Plumette403 a écrit :Bsr Super Usée (ou Super Rusée, je n'ai pas compris, à vrai dire, comment lire votre pseudo).
Je n'ai pas choisi ce pseudo, qui m'a été donné par la première conceptrice du site en 2004. Super user = super utilisateur, ou administrateur.
Comme on a démarré comme ça, je l'ai conservé (après tout, je m'en fous).
En réalité, je m'appelle Sophie.
Je ne pense pas être rusée, mais usée oui, souvent.
J'essaie de faire la part des choses mais je suis comme tout le monde et pour être honnête, des fois, c'est difficile. Moi aussi, il m'arrive de ne pas bien gérer ma colère ou ma lassitude et dans ces moments-là, je prends les choses de haut et je me la pète, j'avoue.

C'est mieux que s'autoflageller.

Heureusement que la raison finit toujours par reprendre le dessus (enfin, je pense).
Plumette403 a écrit :J'entends bien votre posture de défense en faveur des agents de Pôle Emploi. Je peux comprendre. Toutefois, dans toute organisation, chaque agent dispose d'une marge de manœuvre dans sa manière d'être avec le public reçu. Je ne partagerais donc que partiellement votre posture. Je peux comprendre la lourdeur administrative d'une organisation et comment cette lourdeur peut, insidieusement, gagner ses agents. Pour autant, tout n'est pas justifiable, de mon point de vue. Il existe toujours une marge d'action (parfois réduite, certes). L’infantilisation dans la conduite des questionnaires mensuels, par exemple, n'est pas une consigne hiérarchique. Adopter une posture professionnelle, même dans un contexte difficile, est encore possible. Il y a aussi, parfois, une responsabilité des salariés. Que le système impacte sur les pratiques, certainement. Il y a aussi une responsabilité (et non une culpabilité) des personnels qui acceptent de travailler là, à PE, par défaut, sans qualification particulière. Naturellement, la non maîtrise des dispositifs et des pré-requis pour l'exercice d'un tel métier s'en ressent dans les entretiens de face à face. Il est d'ailleurs assez vraisemblable que les agents les plus virulents sont au fond les plus en difficulté.
Je suis tout à fait d'accord : on est dans une dissonance cognitive voulue et organisée, et — hormis les profils un peu psychopathes et, à l'opposé, les individus solides, sensés et équilibrés — ce sont ceux qui en souffrent le plus qui font souffrir le plus. La violence reçue finit par être renvoyée (un peu comme dans les émeutes urbaines… ou quand les Conti saccagent les bureaux d'une préfecture).
On est au cœur de la violence sociale, et au cœur de la souffrance au travail que Christophe Dejours (entre autres) a décortiquée.
Au début, on supporte, on prend sur soi, on jongle, et on essaie de se maîtriser.
Pour se maîtriser, certains usent de raison : ils essaient de comprendre ce qui ne tourne plus rond, observent, se rencardent et s'expriment, soit en partageant leur dilemme avec leur entourage, soit en agissant (vocation syndicale, par exemple), soit en se réfugiant dans des activités/passions personnelles qui leur procurent une échappatoire.
Mais beaucoup ne se tournent pas vers ces solutions, parce qu'ils ne le peuvent pas pour de multiples raisons. Dans ce cas, les émotions nocives prennent aisément le pas sur la raison. Quand la souffrance devient ingérable, il faut qu'elle sorte. C'est l'effet cocotte-minute. L'impuissance, la colère et la haine finissent par éclabousser ceux qui sont devant : ça peut être à la maison (le conjoint, les gosses), au supermarché (la caissière), à la banque (le guichetier)… et au boulot (les collègues, mais surtout les soi-disant "clients" qu'on se fade toute la journée). Comme on ne pige pas d'où ça vient, on finit par s'en prendre à des personnes qui n'y sont pour rien, il suffit que la goutte d'eau fasse déborder le vase et on pète un câble. D'abord, c'est la haine. Mais la haine, ça use. Alors à force, pour tenir le coup, on se réfugie derrière des comportements déshumanisés : indifférence, mépris, infantilisation, abus de pouvoir... Ce sont, hélas, des réactions de blindage : on annihile l'autre pour se protéger soi.
Je ne peux qu'éprouver de la compassion pour des gens qui ne sont, finalement, que des marionnettes — dans d'autres circonstances, ils seraient supers, gentils, cool, épanouis —, même si leur responsabilité individuelle pèse lourd dans la balance, c'est tout à fait vrai. Mais il n'y a qu'à voir comment l'humanité se comporte en général : aller au plus facile et succomber à ses émotions est l'une de ses grandes tares. C'est la recette de la barbarie dont le 20e siècle nous a offert pas mal d'exemples à analyser (comportement des simples soldats face à la torture, individus qui ont composé avec le totalitarisme, soumission à l'autorité comme dans l'expérience de Milgram…).
Je ne sais pas si je suis humaniste : j'essaie de le rester, sinon je me colle une balle.
Souvent, il m'arrive de mépriser le genre humain pour son indécrottable bassesse. Mais quand je n'y crois plus et éprouve ce mépris quasi viscéral, alors tout s'effondre.
Je préfère continuer à focaliser sur les psychopathes qui nous gouvernent et à tenter de faire comprendre à leurs marionnettes qu'ils sont manipulés et qu'au fond, il ne tient qu'à eux de valoir mieux que ça. C'est un peu désespéré mais si je laisse tomber, je m'autodétruis.
