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Toujours plus contrôler les pauvres

Publié : 15 avr. 2021
par Chris64
https://blogs.mediapart.fr/atd-quart-mo ... es-pauvres

Toujours plus contrôler les pauvres

14 avr. 2021 Par ATD Quart Monde Blog : Le blog des membres d'ATD Quart Monde

Dans le cadre du projet de loi sur le respect des principes de la République, le Sénat a voté en première lecture un amendement prévoyant la suspension des allocations familiales, après plusieurs avertissements, en cas d’absence répétée d’un élève à l’école. Cette disposition injuste et pénalisante vient s’ajouter à d’autres offensives contre les familles les plus pauvres de notre société.

Pas de répit dans la marche forcée vers toujours plus de contrôle des plus pauvres. Un vieux débat a refait surface dans le cadre des échanges au Sénat sur le projet de loi confortant les principes de la République. La sénatrice Jacky Deromedi (Les Républicains) a proposé un amendement visant à suspendre partiellement ou totalement les allocations familiales aux familles dont les enfants ne viendraient pas à l’école. Cette proposition, dont on ne comprend pas vraiment ce qu’elle vient faire dans une loi sur le séparatisme, a provoqué des leviers de bouclier dans l’assemblée. Le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, n’a pas donné d’avis défavorable à cet amendement. L’objectif de lutter contre l’absentéisme est reconnu par tous mais les arguments avancés par les défenseurs de cet amendement sont discutables. A l’heure où dix millions de personnes - dont 3 millions d'enfants - vivent sous le seuil de pauvreté et où huit millions de personnes ont recours à l’aide alimentaire, une partie de nos élus se trompe de combats.

Avec cet amendement, c’est d’abord un lien que l’on tente d’instaurer entre les allocations familiales et l’école. Ce lien n’existe pas pour l’instant. Dès lors que vous avez à charge deux enfants (ou plus) de moins de 20 ans, vous pouvez bénéficier de ce soutien de la part de la société française. Le montant de l’allocation varie en fonction du nombre d’enfants, de leur âge et des revenus du foyer. En l’état de la loi, les conditions requises sont la résidence sur le territoire français et la possession d’un numéro d’allocataire. Faut-il instaurer ce lien entre les allocations familiales et l’école ? L’argent s’infiltre déjà partout dans les moindres recoins de nos existences. Franchir cette étape reviendrait à récompenser le présentéisme avec de l’argent. Peut-on imaginer que les relations entre l’école et les familles, parfois déjà difficiles, puissent rester en dehors de la sphère monétaire ?

Les défenseurs de cet amendement insistent sur le fait que la suspension des allocations familiales interviendrait après plusieurs étapes, qu’il s’agit d’un processus progressif et non d’une mesure automatique. Le sénateur Philippe Bas (Les Républicains) précise d’ailleurs qu’un dispositif similaire a existé entre 2006 et 2013, le contrat de responsabilité parentale, et qu’il n’y avait eu que 51 suspensions effectives des allocations pour 6280 seconds signalements. Le sénateur en conclut que « le cœur du dispositif, c’est le contrat », qu’il « s’agit d’aider les parents à se ressaisir » et enfin que « l’inspiration de cet amendement est parfaitement humaniste ». Qu’il y ait plusieurs tentatives de lien avec les parents semble relativement normal mais faire planer la menace de la sanction sur tout le processus de dialogue n’incitera guère à un échange constructif et respectueux. D’autant que la suspension effective ne concernerait que très peu de familles. L’humanisme ne serait-il pas d’aller au bout du dialogue et de tout tenter pour que celui-ci réussisse ? N’est-ce pas justement dans l’intérêt des jeunes de promouvoir un rapport d’échanges plutôt qu’un rapport de coercition ?

Un autre argument utilisé dans le débat souligne que la menace de suspension des allocations permettrait de « faire venir à la table les familles ». Certes, une majorité d’entre elles viendront car elles n’auront probablement pas le choix. Mais dans quel état d’esprit seront-elles ? Stressées, anxieuses, en colère ? Pour de nombreuses familles les liens avec l’école sont déjà compliqués. Souvent les parents gardent un très mauvais souvenir de l’école. Le rapport de force incite-t-il à mieux écouter et à chercher les solutions ensemble ? Ajoutons que certaines familles, parmi les plus pauvres, n’oseront même pas venir. Leurs vies sont déjà faites d’injonctions et de maltraitances en tout genre.

Un autre sénateur estime que c’est également « un signal fort aux enfants » car « ces derniers y réfléchiront à deux fois s'ils savent qu'ils peuvent mettre leurs parents en difficulté ». Si des enfants ou des jeunes ne vont pas à l’école, cela signifie qu’ils font facee à des difficultés. Celles-ci peuvent exister au sein de l’école comme en dehors. Dans tous les cas, rajouter cette tension supplémentaire sur les épaules de jeunes déjà fragiles ne peut que compliquer davantage des situations déjà épineuses. Au contraire, nous devons à ces jeunes de tout mettre en œuvre pour qu’ils puissent retrouver le chemin de l’école.

Derrière cet amendement, il y a un préjugé tenace selon lequel il y aurait des « mauvais parents qui ne s’intéressent pas à leurs enfants ». Coupons court à cette ineptie, tous les parents aspirent à une vie meilleure pour leurs enfants. Certaines familles sont cassées par la pauvreté et souffrent. Les enfoncer davantage ne mènera à rien d’autre que davantage d’exclusion. Au contraire, dans une société humaniste, il est important de considérer les parents comme un maillon essentiel de l’éducation. C’était d’ailleurs l’un des points fort de l’avis du CESE de 2015 sur une école de la réussite pour tous. Espérons que les parlementaires sauront s’en inspirer dans la suite de leurs travaux.

Marie-Aleth Grard, présidente d'ATD Quart Monde

Re: Toujours plus contrôler les pauvres

Publié : 15 avr. 2021
par Zorro22
Le sénateur Philippe Bas (Les Républicains) précise d’ailleurs qu’un dispositif similaire a existé entre 2006 et 2013, le contrat de responsabilité parentale, et qu’il n’y avait eu que 51 suspensions effectives des allocations pour 6280 seconds signalements. Le sénateur en conclut que « le cœur du dispositif, c’est le contrat », qu’il « s’agit d’aider les parents à se ressaisir » et enfin que « l’inspiration de cet amendement est parfaitement humaniste ».
Philippe Bas, un grand humaniste effectivement... qui est le créateur du seuil illégal d'épargne (RSA) dans son département, la Manche, l'un de la douzaine de départements connus
très négativement de notre association. Comme je le dis, c'est comme dans un feuilleton, ce sont toujours les mêmes que l'on revoit à longueur d'année.
Philippe Bas n'est toutefois pas, a priori, l'instigateur de cet amendement : http://www.senat.fr/amendements/2020-20 ... t_197.html

Je relève dans le futur texte de loi la formulation "en l’absence de motif légitime ou d’excuses valables"... Ce sera encore aux magistrats de déterminer ce qu'est
une "excuse valable", concept bien foireux au contour surtout politique, social et culturel.

Là encore, malgré de belles paroles, il faudra s'attendre aussi, peut-être, comme au RSA, à une absence totale de prise en compte sérieuse du principe du contradictoire
(c'est-à-dire que la version de la famille, l'administration s'en moque, d'autant que ce sont les CAF qui gèrent, et qu'en matière de piétinement des droits de la défense,
le tableau est hallucinant quant au RSA, ce qui été enfin confirmé dans le dernier article du Monde de 2021 sur le RSA).

A la suite du RSA, faute d'opposition sérieuse (ce qui est une faute de la gauche, qui n'a pas su tenir cette digue-là), toutes les allocations passent progressivement
sous contrôle renforcé et mécanismes de contreparties : ARE, ASS, allocations familiales, ...

Mais tout cela est logique : suite à sa faillite idéologique, la droite conservatrice joue la seule partition qu'il lui reste, à savoir l'utilitarisme et l'ordre bourgeois,
dans lequel les parents pauvres sont forcément la source de problèmes pour leurs enfants, forcément mal éduqués. C'est un classique très séculaire,
tout comme l'autre (faire travailler les inactifs), je l'avais déjà souligné dans l'article sur "bénévolat" et RSA.
D'où un contrôle social des pauvres, gadget totalitaire qui apparaît nécessaire, dans le prétendu intérêt de tous, là où pourtant le contrôle des riches
est inexistant ou presque (fraude fiscale, etc.).

La réaction d'ATD Quart-Monde est trop mièvre. Cette mesure est d'essence politique, pour plaire à l'électorat pauvrophobe, mais aussi camoufler l'échec économique flagrant
de la droite, qui a toujours prétendu savoir y faire en la matière pourtant, en truquant la réalité via une production massive de dette, et même la vente d'une partie
du stock d'or national sous Sarkozy. Où sont les jobs, les médicaments, les gants, les drones militaires, etc. ?
Ici, l'islamisme est instrumentalisé afin de faire passer cette très ancienne lubie de la droite.

Pourtant, les enfants des familles riches ne sont pas toujours mieux éduqués, voir par exemple :
https://www.lefigaro.fr/actualites/2008 ... caine-.php
https://www.lefigaro.fr/livres/affaire- ... e-20200103

Re: Toujours plus contrôler les pauvres

Publié : 15 avr. 2021
par Zorro22
Le droite ne cesse de fracturer la société française, en transformant à dessein en ghetto les prestations sociales.
La société française ne cesse de subir ces agressions à but de conditionnement.

Je cite un extrait de l'article de Wikipedia sur le conditionnement : https://fr.wikipedia.org/wiki/Conditionnement_classique
Watson avait tenté une expérience sur un jeune enfant, à une époque où les règles d'éthique n'étaient pas d'actualité en recherche en psychologie. C'est « l'expérience du Petit Albert ». Le psychologue avait d'abord présenté une petite souris blanche à l'enfant (SN). Jusqu'à ce moment, le garçon se réjouissait de la présence du petit animal. D'un autre côté, lorsque Watson frappait deux bâtons de métal ensemble (SI) afin de créer un son fort, celui-ci paniquait et se mettait à pleurer (RI).

Ainsi, lorsque le jeune garçon s'approchait pour jouer avec la souris blanche, Watson frappait les deux bâtons (SI) et l'enfant se mettait à pleurer (RI). En agissant de la sorte de façon fréquente et répétitive, Watson créait chez l'enfant une peur envers la (les) souris blanche(s). Après un certain temps, l'enfant craignait (RC) la souris blanche (SC) et pleurait (RC) lorsqu'elle s'approchait de lui.
Voilà. Je n'ai aucun doute, personnellement, que dans vingt, trente ou cinquante ans, tout cela (les Hartz IV, RSA et compagnie) sera considéré au titre des crimes contre l'humanité.
La bonne nouvelle, c'est que ces crimes sont imprescriptibles. Les medias auront des comptes à rendre, comme d 'autres.

Re: Toujours plus contrôler les pauvres

Publié : 15 avr. 2021
par rsarnaque
Si le gosse est harcelé , et qu'il manque l'école à cause de ça , ils ont prévus quelque chose ?
Apparemment il y aura des vérifications et contact avant la suppression des aides , mais bon ...

Re: Toujours plus contrôler les pauvres

Publié : 16 avr. 2021
par Statovore
Sauf que les gosses harcelés, comme les adultes, ont tendance à se taire.


En général, les harceleurs s'attaquent à celui qui parait le plus faible et se moquent du fait qu'il n'arrive pas à se défendre par lui-même. Si le gosse se plaint aux adultes, les harceleurs font semblant de n'avoir rien fait, les adultes ne punissent pas car il n'y pas de preuves ou de témoin et les harceleurs se moquent encore plus de la victime (rapporteurs, mauviette et autres insultes).
Et si la victime se rebelle contre le harceleur en lui envoyant un coup de poing bien mérité, c'est la victime qui est châtié par les enseignants renforçant les harceleurs.

Le problème du harcèlement à l'école est liée à la lâcheté des adultes qui refusent de voir le problème en face et de le combattre en surveillant et en punissant les coupables devant les autres.


Si les familles ont un rôle dans l'éducation de base des enfants vis à vis des "proches", l'école à quant à elle le rôle de les instruire, de former les futurs citoyens et de les éduquer à la vie en société à travers "l'éducation civique".
Hors le comportement délinquant est bien un comportement contre la société et cela devrait être le rôle de l'école de régler le problème.

Re: Toujours plus contrôler les pauvres

Publié : 17 avr. 2021
par rsarnaque
Hier soir sur lci , il me semble , une personne intervenant à eu la même pensée que moi concernant les harcelés qui manqueraient l'école ,
quelque soit la situation , ils ont vraiment intérêt à faire du cas par cas s'il venaient à faire ce qu'ils proposent , que des gosses victimes ne soient pas jeté comme s'ils étaient les dealers de quartier .

On voit quand même que leur idée de supprimer les aides ça ne fait que cacher la médiocrité et le laxisme de la justice , à moins qu'ils ne maintiennent la justice médiocre pour faire ces économies déguisées .

Re: Toujours plus contrôler les pauvres

Publié : 17 avr. 2021
par Zorro22
@rsarnaque :
il y aura des vérifications et contact avant la suppression des aides , mais bon ...
Cela a de bonne chance de suivre la même voie que le RSA, puisque c'est la CAF qui gère : parfois, sanction pour absence de réponse à un courrier soit disant envoyé
(mais jamais reçu), etc.
Le but réel, pour le politique, c'est le contrôle social, et le tabassage de pauvres. Contrôle, qui, d'ailleurs, permet aussi de contrôler le travail des directeurs d'école.

@Statovore : le harcèlement, c'est bien plus vaste. Un "fort" peut aussi en être victime, par jalousie, par exemple, mais ce sera de la part d'un groupe, plutôt que d'un individu.
Et généralement, le coup de poing envoyé par le harcelé, les personnels de l'établissement scolaire font semblant de ne pas voir.
C'est au moins une façon simple de se défendre (tout comme balancer les affaires des harceleurs en cachette, etc.), alors qu'en entreprise, c'est diablement plus compliqué.
Je ne connais d'ailleurs pas de réponse standard pour les cas de harcèlement en entreprise. Après deux ou trois harcèlements remontés à la direction, ces individus finissent
par être virés, mais parfois le management N+1 couvre le tout, afin de ne pas passer pour un incompétent.

Re: Toujours plus contrôler les pauvres

Publié : 17 avr. 2021
par Statovore
Zorro22 a écrit : le harcèlement, c'est bien plus vaste. Un "fort" peut aussi en être victime, par jalousie, par exemple, mais ce sera de la part d'un groupe, plutôt que d'un individu.
C'est beaucoup plus rare qu'un "fort" soit attaqué car individuellement, les autres ont peur de lui. Cela peut se retourner contre lui s'il abuse de cette force mais c'est loin d'être automatique.
Zorro22 a écrit : Et généralement, le coup de poing envoyé par le harcelé, les personnels de l'établissement scolaire font semblant de ne pas voir.
Lorsqu'ils comprennent que la personne qui à envoyé un coup de poing ou qui à "piqué une crise" est bien harcelée et lorsque les parents de la personne qui a reçu le coups de poing ne viennent pas faire pression sur les enseignants pour sanctionner celui qui l'a lancé.

Je doute que cela soit la majorité des cas.
Zorro22 a écrit : C'est au moins une façon simple de se défendre (tout comme balancer les affaires des harceleurs en cachette, etc.), alors qu'en entreprise, c'est diablement plus compliqué.
A condition d'être prêt à agir en dehors des règles pour se défendre. Et c'est bien l'un des problèmes. Si l'on veut se défendre dans les règles, c'est beaucoup plus compliqué et les harceleurs en profitent.
Zorro22 a écrit :Je ne connais d'ailleurs pas de réponse standard pour les cas de harcèlement en entreprise. Après deux ou trois harcèlements remontés à la direction, ces individus finissent par être virés, mais parfois le management N+1 couvre le tout, afin de ne pas passer pour un incompétent.
A mon avis, tu es optimiste en disant "parfois". La règle que j'ai observé est plutôt le "pas de vague" et "la hiérarchie doit se maintenir".

Le N+1 à de grande chance de ne rien dire pour une question d'image mais les N+2 et supérieurs ont tendance aussi à cacher ce genre de chose parce qu'ils ont choisi le N+1 incompétent mais aussi parce qu'il y a la question de "l'image de l'entreprise" qui fait qu'il vaut mieux nier les faits.
Accepter de sanctionner publiquement revient à dire que ces agissements existe ce qui est contraire à l'image "d'entreprise modèle" que l'on cherche souvent à présenter aux clients, investisseurs ...

Re: Toujours plus contrôler les pauvres

Publié : 18 avr. 2021
par Zorro22
@Statovore : on est d'accord pour dire que les entreprises ne font rien, en France, pour gérer le problème du harcèlement en entreprise.
Et les politiques non plus. Avant Chirac-Jospin, la charge de preuve (que pas de harcèlement) reposait sur l'entreprise. Après Chirac-Jospin, c'est au salarié de tout prouver,
autant dire que c'est généralement impossible, sauf avec l'aide éventuelle d'un délégué syndical.

Re: Toujours plus contrôler les pauvres

Publié : 11 mai 2021
par Zorro22
Le constat du MNCP et de Bastamag sur les contrôles & radiations chez Pôle Emploi :
https://www.bastamag.net/Hausse-des-con ... -mois-MNCP

Re: Toujours plus contrôler les pauvres

Publié : 11 mai 2021
par Pilou
Très intéressant pour qui veut savoir a quel point nos gouvernants sont mesquin en plus d'être incompétent