Bonjour,

Fini par la trouver .... gratos ...
Parue dans la revue « Informations Sociales » éditée par la CNAF (Caisse Nationale d’Allocation Familiales, une étude de Daniel BUCHET (Responsable du Bureau « Minima sociaux, maîtrise des risque, contentieux) fait le point sur la fraude et les contrôles au sein des Caisses d’Allocations Familiales.
Surprise agréable avec une analyse fort pertinente qui nous rappelle en préambule le fondement des politiques sociales
« [Ces politiques sont] instituées au profit des usagers pour accompagner des choix de vie ou plus simplement la natalité …. / …, ou pour garantir aux personnes les plus démunies un minimum de ressources. » . « Rien que les droits, Tous les droits » est la devise de la CNAF.
L’analyse des chiffres :
Selon les années, il est réalisé entre 3 et 4 millions d’indus représentant de 1,3 à 1,7 milliards d’euros.
Ce chiffre paraissant important est à modérer sérieusement quand on le compare au nombre des rappels. (Les rappels concernent les usagers qui n’ont pas reçu ce qu’ils devaient recevoir).
Le nombre de rappels est trois fois supérieur au nombre d’indus et représentent +/- 3 % des prestations versées.
Comparant avec la branche maladie (0,7 % de régularisations), l’auteur écarte la volonté « fraudogène » des usagers (le taux serait élevé dans toutes les branches de l’assurance sociale).
L’analyse des causes.
-« En réalité, ce sont les prestations sociales elles-mêmes qui génèrent le risque. Ces prestations en particulier, les aides au logement, sont en effet, et ceci est d’autant plus vrai pour les prestations liées à la précarité (RMI, API –Allocation de parents isolés), très tributaires de la situation familiale, financière et professionnelle des bénéficiaires. Elles sont, à la fois dans leurs conditions d’attribution et dans leurs montant, liés à de très nombreux éléments de la situation de l’usager très variables dans le temps, et donc très instables.
Les conséquences sont là et sans appel :
[Les indus en pourcentage de la masse financière des prestations versées en 2004 :
RMI 5.38 %, ALCS (Allocation Logement à Caractère Social) 4.39 %, APL 3.46 %, API 3.46 %.
En matière de prestations familiales, le taux est de 1.87 %]
Rappelons ici que ce sont les mêmes personnes qui perçoivent l’une, l’autre ou plusieurs de ces allocations. Le constat est donc que ce sont bien les modalités d’application des prestations qui sont à l’origine des régularisations.
«- Il est bien difficile pour l’usager de savoir quand et quoi déclarer. C’est ce qui explique que dans trois quarts des cas, l’indu est liè à une non déclaration, à une déclaration tardive ou à une déclaration erronée, sans qu’il y ait intention frauduleuse avérée. »
Comble de l’ironie, ce qui nous est communément présenté (et que nous acceptons communément) comme un moyen de coincer d’éventuels fraudeurs représente en réalité la cause même de l’indu.
« -De plus, bon nombre d’opérations de contrôle par échanges de données, notamment avec les ASSEDIC, parce que désormais elles se déroulent mensuellement, permettent de connaître les changements de situation rapidement, avant même que l’usager n’ai pu les déclarer. »
Bon à savoir également, les contrôles ne débouchent pas forcément sur des constat de fraude ou de non fraude. En effet les indus représentent 55 % des redressements et les 45 % restant sont des rappels. Ce chiffre de 45 % est en progression de 10 points par rapport à 2002.
Ainsi donc, une grande partie des contrôles débouchent sur l’attribution de droits non encore perçus par l’usager.
Différence faite : sur le chiffre global de 1,7 milliard d’euros en masse monétaire lié aux redressements les indus proprement dit représentent seulement 87 millions d’euros.
« -Bref, on peut se convaincre sans difficulté que le contrôle est intrinsèque à toute activité, en particulier au service des prestations sociales. Le volume de l’activité de contrôle est naturellement très lié à la complexité et à la réactivité des prestations. Ainsi des minima sociaux ou des aides au logement qui présentent plus de risques que d’autres allocations. Mais il est impropre de dire que l’institution contrôle les pauvres, affirmation à connotation péjorative et discriminatoire. »
Fort de ce constat, c’est bien une politique préventive qui est mise en place aujourd’hui. Certes elle passe par le recoupement de fichiers et l’intervention d’agents au domicile mais avec (en théorie) une éthique qui ne saurait être blâmée. En tout état de cause cette éthique est clairement exprimée ici par un responsable de haut niveau, peut-être doit elle être rappelée à certains agents de terrain qui se prennent pour Starsky ou Hutch.
Daniel BUCHET est-il un doux utopiste à croire que la fraude volontaire n’existe pas ? Citons le une fois encore :
-« On ne peut nier ni minimiser l’existence de fraudes, au risque de discréditer des pans entiers de politiques sociale. Cependant, il s’agit d’un phénomène relativement réduit et distinct des déclarations erronées ou tardives des usagers, qu’il s’agit d’appréhender à sa juste valeur et de traiter spécifiquement.
La fraude telle qu’elle est recensée ne représente guère que 3000 cas environ par an, et encore convient il de préciser que ces cas sont loin d’être tous comparables, allant de simples fausses déclarations répétées, pour des raisons financières que l’on peut comprendre sinon excuser, jusqu’à de véritables escroqueries, à la fabrication et à l’usage de faux documents et enfin à la fraude organisée dite « en réseau » (de multiples faux dossiers constitués auprès de divers organismes).
… / …
Mais la fraude qui reste l’exception, ne peut justifier une remise en cause au détriment du plus grand nombre du développement d’une administration plus simple et plus humaine. »
Ainsi donc malgré nos inquiétudes, le titre de ce document, « Du contrôle des pauvres à la maîtrise des risques » décrit bien une situation ancienne et une volonté évolutive de la CNAF depuis 1995 et non pas une volonté de mise en œuvre actuelle.
L’ensemble est résumé dans un encart d’entête encore plus explicite.
-« Chiffres à l’appui, le soupçon de fraude ou d’abus porté par une partie de l’opinion publique, qui tend à peser sur les bénéficiaires de prestations sociales se révèle largement non fondé. Le nombre de rappels de prestations est même trois fois supérieur aux cas de trop perçus. La complexité des prestations et leur instabilité liée aux situations changeantes sont à la source de ces phénomènes. Une autre conception du contrôle s’est mise en place depuis plusieurs années, orientée vers la maîtrise du risque et vers une démarche de prévention. »
Ainsi donc, si vous rencontrez un « con, trop leurre » qui vous la joue « Racaille ! », et saccage votre salle de bain au motif non avoué que sa bobonne elle a pas voulu depuis trois mois et qu’il est en mal de petites culottes, n’hésitez pas à le ramener vers la réalité, ses supérieurs sont avec vous conformément à la mission qui leur est confiée.
