Yves a écrit :
Voilà où se situe l’autre nœud du problème.
S’il est aujourd’hui impensable de réunir 500.000 personnes dans les rues sur les thèmes du chômage et de la précarité, il est tout aussi exceptionnel (comme en 2003 sur l’affaire des Recalculés) d’en réunir 5.000… Et ça, ce n’est pas normal !
Car entre 5.000 et 500.000 personnes, il y a des paliers intermédiaires que nous n’atteignons pas, que nous ne pouvons même pas envisager d’atteindre.
Et ça, ça ne relève pas de la seule hétérogénéité des parcours des chômeurs mais de l’individualisme forcené des Français.
Yves - Un animateur du site
Dans le premier post, effectivement, je me suis posé la question du qui. Posons-nous la question du combien. Là encore toute une problématique assez curieuse et fructueuse.
Je reviens sur l'histoire des recalculés. Depuis plusieurs mois, nous connaissions le problème en tant qu'asso de chômeurs. Quand nous en parlions, c'était tout juste si on ne nous rigolait pas au nez pour ne pas dire autre chose mais je vais le dire : " ces salauds de militants qui voient tout en noir et qui feraient mieux de s'occuper de leurs affaires." (je grossis le trait, grosso modo c'était le message).
Puis, effectivement, quand il y a eu les premières victoires. D'un seul coup, notre asso de chômeurs a reçu une multitude d'appels téléphoniques en disant : "et moi, aussi, je veux récupérer mon argent."
Autrement dit,
l'individualisme forcené des Français ressemble, plus prosaïquement, à du simple
intérêt personnel. C'est tout le paradoxe que nous rencontrons.
Notre association est parfaitement connue des chômeurs (pas tous), de certaines institutions
quand il y a un problème. Mais inviter à s'investir dans une association de chômeurs, tenter de réfléchir un peu plus loin et essayer de monter quelque chose en commun personne n'en veut.
J'ai trop souvent entendu : "Si j'adhère chez vous, allez-vous m'obliger de distribuer des tracts ou de manifester dans la rue ou à l'anpe ?"
On veut bien nous connaître, faire appel à nos services voire à notre militantisme quand on a un problème mais s'engager autrement afin de mener une vraie réflexion de fond :
c'est non.
Si tout le monde a suivi l'explication il y a un paradoxe dans ce paradoxe. Quel est-il ? Si on vient nous voir quand il y a un problème, c'est que nous sommes identifiés comme association capable de résoudre le dit problème et que ces gens sont prêts à utiliser notre militantisme. Mais, en retour, eux ne veulent pas du militantisme.
Donc on veut bien nous utiliser voire nous manipuler quand on a un problème mais c'est plus difficile quand, nous, nous renvoyons ce message. Auquel cas, on nous répond par une question de manipulation potentielle : "Allez-vous m'obliger à ?"
Donc notre action est réduite à une simple "
offre de services" qui se résume à : "
régler mon problème".
Si les personnes ne peuvent pas voir plus loin c'est qu'elles vivent dans une sorte de situation d'urgence qui vise à assurer leur propre survie dans ce monde difficile. De ce fait il sera toujours difficile d'agir autrement.
En conséquence, et c'est là où je dis qu'il faut bien faire attention, il est possible de rencontrer une certaine mobilisation en nombre sur un problème précis parce que ce problème touche à la survie d'un certain nombre. Mais cette mobilisation n'ira pas plus loin.
Croire, faire croire ou appeler à une mobilisation d'ampleur en espérant autre chose alors que ceux et celles qui se mobilisent, c'est pour résoudre leur problème (lié, le plus souvent, à une catégorie socio-professionnelle) et après il n'y aura rien me fait doucement rire.
Prenons un exemple d'ampleur, la gauche avec la victoire du non au tce a cru que le temps du changement était venu et que la partie était gagnée.
Certes il y aura des mobilisations avec un nombre plus ou moins important mais il ne faut pas croire que cette mobilisation amènera à autre chose et ceux, celles qui font croire cela se trompent de sujet pour ne pas dire autre chose.
Conclusion éloignée (télé) du regard (vision)
Nous sommes dans la problématique de la télévision. Beaucoup la regardent mais quand quelqu'un dit ce qu'elle est vraiment : "mettre à disposition un temps d'attention x qui coûtera tant". Là, tout le monde s'offusque et, bien entendu, personne, absolument personne ne s'est posé la question de savoir s'il était possible de modifier l'objet télévisuel afin de proposer autre chose, un mode de perception différent par exemple.