actu chez delarue
bon je vous raconte moi aussi mes impressions dans les beaux appartements du sieur delarue
mais tout d'abord je remercie Agnes (monolecte) qui a suggéré un jour de créer des tee-shirts avec nos logos
c'est suite à son idée que Ben et moi avons confectionné un tee-shirt inter-emploi, en utilisant simplement un transfert.
c'est simple et ça coûte pas cher.
A +
Sylvie
www.inter-emploi.org
Une journée chez Delarue
A force de témoignages dans les médias sur le sort des recalculés Assedic, mon nom doit trainer dans quelques bases de données journalistiques.
C’est ainsi que régulièrement, les équipes successives de « ça se discute » me contactent et tentent de m’amener sur leur plateau, en général sur les thèmes liés à la précarité. Je décline toujours l’offre.
Cette fois-çi ce fût ma copine Sophie d’actuchomage qui me demanda de l’accompagner, puisqu’elle était sélectionnée en tant qu’invitée sur le sujet : « précarité : sommes-nous à l’abris ? »
Voir l’envers du décor, voilà qui s’annonçait une aventure amusante.
En tant qu’ « accompagnatrice », je serai dans le public. J’en ai profité pour me confectionner un tee-shirt avec le logo d’inter-emploi. Tant qu’à être vue par des inconnus derrière le petit écran, autant qu’ils fixent sur le symbole de mon labeur au cas où l’œil de la caméra se pencherait sur la petite chômeuse que je suis.
Rendez-vous à 11 heures au studio. Un taxi VIP vient nous chercher, stars d’un jour que nous sommes.
Après le café, on nous emmène dans une loge regarder le film qui précédera l’émission.
Première déception : le téléfilm choisi n’est autre que « Marine et Fabien » réalisé en 1999, un vieil épisode de la série « l’instit » et déjà diffusé sur la même chaîne à peine un an plutôt. Voilà qui ne va pas encourager les téléspectateurs, à croire que la précarité n’a qu’un seul visage figé !
Une séquence remarquable tout de même : un père au chômage et son fils vivent dans une caravane, non par goût de la route mais à défaut de maison, le fils est catalogué de « gitan » et de « voleur » pour reprendre le vieil appriori « les gitans sont tous des voleurs » !
A la mode d’aujourd’hui, les chômeurs sont ouvertement taxés de voleurs (il faut bien justifier de la politique de contrôle) …on n’use plus de la case nomade, après tout cela serait contradictoire avec l’incitation à rendre les chômeurs mobiles !
Au bout d’une demi-heure, nous avons déclaré forfait et préféré discuter avec d’autres invités d’infortune (un couple travaillant tous 2 en interim, et leurs enfants, vivant dans une chambre d’hôtel à défaut de logement décent).
Après le plateau repas, très convenable, nous avons glandé au bar pendant 2 heures, entre séquences maquillage et coiffage pour les invités.
Un grand écran diffuse les infos de LCI, dont un sous-titre de bon alois vu le thème du jour « le travail doit se mériter ». Ils doivent être contents nos copains de loge, qui bossent depuis toujours et se buttent au refus des propriétaires de leur louer un appartement.
Pendant ce temps, nous voyons défiler une ribambelle de jolies jeunes filles, toutes moulées dans de petites robes noires, et qui s’affèrent à diverses tâches, le staff de la sécurité et les techniciens et enfin la direction composée d’hommes en costume beige, improvisant ou pas une réunion autour d’une table après avoir lancé à la ronde un bonjour tonitruant.
Ironie du sort ou simple reflet de la vie, nous apprendrons plus tard que nombre des membres de l’équipe sont eux aussi en situation de précarité, puisque dans le meilleur des cas, ils ont décroché un CDD, tandis que beaucoup d’autres sont encore simples stagiaires.
Enfin on nous dirige vers le plateau et on nous désigne nos places. Dans le public, beaucoup de fidèles.
Les invités sont installés au premier rang. On nous annonce qu’à 19heures 15 la séance sera terminée.
Le maître de cérémonie Delarue arrive, salué par une tornade d’applaudissements.
Show must go on !
Chacun tentera d’exposer des bribes de sa vie, parfois avec brio et sans se laisser démener par les rappels à l’ordre du Sieur Delarue. Comme Sophie qui lorsque l’animateur voulu la décontenancer en lui lançant « vous gagniez 1700 euros alors que ce couple à eux deux touchent 2400 euros » répondit brillamment « et oui et aujourd’hui je n’ai pas de travail mais j’ai un logement tandis qu’eux ont un travail mais pas de logement », expliquant ainsi simplement ce que peut être la précarité.
Les témoignages vont défiler, intercalés par quelques vidéos de « mise en situation » sur le quotidien des invités.
A chacune des projections, Delarue sort de la scène. Il revient et enchaîne les questions, n’hésitant pas à couper la parole, valsant de l’un à l’autre sans laisser aucune place à l’improvisation. Car tout est organisé et le temps comptabilisé. Soit. Ce ne sont là que les règles du petit écran.
Le plus insupportable n’est pas là mais bien dans le choix des témoignages.
Qui sont donc les précaires d’aujourd’hui ?
Une femme, pas de bol, c’est ma voisine d’estrade, raconte sa souffrance, la fuite de sa fille, vivant la bohème « on the road again » et le pire nous confie t’elle « le pire, c’est de savoir qu’elle n’a pas de projet, pas d’activité ». Vlan voilà la sauce sarkozienne lâchée ! SDF et marginaux seuls responsables de leur sort, voulu et choisi.
Un autre invité, masqué, raconte ses déboires, il ne peut avouer à sa petite amie magistrate sa situation actuelle et vit tous les jours dans le mensonge. Participer à « ça se discute » est un premier pas vers la vérité.
Voudrait-on nous faire oublier le thème de ce soir « précarité : sommes-nous à l’abri ? » on aurait pas mieux choisi comme déroulement de programme.
Mais le pire vient toujours à la fin :
Emmanuel Schmitt, invité d’honneur, conclue la soirée en faisant une synthèse sur chacun.
A cette famille sans logement, il livrera son admiration eue égard à la joie de vivre des enfants.
Ceci partant clairement d’un bon sentiment, tout comme chaque mot personnel adressé aux différents témoins.
En aucun cas les bons sentiments pourraient nous faire oublier la réalité et il est certain que cette famille est repartie le soir même dormir à l’hôtel.
Rien ne fût dit ce jour là sur l’actualité pourtant à la une de la précarité : à force de mal-logement, des familles meurent brûlées vives ou asphyxiées et tous les jours les forces de l’ordre raflent dans les squattes.
La précarité est devenue la norme de ce marché : elle a tant de visages, mal-logés, chômeurs indemnisés, chômeurs non-indemnisés, RMIstes, travailleurs pauvres, SDF, intérimaires, intermittents du travail, sans papiers, etc.
A la discontinuité des revenus, aucune solution n’est envisagée si ce n’est d’amener tout un chacun vers l’activité, voulue ou forcée, mais sans garantie de stabilité.
A l’heure où les contrôles fusent de toutes parts, nous sommes plongés dans une insécurité totale.
Je suis rentrée chez moi, livide et malade. J’ai vomie la demie coupe de champagne.