : le gouvernement, dans son décret du 21 juillet sur les nouvelles règles de contrôle des chômeurs, n'a pas osé modifier la définition, assez vague, inscrite au Code du travail. A l'Unedic, on estime que cette définition devra fatalement tenir compte de la durée du chômage car "un chômeur perd obligatoirement de l'employabilité au fil des mois et est obligé d'abaisser ses exigences".

Le suivi renforcé des chômeurs devra en outre s'inscrire dans le cadre de la future convention Etat-Unedic-ANPE, dont l'objectif est la mise en oeuvre du guichet unique promis aux chômeurs par la loi Borloo de cohésion sociale mais qui tarde à se mettre en place car elle suscite la controverse. A l'Unedic, on insiste pour préciser qu'il s'agira d'un "rapprochement opérationnel" avec l'ANPE et non pas d'une "fusion", "car nous n'avons pas les mêmes métiers".

LE CHÔMAGE, CETTE NOUVELLE MALADIE

Les termes "diagnostic" et "dépistage" sont médicaux : ils sont liés à une action de PRÉVENTION (par exemple pour le cancer). Ils sont aussi liés à la prévention d'une éventuelle propagation : la CONTAGION, donc l'ÉPIDÉMIE (comme pour le sida).

Nous savons tous que la recherche scientifique lutte contre ces fléaux sans pouvoir les éliminer : elle se contente d'en limiter les effets sans pouvoir agir sur leur véritable origine (on a tous un potentiel cancéreux qu'on développe ou pas, le sida viendrait d'Afrique, mais dans les deux cas il n'y a pas de critères précis et la grande faucheuse fait son travail + ou - qualifié d'injuste, selon…).
Si on connaît les facteurs de développement ou de propagation de ces maladies mortelles, on n'en connaît pas la cause profonde. Elles n'ont pas de vaccin, on ne peut pas les éradiquer => on se contente donc de les "atténuer".

Pour le chômage, c'est une autre paire de manches !
On en connaît les causes : on pourrait les éradiquer (par exemple, agir radicalement sur un système économique qui le génère) ou les "admettre" en limitant les dégâts (inclure les exclus par un partage de richesses => une véritable "indemnisation intelligente"), et dans la bouche du directeur général de l'Unedic, c'est d'autant plus ahurissant que ce "dépistage systématique et précoce" des demandeurs d'emploi fraîchement virés admet d'emblée que le chômage est une maladie essentiellement incurable et que ce sont les chômeurs qui en portent les germes, mais surtout pas les entreprises (ces "forces vives de la Nation" dont le patriotisme économique n'est plus à vérifier).

Que va-t-on faire des chômeurs dépistés d'office comme "de potentielle longue durée" ? On se croirait à Auschwitz : tu descends du train et tu vas à droite ou tu vas à gauche : gazé illico, ou dirigé vers des baraquements pour un travail forcé ? Pardonnez le parallèle un peu fort, mais il s'agit de sélectionner une population qui, du fait des aléas de la finance, se retrouve EN TROP dans un système économique aussi inhumain & sélectif que le nôtre aujourd'hui dans un contexte de "guerre économique". On mesure bien l'hypocrisie et les tours de passe-passe sémantique qui vont avec.

Qu'est-ce que "l'employabilité" ? Visiblement un rare privilège, puisque seulement 10 à 20% des chômeurs en seraint naturellement pourvus pour les 3 mois qui suivent la perte de leur emploi. Que va-t-on faire des 80% qui auront - inévitablement - un "problème" ?

Car ils sont un problème pour la société. Ni responsables ni coupables, ils peuvent crever : c'est de leur faute ! Ils ne sont pas assez ou plus EMPLOYABLES et au fil des mois ils seront obligés d'abaisser leurs exigences !!! (Parce qu'en plus ils sont "exigeants"...). Demandeurs d'emploi indemnisés, minima sociaux, chômeurs non indemnisés, ils sont devenus indignes de la "charité publique" (parce que maintenant, percevoir des cotisations est un acte de parasitisme) !

Tout cela est effectivement EXPÉRIMENTAL, limite apprenti-sorcier. Les victimes sont les coupables, des malades de la société, mais n'est-ce pas cette société qui est malade et les a contaminés ?

Face à cette grande imposture médicalisée, la révolte s'impose.
Invité

Message par Invité »

exactement, rien à rajouter, et je fais le même rapprochement un peu fort que toi, ça me rappelle les mêmes methodes, y a des simmilitudes incontestables dans la façon de traiter l'etre humain comme un pestiféré, comme un citoyen de seconde zone.

j'ai vraiment le sentiment pour ma part d'etre sous une dictature, d'etre considéré comme un simple pion d'un systeme qui ne me convient absolument pas, un systeme ecrasant et meprisant ou l'on a même pas droit d'etre consulté, ecouté, bref toute la definition d'une dictature.

maintenant c'est au peuple de se positionner et de reagir ou non.
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