« C’est bien plus grave » que prévu
Les médecins changent de ton. Des spécialistes, que nous avons interrogés, sont aujourd’hui plus inquiets. Le coronavirus, ce n’est pas avoir une bonne grippe.
Les discours mesurés des médecins laissent désormais place à une inquiétude de plus en plus affichée. Le coronavirus, une bonne grippe ? « On s’est trompés, il faut arrêter de les comparer, reconnaît aujourd’hui Gilles Pialoux. C’est bien plus grave. » Ce chef du service infectiologie de l’hôpital Tenon, à Paris, voit, au fil des jours, bondir le nombre de malades. « Les patients arrivent de partout, lâche-t-il. On est stressés ! »
Alors, certes, il ne veut pas créer la panique. Rappelons que plus de 80 % ont des formes bénignes. « Mais le coronavirus ne joue pas dans la même cour que la grippe, lâche-t-il. Sans faire peur, il faut mettre les gens face à la réalité. » Quelle est-elle ? Celle d’un virus plus contagieux et mortel. Ça, on le savait. 0, 1 % de mortalité pour la grippe, 2 à 3 % pour le coronavirus. « Bien sûr, ce n’est pas Ebola, précise Gilles Pialoux. Mais les Chinois ont montré qu’un patient peut aller bien et, la deuxième semaine, au 8 e ou au 10 e jour, d’un coup, il se retrouve en réanimation. »
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Autre inquiétude, cette fois-ci nouvelle, le profil des personnes admises en réanimation est en train d’évoluer. Il y a deux ou trois jours encore, les hommes et les femmes qui arrivaient dans ces services pour des détresses respiratoires étaient surtout des personnes fragiles, âgées, déjà malades. Désormais, ce ne sont plus les seuls. « Il n’est plus rare de voir des jeunes de 30 ou 40 ans, sans pathologie, lâche Gilles Pialoux.
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Le virus n’est pas en train de muter, précise-t-il, mais il se répand vite. « C’est ce qui explique, rajoute Jean-Michel Constantin, que le nombre de personnes en réanimation croît à vive allure. » En Ile-de-France, ils étaient 6 lundi contre 100 hier. Rappelons évidemment que tous les patients les plus graves, hospitalisés dans ces services, n’en meurent pas. L’immense majorité, 80 % d’entre eux, est même sauvée. Auront-ils des séquelles pulmonaires ? « Non, mais ils seront épuisés pendant six mois, précise le médecin. Et ils devront passer par une phase de rééducation à cause d’une atteinte neuromusculaire. »
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« Le problème, c’est que tous les soignants qui arrivent en renfort en réanimation ne sont pas formés à s’équiper, à enfiler les tenues de protection, reprend Catherine. Il faut aussi beaucoup de monde et de temps pour s’occuper des malades, les intuber, poser les cathéters. Par exemple, on doit être plusieurs pour les retourner sur le ventre afin que leurs poumons soient dégagés et mieux oxygénés. » Un travail de titan qui n’est pas sans risque.
Vingt jours en réanimation sous assistance respiratoire
Autre problème, les patients du Covid-19 restent, en moyenne, vingt jours en réanimation sous ventilation artificielle. Une période très longue qui ne permet pas à d’autres patients d’occuper les lits. « C’est la mauvaise nouvelle dans la mauvaise nouvelle, admet Gilles Pialoux. Soyons clairs, il faut se préparer au pire. »
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Faut-il aller jusqu’à mettre en quarantaine toute la France ? « Probablement, appuie le médecin. De toute façon, on va y arriver. C’est certain. »
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