Le contrôle des allocataires du RSA, la morale républicaine
Publié : 02 avr. 2017
Bonjour,
Lecteur irrégulier mais toujours passionné par ce forum, j'y prends la parole pour la première fois.
Et voici pourquoi : allocataire du RSA, je suis à mon tour l'objet des mesures de contrôles annoncées par le conseil général du haut-Rhin, ou je réside.
La lettre personnalisée et signée par M. Straumann, député-président du CG du Haut-Rhin, qui annonce ces mesures, le formulaire qui l'accompagne, la nature des pièces demandées, m'ont abasourdi. Et le prétexte invoqué m'a semblé particulièrement indécent, surtout dans cette période où la fraude aux plus hauts sommets de la société et de l'État s'étale au grand jour...
J'ai donc voulu faire parvenir à M. Straumann ainsi qu'à ses services les quelques réflexions (qui sont évidemment un peu agacées, et je crains que le ton de mon petit texte ne s'en ressente !) que m'inspirent sa démarche - à laquelle je vais par ailleurs me soumettre, comment faire autrement ? -, et aussi lui poser des questions précises sur les frais que celle-ci oblige les allocataires à engager pour satisfaire ses caprices.
J'ai eu envie de partager tout ça avec vous, et comme par ailleurs je n'ai pas de compte Facebook ou autre, si des gens veulent faire tourner ce texte je les y invite cordialement !
Amicalement à tous.
Armand Duplessis
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Bonjour,
Allocataire du RSA, j'ai récemment reçu de vos services une bien étrange lettre, accompagnée d'un formulaire non moins étrange, visant à contrôler les allocataires du RSA du Haut-Rhin.
J'ai à ce sujet quelques remarques à faire, et aussi des questions précises à poser.
------------------------
Mes remarques, tout d'abord.
Elles portent sur la morale républicaine, dont le signataire de cette lettre se prévaut tout en la piétinant.
Elles portent sur la probité.
Elles portent sur l'usage politique du mensonge et du mépris.
Elles portent enfin sur l'absence de dignité de ceux qui humilient les plus faibles qu'eux.
Donc cette lettre, et le formulaire qui l'accompagne...
Notons pour commencer que le signataire de la lettre (un dénommé Éric Straumann, député cumulard de son état) a récemment apporté son parrainage à un certain candidat à l'élection présidentielle, se portant ainsi garant de sa loyauté, de sa probité et de sa vertu.
Et voilà que la moralité de ce candidat, dont par ailleurs M. Straumann ne pouvait ignorer qu'il fut un député singulièrement velléitaire et particulièrement paresseux, apparaît au grand jour : menteur invétéré et de surcroît parjure, et désormais poursuivi pour détournement de fonds publics, complicité et recel (et son épouse pour, entre autres broutilles, complicité et recel d'escroquerie aggravée), j'en passe bien sûr car la liste serait longue, et peut-être demain pour faux et usage de faux, corruption active et passive, népotisme, trafic d'influence auprès d'une puissance étrangère, etc., délits dont on le soupçonne fortement et semble-t-il à bon droit.
Cet indélicat monsieur (je parle ici du garant de la vertu de ce candidat à la présidentielle) paraît donc très mal placé, compte tenu du caractère plus que douteux de ses engagements politiques, pour pérorer au sujet du bien commun et de l'honnêteté d'autrui.
Par ailleurs, et comme tout un chacun, je paye des impôts. Ils servent entre autres à rémunérer très confortablement le signataire de la lettre, dans ses trop nombreuses fonctions. Aurait-il l'obligeance de me communiquer ses relevés bancaires ? Son avis d'imposition ? Ses attestations d'assurance ? Car je voudrais vérifier qu'il n'a pas, à l'égal du candidat parjure qu'il parraine, des revenus et des propriétés possiblement illicites.
Notons ensuite, mais c'est très ordinaire, que le susdit signataire n'envisage pas un instant de lutter contre la fraude aux cotisations et aux diverses taxes et impôts sur les entreprises, laquelle selon le Sénat tout comme selon l'OCDE coûte infiniment plus cher à la nation (on parle de plusieurs dizaines de milliards d'euros par an, au minimum !) que les minuscules carambouillages de quelques assurés sociaux.
La lutte contre ces fraudes indécentes rapporterait certes énormément à la collectivité nationale, mais on ne mord pas la main de ceux qui vous jettent des miettes.... « Il n'y a plus d'argent », nous dit-on, sauf qu'à l'évidence ça dépend pour qui et que tous ne sont pas logés à la même enseigne : il est plus facile d'être dur avec les faibles.
Rien non plus sur le non-recours aux droits sociaux, cette honte d'une République qui se veut pourtant « sociale », c'est même inscrit en toutes lettres dans notre Constitution. Les mesures seraient pourtant simples à prendre, mais il est vrai qu'elles donneraient tout son sens au beau terme de « solidarité » (sans même parler de l'égalité et de la fraternité, ne rêvons pas...) et à la notion d'État de droit : on ne veut donc pas les prendre.
Mais passons maintenant aux prétextes misérables et parfaitement démagogiques qui sont, sans la moindre vergogne, invoqués dans la missive : à qui veut-on faire croire ces torrents de sottises ?
Parce que non, les allocataires du RSA ne sont pas en défaut de signaler régulièrement leurs éventuels changements de situation, ils sont même astreints à déclarer leur situation auprès de la CAF au début de chaque trimestre.
Le problème n'est pas là, vous le savez fort bien, alors pourquoi insinuer le contraire ?
Et parce que oui, ils sont régulièrement contrôlés, très efficacement et même parfois de manière tatillonne, par les CAF - lesquelles travaillent en collaboration étroite avec les autres services sociaux, les services fiscaux et les organismes bancaires et assurantiels : il y a ainsi eu plus de trente-cinq millions de contrôles l'an dernier !
Alors pourquoi prétendre qu'il y aurait nécessité et même urgence pour le conseil général du Haut-Rhin de contrôler lui-même les allocataires ?
En somme, vous paraissez être très nettement brouillé avec la simple notion de vérité - à l'image, évidemment, de ce candidat parjure dont vous vous portez garant et dont vous êtes étroitement solidaire.
Évoquons ensuite, mais très rapidement car le temps nous est compté, votre emploi systématique d'un jargon parfaitement abscons pour le commun des mortels (jargon récemment analysé par le Défenseur des droits, M. Jacques Toubon, comme étant une arme très efficace de la bureaucratie et des politiques contre les assurés sociaux), l'effroyable complexité des documents envoyés (d'ailleurs l'ex-Cerfa n'a pas validé votre formulaire, et pourtant n'est-ce pas obligatoire ?) ainsi que leur présentation massive et menaçante : tout ça est probablement volontaire et même probablement concerté.
Car certains allocataires du RSA sont illettrés, d'autres ne sont pas alphabétisés en français, et bien sûr la plupart n'ont pas fait d'études prolongées et se trouvent de ce fait fort démunis (cf. le Défenseur des droits, toujours lui) dans leurs rapports avec les administrations et les institutions.
Et comme vous avez pris soin de n'indiquer aucune adresse, aucun lieu, aucun contact, rien pour se faire aider, je ne doute pas que votre démarche porte ses fruits, et que vous soyez rapidement en situation de radier un grand nombre d'allocataires qui tout simplement n'auront pas compris ce qu'on leur demande ou qui se seront affolés. Radiations d'autant plus efficaces que les personnes radiées n'auront ni l'argent, ni probablement le capital social et culturel (comme on dit), ni évidemment l'énergie pour faire un recours auprès du tribunal compétent.
À ces éléments langagiers se rajoute l'ambiguïté manifestement intentionnelle concernant les dates indiquées pour les relevés bancaires qu'il faut fournir.
D'« octobre 2016 à mars 2017 », écrivez-vous, ce qui peut aussi bien se comprendre comme étant « de début octobre à début mars » que comme « de début octobre à fin mars », et ce d'autant plus que votre courrier est daté du courant mars : j'espère que dans le doute presque tous opteront pour la seconde solution - quant aux autres et s'ils ont été trompés par votre formulation : tant pis pour eux, adieu le RSA !
On relèvera également l'exigence de fournir des attestations d'assurance « habitation, auto [sic], moto », je vous cite, sans qu'on puisse cocher aucune case pour pouvoir indiquer qu'éventuellement on n'a pas d'auto, qu'on n'a pas non plus de moto, ni même (comme ça arrive malheureusement parfois) aucun endroit pour faire dodo.
Aucune case non plus, c'est l'évidence, et pas de place sur le formulaire, pour porter des indications particulières (typiquement, les gens qui pour une raison quelconque, n'ont pas ou plus accès aux pièces demandées) : on doit probablement le faire sur une feuille volante qui peut-être s'égarera.
Je n'y vois pas de l'incompétence, mais la simple volonté de nuire : si des allocataires n'envoient pas ces attestations et autres pièces que peut-être ils n'ont pas, ils vont craindre d'être soupçonnés de fraude puis d'être radiés, et peut-être même le seront-ils.
Parce que finalement, de quoi s'agit-il ? De rien de ce que vous prétextez dans votre lettre, comme on l'a vu plus haut.
Pour ma part, je pense que trois objectifs vous motivent, outre bien entendu trouver à toute force et jusqu'à l'injustice des allocataires à radier :
- le clientélisme tout d'abord, puisque pour traiter une telle masse de données il vous a forcément fallu embaucher et engager de puissants moyens informatiques, aux frais de la collectivité comme il se doit ;
- ensuite le désir d'accroître la complexité administrative et la bureaucratie, qui sont sources de pouvoir et de puissance pour les gens comme vous ;
- enfin et surtout, la volonté féroce de dresser de nouveaux obstacles sur la route, déjà si difficile à parcourir car hérissée d'embûches, qui mène à l'accès aux droits.
Enfin, et pour en terminer avec ces trop brèves remarques, j'ai été absolument stupéfait par les abondantes fautes d'orthographe, de grammaire et de syntaxe qui émaillent votre courrier. Non seulement vous faites honte à la langue française, non seulement vous méprisez et insultez ceux et celles auxquels cette lettre s'adresse (mais n'est-ce pas son but ?), mais surtout vous en arrivez, à force de déshonorer le langage, à des phrases rigoureusement incompréhensibles, témoin le sublime « sans réponse de votre part ou de l'envoi [sic] d'un dossier incomplet [re-sic] dans le délai indiqué, votre droit au rSa [re-re-sic] sera automatiquement suspendu. »
Mais j'aime aussi cette maxime imbécile : « Cette conjoncture devient critique » et cette autre qui ne veut absolument rien dire : « Dans un contexte économique particulièrement contraint. » Il y en a qui devraient repasser leur BEPC...
---------------
Mais il est fort probable que ces remarques ne vous ont pas intéressées (la République, l'égalité, la fraternité, la morale civique, le vivre ensemble et la citoyenneté, le respect d'autrui, la dignité, bref ces valeurs essentielles qui vous sont pourtant totalement étrangères), alors j'en viens à des questions et des remarques précises.
- Les frais de photocopie induits par cette démarche obligatoire me seront-ils remboursés ? À ceux qui n'ont que quelques euros par jour pour survivre : se nourrir, acheter du savon et même parfois acquérir de nouveaux vêtements à Emmaüs ou dans les vide-greniers - malheureusement, personne ne songe à leur offrir des costumes à 6 500 euros pièce ! -, il ne reste donc rien pour faire des photocopies.
- Puis-je vous envoyer les documents exigés en port dû ? Car le conseil général a eu l'incroyable mesquinerie de ne pas fournir d'enveloppe T aux allocataires visés par ses soupçons. Cette humiliation supplémentaire nous oblige donc à payer (photocopies et envoi postal) pour ne pas voir supprimées les allocations auxquelles nous avons droit - ce qui ne se peut pas.
Et enfin :
- Sauf erreur de ma part, ce type de courrier comporte normalement la mention des recours possibles, avec les coordonnées complètes des organismes chargés d'instruire ces recours. Et ceci sous peine de nullité, c'est bien ça ? Mais vous et la loi, on l'avait déjà compris, ça fait deux : il vous suffit d'être menaçant, sans doute que ça vous amuse de faire peur aux plus faibles.
- Aucune mention n'est faite portant sur l'indispensable confidentialité des informations collectées : seront-elles dispersées à tout vent, ou traitées seulement par des personnes soumises au plus strict secret professionnel ? On n'en saura jamais rien, et c'est une humiliation de plus. Mais le respect de la dignité des personnes, de l'intimité et de la vie privée, tout comme celui des libertés individuelles, on avait déjà compris que ce n'est pas vraiment votre problème.
---------------
PS. M. Straumann, je vous sens un peu crispé après la lecture de ce petit courrier... Alors pour vous détendre un peu, je vous propose un jeu.
C'est une sorte de quizz : quelques fautes d'orthographe et de syntaxe ont été volontairement glissées dans mon texte. Saurez-vous les retrouver ?
PPS. Je sais que M. Fillon est juridiquement présumé innocent. Donc merci de ne pas me faire cette réponse stupide, mais plutôt de bien vouloir m'apporter vos lumières concernant les frais induits par votre contrôle, aux dépens des plus pauvres.
------------------
J'envoie ce mail à M. le député, mais aussi à ses services administratifs.
À l'attention de ces derniers : si vous aviez un sursaut de civisme et que vous refusiez de vous prêter à cette mascarade, indigne tout autant que dangereuse, peut-être que la citoyenneté et la démocratie se porteraient un peu mieux dans ce pays.
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Je l'envoie également à la presse : le journal L'Alsace, Rue89-Strasbourg et peut-être d'autres, qui en feront ce qu'ils voudront. Les réseaux sociaux, très certainement, s'en feront également le relais.
Armand Duplessis, allocataire du RSA
Lecteur irrégulier mais toujours passionné par ce forum, j'y prends la parole pour la première fois.
Et voici pourquoi : allocataire du RSA, je suis à mon tour l'objet des mesures de contrôles annoncées par le conseil général du haut-Rhin, ou je réside.
La lettre personnalisée et signée par M. Straumann, député-président du CG du Haut-Rhin, qui annonce ces mesures, le formulaire qui l'accompagne, la nature des pièces demandées, m'ont abasourdi. Et le prétexte invoqué m'a semblé particulièrement indécent, surtout dans cette période où la fraude aux plus hauts sommets de la société et de l'État s'étale au grand jour...
J'ai donc voulu faire parvenir à M. Straumann ainsi qu'à ses services les quelques réflexions (qui sont évidemment un peu agacées, et je crains que le ton de mon petit texte ne s'en ressente !) que m'inspirent sa démarche - à laquelle je vais par ailleurs me soumettre, comment faire autrement ? -, et aussi lui poser des questions précises sur les frais que celle-ci oblige les allocataires à engager pour satisfaire ses caprices.
J'ai eu envie de partager tout ça avec vous, et comme par ailleurs je n'ai pas de compte Facebook ou autre, si des gens veulent faire tourner ce texte je les y invite cordialement !
Amicalement à tous.
Armand Duplessis
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Bonjour,
Allocataire du RSA, j'ai récemment reçu de vos services une bien étrange lettre, accompagnée d'un formulaire non moins étrange, visant à contrôler les allocataires du RSA du Haut-Rhin.
J'ai à ce sujet quelques remarques à faire, et aussi des questions précises à poser.
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Mes remarques, tout d'abord.
Elles portent sur la morale républicaine, dont le signataire de cette lettre se prévaut tout en la piétinant.
Elles portent sur la probité.
Elles portent sur l'usage politique du mensonge et du mépris.
Elles portent enfin sur l'absence de dignité de ceux qui humilient les plus faibles qu'eux.
Donc cette lettre, et le formulaire qui l'accompagne...
Notons pour commencer que le signataire de la lettre (un dénommé Éric Straumann, député cumulard de son état) a récemment apporté son parrainage à un certain candidat à l'élection présidentielle, se portant ainsi garant de sa loyauté, de sa probité et de sa vertu.
Et voilà que la moralité de ce candidat, dont par ailleurs M. Straumann ne pouvait ignorer qu'il fut un député singulièrement velléitaire et particulièrement paresseux, apparaît au grand jour : menteur invétéré et de surcroît parjure, et désormais poursuivi pour détournement de fonds publics, complicité et recel (et son épouse pour, entre autres broutilles, complicité et recel d'escroquerie aggravée), j'en passe bien sûr car la liste serait longue, et peut-être demain pour faux et usage de faux, corruption active et passive, népotisme, trafic d'influence auprès d'une puissance étrangère, etc., délits dont on le soupçonne fortement et semble-t-il à bon droit.
Cet indélicat monsieur (je parle ici du garant de la vertu de ce candidat à la présidentielle) paraît donc très mal placé, compte tenu du caractère plus que douteux de ses engagements politiques, pour pérorer au sujet du bien commun et de l'honnêteté d'autrui.
Par ailleurs, et comme tout un chacun, je paye des impôts. Ils servent entre autres à rémunérer très confortablement le signataire de la lettre, dans ses trop nombreuses fonctions. Aurait-il l'obligeance de me communiquer ses relevés bancaires ? Son avis d'imposition ? Ses attestations d'assurance ? Car je voudrais vérifier qu'il n'a pas, à l'égal du candidat parjure qu'il parraine, des revenus et des propriétés possiblement illicites.
Notons ensuite, mais c'est très ordinaire, que le susdit signataire n'envisage pas un instant de lutter contre la fraude aux cotisations et aux diverses taxes et impôts sur les entreprises, laquelle selon le Sénat tout comme selon l'OCDE coûte infiniment plus cher à la nation (on parle de plusieurs dizaines de milliards d'euros par an, au minimum !) que les minuscules carambouillages de quelques assurés sociaux.
La lutte contre ces fraudes indécentes rapporterait certes énormément à la collectivité nationale, mais on ne mord pas la main de ceux qui vous jettent des miettes.... « Il n'y a plus d'argent », nous dit-on, sauf qu'à l'évidence ça dépend pour qui et que tous ne sont pas logés à la même enseigne : il est plus facile d'être dur avec les faibles.
Rien non plus sur le non-recours aux droits sociaux, cette honte d'une République qui se veut pourtant « sociale », c'est même inscrit en toutes lettres dans notre Constitution. Les mesures seraient pourtant simples à prendre, mais il est vrai qu'elles donneraient tout son sens au beau terme de « solidarité » (sans même parler de l'égalité et de la fraternité, ne rêvons pas...) et à la notion d'État de droit : on ne veut donc pas les prendre.
Mais passons maintenant aux prétextes misérables et parfaitement démagogiques qui sont, sans la moindre vergogne, invoqués dans la missive : à qui veut-on faire croire ces torrents de sottises ?
Parce que non, les allocataires du RSA ne sont pas en défaut de signaler régulièrement leurs éventuels changements de situation, ils sont même astreints à déclarer leur situation auprès de la CAF au début de chaque trimestre.
Le problème n'est pas là, vous le savez fort bien, alors pourquoi insinuer le contraire ?
Et parce que oui, ils sont régulièrement contrôlés, très efficacement et même parfois de manière tatillonne, par les CAF - lesquelles travaillent en collaboration étroite avec les autres services sociaux, les services fiscaux et les organismes bancaires et assurantiels : il y a ainsi eu plus de trente-cinq millions de contrôles l'an dernier !
Alors pourquoi prétendre qu'il y aurait nécessité et même urgence pour le conseil général du Haut-Rhin de contrôler lui-même les allocataires ?
En somme, vous paraissez être très nettement brouillé avec la simple notion de vérité - à l'image, évidemment, de ce candidat parjure dont vous vous portez garant et dont vous êtes étroitement solidaire.
Évoquons ensuite, mais très rapidement car le temps nous est compté, votre emploi systématique d'un jargon parfaitement abscons pour le commun des mortels (jargon récemment analysé par le Défenseur des droits, M. Jacques Toubon, comme étant une arme très efficace de la bureaucratie et des politiques contre les assurés sociaux), l'effroyable complexité des documents envoyés (d'ailleurs l'ex-Cerfa n'a pas validé votre formulaire, et pourtant n'est-ce pas obligatoire ?) ainsi que leur présentation massive et menaçante : tout ça est probablement volontaire et même probablement concerté.
Car certains allocataires du RSA sont illettrés, d'autres ne sont pas alphabétisés en français, et bien sûr la plupart n'ont pas fait d'études prolongées et se trouvent de ce fait fort démunis (cf. le Défenseur des droits, toujours lui) dans leurs rapports avec les administrations et les institutions.
Et comme vous avez pris soin de n'indiquer aucune adresse, aucun lieu, aucun contact, rien pour se faire aider, je ne doute pas que votre démarche porte ses fruits, et que vous soyez rapidement en situation de radier un grand nombre d'allocataires qui tout simplement n'auront pas compris ce qu'on leur demande ou qui se seront affolés. Radiations d'autant plus efficaces que les personnes radiées n'auront ni l'argent, ni probablement le capital social et culturel (comme on dit), ni évidemment l'énergie pour faire un recours auprès du tribunal compétent.
À ces éléments langagiers se rajoute l'ambiguïté manifestement intentionnelle concernant les dates indiquées pour les relevés bancaires qu'il faut fournir.
D'« octobre 2016 à mars 2017 », écrivez-vous, ce qui peut aussi bien se comprendre comme étant « de début octobre à début mars » que comme « de début octobre à fin mars », et ce d'autant plus que votre courrier est daté du courant mars : j'espère que dans le doute presque tous opteront pour la seconde solution - quant aux autres et s'ils ont été trompés par votre formulation : tant pis pour eux, adieu le RSA !
On relèvera également l'exigence de fournir des attestations d'assurance « habitation, auto [sic], moto », je vous cite, sans qu'on puisse cocher aucune case pour pouvoir indiquer qu'éventuellement on n'a pas d'auto, qu'on n'a pas non plus de moto, ni même (comme ça arrive malheureusement parfois) aucun endroit pour faire dodo.
Aucune case non plus, c'est l'évidence, et pas de place sur le formulaire, pour porter des indications particulières (typiquement, les gens qui pour une raison quelconque, n'ont pas ou plus accès aux pièces demandées) : on doit probablement le faire sur une feuille volante qui peut-être s'égarera.
Je n'y vois pas de l'incompétence, mais la simple volonté de nuire : si des allocataires n'envoient pas ces attestations et autres pièces que peut-être ils n'ont pas, ils vont craindre d'être soupçonnés de fraude puis d'être radiés, et peut-être même le seront-ils.
Parce que finalement, de quoi s'agit-il ? De rien de ce que vous prétextez dans votre lettre, comme on l'a vu plus haut.
Pour ma part, je pense que trois objectifs vous motivent, outre bien entendu trouver à toute force et jusqu'à l'injustice des allocataires à radier :
- le clientélisme tout d'abord, puisque pour traiter une telle masse de données il vous a forcément fallu embaucher et engager de puissants moyens informatiques, aux frais de la collectivité comme il se doit ;
- ensuite le désir d'accroître la complexité administrative et la bureaucratie, qui sont sources de pouvoir et de puissance pour les gens comme vous ;
- enfin et surtout, la volonté féroce de dresser de nouveaux obstacles sur la route, déjà si difficile à parcourir car hérissée d'embûches, qui mène à l'accès aux droits.
Enfin, et pour en terminer avec ces trop brèves remarques, j'ai été absolument stupéfait par les abondantes fautes d'orthographe, de grammaire et de syntaxe qui émaillent votre courrier. Non seulement vous faites honte à la langue française, non seulement vous méprisez et insultez ceux et celles auxquels cette lettre s'adresse (mais n'est-ce pas son but ?), mais surtout vous en arrivez, à force de déshonorer le langage, à des phrases rigoureusement incompréhensibles, témoin le sublime « sans réponse de votre part ou de l'envoi [sic] d'un dossier incomplet [re-sic] dans le délai indiqué, votre droit au rSa [re-re-sic] sera automatiquement suspendu. »
Mais j'aime aussi cette maxime imbécile : « Cette conjoncture devient critique » et cette autre qui ne veut absolument rien dire : « Dans un contexte économique particulièrement contraint. » Il y en a qui devraient repasser leur BEPC...
---------------
Mais il est fort probable que ces remarques ne vous ont pas intéressées (la République, l'égalité, la fraternité, la morale civique, le vivre ensemble et la citoyenneté, le respect d'autrui, la dignité, bref ces valeurs essentielles qui vous sont pourtant totalement étrangères), alors j'en viens à des questions et des remarques précises.
- Les frais de photocopie induits par cette démarche obligatoire me seront-ils remboursés ? À ceux qui n'ont que quelques euros par jour pour survivre : se nourrir, acheter du savon et même parfois acquérir de nouveaux vêtements à Emmaüs ou dans les vide-greniers - malheureusement, personne ne songe à leur offrir des costumes à 6 500 euros pièce ! -, il ne reste donc rien pour faire des photocopies.
- Puis-je vous envoyer les documents exigés en port dû ? Car le conseil général a eu l'incroyable mesquinerie de ne pas fournir d'enveloppe T aux allocataires visés par ses soupçons. Cette humiliation supplémentaire nous oblige donc à payer (photocopies et envoi postal) pour ne pas voir supprimées les allocations auxquelles nous avons droit - ce qui ne se peut pas.
Et enfin :
- Sauf erreur de ma part, ce type de courrier comporte normalement la mention des recours possibles, avec les coordonnées complètes des organismes chargés d'instruire ces recours. Et ceci sous peine de nullité, c'est bien ça ? Mais vous et la loi, on l'avait déjà compris, ça fait deux : il vous suffit d'être menaçant, sans doute que ça vous amuse de faire peur aux plus faibles.
- Aucune mention n'est faite portant sur l'indispensable confidentialité des informations collectées : seront-elles dispersées à tout vent, ou traitées seulement par des personnes soumises au plus strict secret professionnel ? On n'en saura jamais rien, et c'est une humiliation de plus. Mais le respect de la dignité des personnes, de l'intimité et de la vie privée, tout comme celui des libertés individuelles, on avait déjà compris que ce n'est pas vraiment votre problème.
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PS. M. Straumann, je vous sens un peu crispé après la lecture de ce petit courrier... Alors pour vous détendre un peu, je vous propose un jeu.
C'est une sorte de quizz : quelques fautes d'orthographe et de syntaxe ont été volontairement glissées dans mon texte. Saurez-vous les retrouver ?
PPS. Je sais que M. Fillon est juridiquement présumé innocent. Donc merci de ne pas me faire cette réponse stupide, mais plutôt de bien vouloir m'apporter vos lumières concernant les frais induits par votre contrôle, aux dépens des plus pauvres.
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J'envoie ce mail à M. le député, mais aussi à ses services administratifs.
À l'attention de ces derniers : si vous aviez un sursaut de civisme et que vous refusiez de vous prêter à cette mascarade, indigne tout autant que dangereuse, peut-être que la citoyenneté et la démocratie se porteraient un peu mieux dans ce pays.
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Je l'envoie également à la presse : le journal L'Alsace, Rue89-Strasbourg et peut-être d'autres, qui en feront ce qu'ils voudront. Les réseaux sociaux, très certainement, s'en feront également le relais.
Armand Duplessis, allocataire du RSA