Si on a le droit de voter, on a le droit de se retrouver dans les parcs et jardins
Bonjour Yves,
Tu ne penses pas si bien dire. Pour rebondir sur les contradictions que tu pointais, dimanche après-midi, j'ai accompagné mon beau-fils au bureau de vote. En partant, nous sommes allés nous faire servir un café (à emporter, et versé à cet effet dans un gobelet plastique) dans un bistrot en centre-ville. Toutes les tables en extérieur n'ayant pas encore toutes été rentrées à l'intérieur par l'exploitant, nous prenons la liberté de nous installer sur l'une d'elles. Eh bien 10 minutes ne s'étaient pas écoulées qu'une voiture de police s'est arrêtée pour formuler des remontrances au commerçant, non pas parce qu'il était en infraction (les agents ont fini par comprendre que c'était une vente à emporter) mais parce que, n'étant censé pratiquer que la consommation sur place, sa version (comme la nôtre) ne semblait pas crédible aux forces de l'ordre, lesquelles finirent par repartir à condition que nous nous levions et que le commerçant ferme son rideau. Résumons-nous : OK pour les regroupements dans le cadre du scrutin, mais pas pour se poser un instant (tout en respectant les règles en vigueur, malgré l'ambiguité de la situation) … juste après être allé voter. Comprenne qui pourra.
En ce qui concerne le déroulement du premier tour, il me semble qu'il faut distinguer la décision elle-même de son processus d'adoption. Si la tenue du premier tour a évidemment été une erreur, l'honnêteté m'oblige à dire que si j'avais été en situation de décider, je n'aurais pas forcément agi très différemment de ce qui fut fait dans les jours précédant le scrutin. Ce qui me rendait relativement « indulgent » sur l'autre fil, c'était :
- la pression de l'opposition (pas forcément plus compétente que la majorité actuelle, il est vrai, on est d'accord) : Christian Jacob, président des Républicains, et aujourd'hui touché par le virus, parlait déjà de « coup d'Etat » en cas d'annulation du premier tour
- le caractère rapidement évolutif de l'épidémie : organiser une élection demande de la préparation, c'est une évidence : les préparatifs en question ont eu lieu plusieurs jours, voire plusieurs semaines à l'avance, et le comité scientifique qui préside aux décisions gouvernementales en la matière avait indiqué à ce moment-là que le scrutin pouvait se tenir à condition de respecter certaines précautions : gel à disposition, distance de rigueur, etc … Sans vouloir défendre l'exécutif, il semblerait que c'est dans la dernière ligne droite que le comité a laissé entendre qu'il s'était peut-être agi d'une erreur.
Ce qui est proprement pénible, c'est le caractère contradictoire des différentes mesures. Premier tour des élections municipales : bien ! Parcs et jardins : pas bien (Jupiter en colère) ! Maintien des frontières ouvertes : bien ! Contacts entre individus dans la population nationale : pas bien ! Plus récemment … prendre soin de ses voisins ou des séniors : bien ! Rendre visite aux amis ou à la famille : pas bien !
Cette contradiction (avec l'infantilisation qu'elle comporte) témoigne, en premier lieu, d'une forme d'incompétence : voir tes posts et ceux de Carl sur ce fil, ou le mien dans l'autre topic. Derniers exemples en date : la porte-parole du gouvernement qui nous exhorte à « ne pas porter de masque quand on n'est pas malade » (on se demande pourquoi les soignants au contact des malades en réclament, ou pourquoi les Asiatiques, qui disposent d'une certaine expérience en matière d'épidémie virale, en portent le plus naturellement du monde depuis des années).
Agnès Buzyn livre des confessions accablantes sur le coronavirus
Oui. D'après Le Monde de ce 17 mars, Agnès Buzyn savait tout mais n'a rien dit. Sauf qu'il faut lire dans les détails, et cela vaut le coup d'oeil : l'ex-ministre de la Santé voit en décembre un article américain évoquant les dangers du virus, dit en janvier qu'il n'y a rien à craindre, prévient en février le gouvernement que cela pourrait finalement être grave, « balance » dans Le Monde d'aujourd'hui 17 mars dans l'après-midi, puis revient sur ses propos dans la soirée du même 17 mars.
Les constats précédents procèdent, en second lieu, d'une idéologie. De celle qui prévaut en France depuis 45 ans, et dont on connaît les tenants comme les aboutissants. Exemple à nouveau (sur « l'idéologie » cette fois) : la verbalisation du « péquin moyen » qui aura oublié, « volontairement » ou pas, son attestation de déplacement, se fera-t-elle avec le même zèle répressif que dans les quartiers « perdus » et autres « de reconquête républicaine », si voyez à quelles zones je fais allusion ?
Certain-e-s, arrivant sur ce site pour une problématique liée à l'emploi et/ou aux tracasseries administratives inhérentes à la précarité, qui tomberaient sur nos forums, et découvriraient nos échanges, pourraient êtres surpris-e-s par leur teneur. Qu'ils/elles ne le soient pas : la mécanique à l'oeuvre dans la gestion de la crise sanitaire est la même que celle qui sévit dans la (pseudo) lutte contre le chômage. Incompétence crasse et idéologie impropre à résoudre les problèmes des vrais gens, dans la vraie vie et dans la vraie France, sont les deux mamelles de l'impuissance publique apparente, et de la décadence nationale que chacun peut observer sur plusieurs décennies. Pour faire le lien entre le fiasco des politiques de l'emploi et les boulettes à répétion dans le contexte épidémique actuel (qui ne sont d'ailleurs pas nouvelles : Tchernobyl, sang contaminé, vache folle … ), il faut se frotter aux concepts de libéralisme, remplacisme, relativisme culturel, indifférenciation généralisée. Plusieurs parmi nous n'apprendront rien à lecture de ces lignes. Pour les autres, ré-informez vous. Allez-y doucement, prenez le temps de digérer les informations, croisez les données, ne tenez pas pour argent comptant les scoops racoleurs sur le mode « Elvis est toujours vivant » ou « les Américains ne se sont pas posés sur la Lune », ne fréquentez pas immédiatement – à l'inverse – les théories difficiles d'accès des intellectuels dissidents de haut vol … mais réinformez-vous.
PS : il me vient une idée. Je constate, comme beaucoup de vous sans doute, l'immunité de façade d'un certain nombre de populations de l'hémisphère Sud. Le président américain aurait-il eu raison en affirmant que le virus disparaîtrait naturellement dans nos contrées avec l'élévation des températures ? Le sud de la Terre est actuellement en été, et nous, en hiver. Ceci pourrait être, dès lors, une explication au peu de cas recensés à l'heure actuelle dans les pays chauds. Mais lorsque la situation s'inversera avec l'arrivée du printemps dans les pays du Nord, lorsque les mesures prises aujourd'hui (et notamment la fermeture des frontières extérieures de l'espace Schengen) seront levées (car, il ne faut guère en douter, la ré-ouverture se fera), les « migrations » du Sud vers le Nord ne provoqueront-elles pas un effet boomerang en termes de désorganisation des services de santé ? Incompétence crasse, idéologie imposée, remplacement des personnes, substitution des idées : une équation à caractère quasi prédictif (et pas forcément rassurant). Réinformez-vous, et surtout prenez soin de vous !