L'Emploi et le Chômage en Débats

Donc tu m'as compris... Aujourd'hui, je fais partie des privilegies qui considerent avoir assez d'argent. Non pas parce que j'en ai beaucoup, mais parce que, aide par tout mon temps libre, j'ai sans trop de difficultes la vie que je souhaite avoir. Et que je suis conscient que le temps est LE vrai luxe...

Je peux bricoler une bagnole le matin, ou l'apres-midi, ou aller faire une balade, ou retaper ma baraque, ou ne rien faire du tout si je n'ai envie de rien faire... Et me lever a neuf heures trente...

Donc, pour moi la perspective d'avoir plus d'argent n'a rien d'attrayant face a la perspective d'avoir la meme vie demain... Je crois que je n'ai jamais ete aussi heureux...

Trinita a écrit :je m'étais dit que ce qui me manquait n'était pas tant une somme supplémentaire sur ce revenu que l'assurance d'avoir encore ce dernier dans un mois, six mois...

En effet, l'anxiété liée à l'incertitude du lendemain bouffe la vie : c'est ça, la définition de la précarité.

Mais à force, on apprend non seulement à vivre au jour le jour — alors qu'avant, pour montrer qu'on était bien "inséré dans la société", il fallait absolument avoir des projets — mais on se blinde. Perso, quand un coup dur me tombe dessus, j'angoisse pendant deux ou trois jours maxi et après, c'est fini. Je me dis : on verra bien, ce n'est qu'une histoire de fric et la vie continue (alors qu'avant, quand je travaillais et que mes 1.700 € tombaient tous les mois, je moulinais beaucoup plus longtemps en cas de pépin… éventuel ou avéré). J'ai aussi appris à ne plus psychoter à l'avance : tant que le truc ne m'est pas tombé dessus, je ne me mets pas la rate au cours-bouillon et j'évite automatiquement d'y penser.

Pour arriver à cette forme d'ataraxie qui me permet de préserver mes nerfs et mon énergie, la philosophie des Stoïciens m'a beaucoup aidée. Pour vous y initier, je vous conseille de lire "Un homme, un vrai" de Tom Wolfe.

superuser a écrit : En effet, l'anxiété liée à l'incertitude du lendemain bouffe la vie : c'est ça, la définition de la précarité.

Moi, je prenais le mot "précaire" simplement dans le sens "fragile", qui peut ne pas durer...
Par exemple , il y a quelque temps je me suis dit : Ma situation professionnelle n'est pas précaire : Je suis au chômage.

Je note la référence littéraire, merci. Tom Wolfe ? C'est celui qui a écrit Le Bûcher des Vanités ?* J'ai bien aimé.

*J'ai vérifié que la réponse était positive avant de faire semblant de poser la question. Il se trouve que "j'ai cherché son nom - pas longtemps - il y a quelques jours.

Et me lever a neuf heures trente...

Drôle d'idée de se lever à l'aube

Oui, ca date du temps ou je travaillais... Je n'ai jamais pu me defaire de cette sale habitude... Au fait, tu comprends pourquoi je suis au chomage ?

superuser a écrit :

Quand je vous lis dans le détail, je trouve que ma comparaison est, au contraire, très appropriée... Les ressorts de la violence sociale sont exactement les mêmes.

Je n'en disconviens pas. Mais pour avoir le droit de vivre on doit malheureusement l'accepter.

bebert a écrit : le temps est LE vrai luxe...

Je suis bien de cet avis. Seulement, je suis bien obligée aussi de vendre mon temps pour vivre. Les gens bien ont tout un tas de d'idées à ce sujet.

tristesir a écrit : Drôle d'idée de se lever à l'aube

Tout dépend pourquoi on le fait. Il m'arrivait à une époque de me lever très tôt pour faire des choses que j'aime. Ce temps est malheureusement révolu.

superuser a écrit :
Je suis consternée par vos propos.

Je le comprends. Moi aussi, ça me consterne. Mais il faut être réaliste. Les choses sont ainsi faites et ce n'est pas moi qui y changerai quoi que ce soit, malheureusement. Je ne fais que constater.

Je vous laisse à votre dilemme.

Et bien la réponse c'est une question à la quelle on a répondu pour moi. C'est comme ça, il faut faire comme tout le monde et on n'a pas le choix.

Oui bien sûr, quand on travaille on vend un peu de son temps pour vivre. Et alors ?
Ça devient insupportable quand il faut en plus perdre du temps dans les transports, toujours pour ce travail, parce que ce travail ne nous rémunère pas assez pour vivre à proximité.
Personnellement ça m'est égal que mon travail ne me plaise pas du moment qu'il me laisse assez de temps et me permet de vivre, pas richement mais sans angoisse.

Anya, je me demande ce que vous entendez par "il faut faire comme tout le monde". Étant donné que tout le monde ne fait pas pareil justement. Ce "tout le monde" c'est qui ?

Étant donné que tout le monde ne fait pas pareil justement.

Ah bon?

Tout le monde ne travaille pas (ou voudrait le faire) pour consommer et accumuler les trucs inutiles?
Il suffit de se promener dans la capitale la semaine de Noël pour en avoir un aperçu la fièvre acheteuse est très contagieuse

PS:
Cet après-midi je me promenais sur les quais de Seine entre Invalides et Saint-Michel (pour ceux qui connaissent) et finalement nous sommes remontés au niveau de la passerelle Saint-André des arts (un pont promenade qui était noir de monde). Je n'avais pas emprunté cette passerelle depuis quelques mois et j'ai été frappé par l'amplification vertigineuse de la dépose de petits cadenas en laiton dont la rambarde du pont est couverte, saturée même à certains endroits. Encore un avatar de la société de consommation.
(il y a une fortune en cadenas, des vendeurs à la sauvette essaient de profiter de cet engouement)

Ça devient insupportable quand il faut en plus perdre du temps dans les transports, toujours pour ce travail

Rajoute à cela l'énervement, le stress, l'humiliation parfois, ce n'est finalement pas un progrès de travailler...

Ça devient insupportable quand il faut en plus perdre du temps dans les transports

J'imagine Serabeth que ton usine n'est pas en face de chez toi
Il te faut combien de centaines de kilomètres pour t'y rendre tous les matins?

Les provinciaux passent leur vie dans leur voiture, ils n'ont surement pas l'impression d'être dans "les transports" puisque c'est dans leur propre voiture qu'ils vont au boulot etc.

Les provinciaux passent leur vie dans leur voiture

En ville c'est pire, puisqu'on fait du surplace. Mauvais pour la consommation d'essence, la santé de la voiture... et les mollets !

Car quand on travaille en zone industrielle, les transports en commun sont très rares et en général rejoignent la gare avec des navettes qui s'arrêtent à 18h30...

Tout le monde ne travaille pas (ou voudrait le faire) pour consommer et accumuler les trucs inutiles?

Ben non.
Évidemment qu'il y a un tas de gens qui ne font que courir pour avoir des sous à dépenser en plaisirs vains et en objets inutiles.
Mais pas tout le monde.

C'est quoi cette histoire de cadenas sur le Pont des Arts ?
Ah j'ai trouvé : "des cadenas d'amour" ... Sont fous ces parisiens... et pas mal de touristes probablement...
Et quand ils se séparent 3 semaines après, ils viennent solennellement les arracher à la pince coupante ?
Remarque, si ça peut éviter qu'ils mutilent les arbres à coup de canif...

Chaque fois que je vois le dernier truc à la mode à Paris je me dis "qu'est-ce que je suis bien à la campagne..."