Le ministre de la santé approuve le rapport Chadelat
Le ministre de la santé, Xavier Bertrand, a annoncé mercredi 13 décembre la tenue d'une "conférence" sur les refus de soins de certains médecins à des patients démunis, mardi 19 décembre, après que l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) l'a incité, dans un rapport, à plus de fermeté en la matière.
Plusieurs associations – Médecins du monde (MDM), Collectif des médecins généralistes pour l'accès aux soins (Comegas), Collectif interassociatif sur la santé (CISS), Fonds CMU, etc. – avaient dénoncé ces derniers mois le refus de certains praticiens libéraux de prendre en charge les patients bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU), grâce à des "testings" réalisés en banlieue. Le Comegas et le CISS en avaient même saisi la Haute Autorité de lutte contre les discriminations (Halde). M. Bertrand avait alors réagi en confiant à l'IGAS un rapport sur le sujet et en tançant le conseil de l'ordre des médecins afin qu'il sanctionne les professionnels incriminés.
15% DES PROFESSIONNELS DE SANTÉ REFUSENT LES BÉNÉFICIAIRES DE LA CMU
Dans ce rapport remis mercredi 13 décembre au ministre, Jean-François Chadelat, inspecteur général des affaires sociales et directeur du Fonds CMU, donne raison aux associations en estimant que, "toutes catégories confondues, environ 15% des professionnels de santé" n'acceptent pas les bénéficiaires de la CMU. Il préconise la mise en place d'une loi permettant de sanctionner les médecins incriminés.
Actuellement, l'ordre des médecins ne peut sanctionner un professionnel que s'il a reçu une plainte d'un malade, mais M. Chadelat souligne que "l'application du code de déontologie n'est peut-être pas réalisée avec toute la vigueur nécessaire par les ordres" médicaux. Pour lui, il faut de toute façon aller plus loin.
"Même si cela peut faire double emploi avec les codes de déontologie et de la consommation", qui interdisent déjà tout refus de soins à des patients défavorisés,"il paraît nécessaire d'introduire par un article de loi des dispositifs de sanctions, qui pourraient être pécuniaires, à l'encontre des professionnels de santé", préconise son rapport.
Comme "l'élément financier est prépondérant dans l'explication du refus de soins" par les médecins, il faut frapper là où cela fait mal, c'est-à-dire "prévoir un mécanisme de sanctions financières", explique-t-il.
Les médecins en secteur 2 – qui ont le droit de pratiquer des dépassements d'honoraires – sont obligés, pour les bénéficiaires de la CMU, de pratiquer les tarifs de base de la sécurité sociale (sans dépassement), rappelle le rapport. Face à des justifications avancées par certains praticiens (comme le fait que les bénéficiaires de la CMU seraient davantage en retard, ou suivraient moins leurs traitements que les autres patients), le rapport rétorque qu'il est "impossible de dire si cette forme d'incivilités face aux soins affecte davantage les bénéficiaires de la CMU que les autres assurés sociaux".
Il recommande pour sa part une opération de "sensibilisation" des bénéficiaires de la CMU, par le biais d'une "fiche simple et courte" leur rappelant leurs droits, mais aussi leurs devoirs, comme celui de "suivre les traitement jusqu'au bout" ou "de respecter les rendez-vous". Cette fiche soulignerait le fait qu'un médecin n'a pas le droit de refuser de les prendre en consultation, et mettrait à leur disposition un numéro vert à contacter en cas de discrimination. Le rapport demande enfin à l'assurance-maladie de mettre en place un suivi "des 5 % de professionnels recevant le moins de bénéficiaires de la CMU".
L'APPLICATION IMMÉDIATE DE CERTAINES PROPOSITIONS DU RAPPORT
Sans aller aussi loin que le préconise le rapport de l'IGAS, Xavier Bertrand a indiqué ce mercredi avoir"décidé de suivre immédiatement une des propositions du rapport Chadelat en réunissant sans délai toutes les parties prenantes de ce dossier" (ordres des médecins et des dentistes, Halde, syndicats médicaux, associations de patients et assurance-maladie). Il a aussi demandé à la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) de "diffuser dans les plus brefs délais des fiches d'information aux patients CMU et aux professionnels de santé", comme le recommande le rapport.
Xavier Bertrand a également demandé à la CNAM d'inciter les patients venant s'inscrire à la CMU à choisir un médecin traitant car, a-t-il justifié, quand "le patient est adressé par son médecin traitant, il ne rencontre a priori plus d'ostracisme de la part des professionnels de santé".
Il a enfin décidé d'"ouvrir aux associations la possibilité de saisir l'ordre (des médecins) au nom des bénéficiaires de la CMU" en cas de refus de soins.
Créée en 1999 pour permettre un accès aux soins des personnes à faibles revenus, la couverture maladie universelle concerne 4,8 millions de personnes et est attribuée sous condition de ressources (598,23 euros mensuels). Elle accorde à ces patients défavorisés la gratuité totale des soins et leur permet d'éviter d'avancer le prix de la consultation.
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