Extrait :
article complet et sourceous la perspective présente, les plans d’ajustement budgétaire dramatiques décidés simultanément dans bon nombre de pays européens, perdent leur caractère de rectification gestionnaire (« une politique responsable dans une situation difficile » dixit l’inénarrable Christine Lagarde) pour prendre celui d’une gigantomachie politique. Car le déficit ne sera réduit que par annulation des défiscalisations ou par une régression inouïe de l’État social – et voilà l’os de la « situation difficile » : les possédants (inclus le capital) vs. le reste du corps social. Pour arranger le tout, cette gigantomachie prend place sous la pression et le regard des marchés financiers – dont on sait à qui va la préférence. On connaît donc déjà la fin de l’histoire et le sens de l’arbitrage que rendront les « finances publiques », cette impersonnalisation de gouvernements devenus depuis trois décennies les ingénieurs de la restauration à l’usage des possédants.
Mais la fin de cette histoire pourrait être le début d’une autre. Les Grecs qui descendent dans la rue constituent la première vague d’un affrontement profondément international, en tout cas au moins européen, contre la déflation sociale. Car pour toute l’immondice dont s’est couvert le commentaire journalistique sur la Grèce, ou plutôt sur les Grecs (corrompus, feignants, tricheurs, et tous évadés fiscaux), l’impasse budgétaire grecque trouve, là encore, son origine dans les défiscalisations des possédants (les salariés sont tous déclarés et plus encore prélevés à la source, quant au travail au noir il n’est pas l’expression d’autre chose que de la difficulté de vivre dans un pays où le taux de pauvreté est le plus élevé de la zone euro [9]). Et les explications de l’essentialisme raciste où tombent bien ensemble les éditocrates connaîtront un moment de difficulté quand les mêmes causes produiront les mêmes effets et que dans la rue irlandaise, française et, pourquoi pas, britannique, des hommes et des femmes bien blancs, vertueux, responsables et travailleurs commenceront à soulever le goudron.