Publié : 28 janv. 2007
Merci Juicyfruit67 et je suis bien contente que cela puisse contribuer à diffuser l'information pour comprendre à quelle sauce nous sommes mangés. Cela permet de savoir que nous n'en sommes en rien responsables contrairement à la propagande umpiste. Nous subissons la destinée que d'autres ont décidé pour nous.BOMBES FINANCIÈRES : À QUAND L’EXPLOSION ?
Par Michel LAMY, secrétaire national CFE-CGC. Juin 2006
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Pour résumer la situation :
- des salaires limités pour éviter l’inflation et pouvoir maintenir des taux d’intérêt bas,
- des ménages encouragés à s’endetter pour consommer,
- des fonds de pension dans l’obligation de rattraper leurs pertes rapidement et de plus en plus exigeants quant à la rentabilité de leurs placements,
- une spéculation se développant dès lors sur tous les marchés qui s’y prêtent,
- des liquidités surabondantes, l’inflation des actifs remplaçant du coup celle des prix,
- une bourse qui repart à la conquête de sommets sans liens avec l’économie réelle.
LES NOUVELLES BOMBES FINANCIÈRES EN FABRICATION :
Les conséquences des exigences nouvelles des fonds de pension :
Contraints de se refaire rapidement une santé, ceux-ci ont exigé des entreprises dans lesquelles ils investissaient des rendements de plus en plus importants et ont accru la volatilité de leurs placements. Pour satisfaire à la demande, les entreprises, menées par des dirigeants de plus en plus mercenaires et de moins en moins entrepreneurs, ont taillé dans les coûts au détriment de l’emploi et des salaires, elles ont aussi sacrifié l’investissement en allant jusqu’à racheter leurs titres et abaisser ainsi leurs fonds propres. C’est l’avenir qu’elles ont alors hypothéqué. Les bourses ont monté. Cependant, conscients que cela pourrait avoir très rapidement des limites, les fonds exigent maintenant de plus en plus une distribution importante de dividendes ce qui donne lieu à une vampirisation programmée de l’économie.
En plus, les entreprises mettent elles-mêmes la pression sur leurs fournisseurs et sous-traitants et, dans le cadre de leurs propres placements financiers, elles exigent les mêmes rendements que ceux qui leur sont réclamés.
C’est ainsi qu’après des exigences de rendements atteignant 15% des capitaux propres, on en est maintenant à 20% réclamés.
Il faut être conscient que l’avenir des entreprises, et des économies, est ainsi sacrifié.
Ce phénomène a pour corollaire une tendance à la délocalisation vers les pays à bas coûts. De plus les grandes entreprises, qui hésitent parfois à délocaliser de crainte de provoquer des réactions bloquantes de la part des syndicats et du personnel, ont moins de scrupules lorsqu’il s’agit d’en intimer l’ordre à leurs sous-traitants, ces derniers n’ayant alors guère le choix et leurs syndicats étant en général moins bien organisés.
Prises de risques supplémentaires en se portant sur des marchés spéculatifs:
A la recherche de résultats rapides, les fonds de pension commencent à faire appel à des fonds alternatifs : les « hedge-funds »,même s’ils ne placent là qu’une partie limitée de leurs actifs. Ces fonds sont censés présenter des taux de rentabilité très élevés précisément parce qu’ils prennent beaucoup de risques spéculatifs. Ils investissent dans des pays émergents dont l’économie progresse vite, mais dont les systèmes de régulation ne sont guère fiables. Les flux de capitaux vers les marchés émergents ont battu des records en 2005, atteignant l’équivalent de 323 milliards d’euros. Les réveils pourraient cependant être douloureux. Pour donner un exemple, les banques chinoises ont déjà accumulé 911 milliards de dollars de créances douteuses, somme excédant les réserves de change du pays. Depuis cette évaluation, Ernst & Young a été amenée à revenir en arrière, non pas qu’ils se soient trompés mais parce que le gouvernement chinois leur a fait comprendre que l’emploi des 4500 consultants et les produits qui en résultent pour l’analyste pourraient être rapidement perdus. Autant dire que l’intérêt de analystes servira de limite à toute transparence sur ce marché (souvenons-nous d’Enron) .
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Autre exemple de placements spéculatifs qui se déchaînent actuellement : les matières premières. Le développement de pays aussi immenses et peuplés que la Chine ou l’Inde est évidemment très gourmand de matières premières. L’or est monté à des sommets qu’il n’avait jamais connus depuis 25 ans. Même chose pour l’argent depuis 23 ans. Le cuivre est passé de 44OO dollars la tonne à plus de 8000 dollars en cinq mois. Le pétrole, l’aluminium, le zinc, le caoutchouc, tous les prix flambent. L’indice CRB, moyenne des prix d’une vingtaine de matières premières , a gagné près de 60 % depuis 2001. Or, les fonds spéculatifs détiennent 35% du marché de l’or et 15% de celui du pétrole, ce qui confère à ces marchés une immense fragilité, d’autant que le financement de cette spéculation provient très largement d’emprunts en yens. Or les taux japonais augmentent.
Autre secteur devenu hautement spéculatif : le marché immobilier. Qu’est-ce qui fait monter l’immobilier ? D’une part le fait que des masses importantes de capitaux cherchent à se placer et l’immobilier leur sert de valeur refuge dès lors que d’autres produits paraissent trop volatiles aux yeux de certains investisseurs. D’autre part le fait que les taux soient très bas et soutiennent donc l’investissement immobilier. Enfin le fait que la hausse du prix au mètre carré encourage à acheter vite, « parce que cela sera encore plus cher demain » et avec le sentiment d’une garantie de plus-values futures.
Le problème, c’est qu’à un moment donné les prix sont tellement chers que bien peu peuvent se permettre d’investir d’autant que la rentabilité de ces investissements baisse. Il est en effet difficile d’augmenter des loyers au rythme de la progression du coût des investissements et, de plus, au fur et à mesure, l’espoir de plus-values futures s’amenuise. Actuellement, un krach du marché de la location dans les grandes villes est à redouter si les prix poursuivent leur ascension. Dès lors les prix de vente devraient baisser et l’argent de la spéculation se détournant de ce marché, la crise se creuserait encore plus. L’ennui, c’est que les dommages collatéraux seraient immenses, surtout si la montée des taux accompagnait cette crise. En France les taux variables représentent entre 16 et 20% des encours de prêts à l’immobilier mais la proportion atteint 35% pour les crédits octroyés en 2005 (les taux variables étant un peu moins chers, les ménages essayaient ainsi de demeurer sous les normes d’endettement). La dette immobilière des ménages représentait fin 2005 45,7% de leur revenu disponible contre seulement 33% en 2000 et l’on s’attend à franchir la barre des 50% fin 2006. Si les taux continuent à monter, les ménages endettés à taux variables vont voir leurs remboursements augmenter. Soit dit en passant c’est toujours lorsque les taux sont bas que les ménages prennent du taux variable alors que la logique voudrait l’inverse (mais alors les banques ne leur en proposent pas). Conséquence de tout cela des surendettements qui vont augmenter et des revenus disponibles pour la consommation en baisse, et donc une chute de la croissance. Et c’est encore bien pire ailleurs. Aux Etats-Unis, par exemple, les crédits hypothécaires, pour la part qui en a déjà été remboursée, peuvent se transformer en crédits à la consommation peu coûteux. Pire, le crédit disponible peut être réévalué en fonction de l’augmentation de la valeur du gage. Et ce système est massivement utilisé par les ménages américains, il a même été encouragé car la montée des prix de l’immobilier offrait une opportunité de doper la consommation à un moment où les ménages pouvaient faire grise mine en raison de leurs pertes boursières. Or la crise de l’immobilier se profile aux USA. Le stock de logements invendus a gonflé. Sur 2005, la hausse des prix de l’immobilier avait été en moyenne de 86%. A ce train là on imagine aisément que cela ne puisse pas durer. Il y a sur le marché quelque 3,5 millions de propriétés qui ne trouvent pas preneur. C’est un record. De même le stock de logements invendus a augmenté de 30% en un an. Quand on sait qu’une bonne partie de la croissance économique américaine (un tiers de la croissance de la consommation), depuis trois ans, a été largement imputable à la richesse immobilière des ménages, on imagine assez bien l’impact de ce nouveau phénomène sur l’économie. La hausse de la valeur des gages a offert aux ménages la possibilité d’emprunter 280 milliards de dollars pour consommer pour la seule année 2005, faculté qu’ils ont utilisée à 40%. Que se passera-t-il demain si la valeur des gages diminue et que, parallèlement les taux du crédit à la consommation augmentent ? Déjà, en 2005 les faillites personnelles d’américains (2 millions) ont augmenté de 30% par rapport à l’année précédente. Quelle nouvelle fuite en avant inventera-t-on et sinon quelles seront les conséquences sur l’économie américaine, mais aussi sur l’économie mondiale et les marchés financiers ?
Le déficit américain :
L’existence des déficits jumeaux aux USA (budgétaire et commercial) est suffisamment connue pour que je n’y insiste pas. Cependant il convient d’être conscient que la baisse du dollar qui est liée à ce phénomène a pour limite le moment où les prêteurs se mettront à bouder cette monnaie-reine. Ajoutons que ce niveau bas du dollar a pour corollaire un colossal avantage pour la chine, le yuan étant relié au dollar, et un énorme inconvénient pour l’Europe. La croissance était bonne en Europe lorsque l’euro valait 0,85 dollar. On comprends aisément qu’à 1,30 dollar, la compétitivité n’est pas la même (avec son corollaire de difficultés à exporter, d’attrait pour les importations, de tentations de délocalisations, de pression sur les salaires, et de chômage) ce qui pose le problème essentiel de la gouvernance de la BCE.
En tout cas la sous-évaluation du dollar peut elle-même être une cause de crise grave. Combien de temps encore les Etats Unis pourront-ils vivre à ce point à crédit ?
SCENARIO DE CRISE :
Faut-il rappeler qu’en France le peu pertinent Thierry Breton n’a de cesse que d’organiser la même fuite en avant que les anglo-saxons : vente des bijoux de famille, maintien de la consommation par le biais d’une stimulation de l’endettement des ménages au delà du raisonnable, permettant de doper, très provisoirement, le PIB ? Faut-il souligner que le même ministre des finances est en passe de mettre en place des crédits hypothécaires revolving basés pratiquement sur le modèle américain ?
Déjà l’endettement des ménages français atteint des records pour notre pays : il représente 64% du revenu disponible brut et 435% de l’épargne brute en 2005. C’est peu par rapport aux anglais mais cet endettement est en forte croissance chez nous (+10,5% en un an).
Le scénario que je mentionne n’est pas le seul possible. Ce qui est grave c’est qu’on peut presque prendre les facteurs de crise dans un ordre indifférent (et la liste de ceux que j’ai mentionnés n’est pas exhaustive), cela n’empêche pas que la crise se diffuse. Mais on trouvera peut-être une solution, ne serait-ce que provisoire. Et puis certains s’en sortiront sans doute, comme la Chine ou l’Inde qui de toute façon ne respectent aucune règle ou presque. Mais tant que nos entreprises et nos financiers, se croyant bien plus malins que tout le monde, y mettront leurs capitaux et accepteront de transférer leur technologie sans aucune condition sérieuse et surtout vérifiable … Aura-t-on la conscience et le courage de mettre fin à la financiarisation forcenée de l’économie, à la recherche d’un profit immédiat plutôt que d’une construction de l’avenir, de remplacer les distributeurs de dividendes exagérés par des entrepreneurs, et parallèlement de récompenser le travail plutôt que de rechercher une flexibilité de plus en plus forte ?
L’avenir est à ce prix et il est sûr que dans l’un ou l’autre cas, ce qui est défendu ne recouvre vraiment pas les mêmes valeurs.
lamy@cfecgc.fr
cfecgc.org
Et pendant que l'on nous divise pour nous pousser à nous faire la guerre entre nous ("Salariés/chômeurs", "Vieux/jeunes", "Salariés du privé/salariés du public", "Français/immigrés") comme nous le voyons parfois même sur nos forums (ex, le coup de la jeune femme magrhébine/cadre senior), pendant ce temps-là, la terre continue de tourner.
Le texte de Michel Lamy est long, j'ai fait quelques coupes mais ce qu'il dit est d'une telle importance que je n'ai pas réussi à couper davantage. Pour qu'un maximum de personnes sachent tout de même de quoi il en retourne, j'ai mis des couleurs pour ceux qui n'auraient pas le courage de tout lire.
Ce que je constate au travers de mes lectures, c'est qu'on a prôné pendant des années le modèle américain avec sa croissance économique et son faible taux de chômage. Ce que je ne savais pas, c'est que cette croissance économique s'est faite sur l'endettement du pays qui vit à crédit sur ses importations et sur le dos de l'endettement des ménages. M. Lamy nous dit aussi dans son document que le boom de l’immobilier américain a expliqué à lui seul entre 25 et 50%, selon les études, de l’augmentation du PIB en 2005. Evidemment, on nous cache bien cet aspect de la situation américaine (n'est-ce pas M. Sarkozy ?).
A noter, que Sarkozy veut nous mener sur la même voie et avait fait voter la loi du prêt hypothécaire en 2004 lors de son bref passage au Ministère de l'Economie.
Pour relancer la croissance, il n'y a pas 36 solutions, il n'y en que 2 : les exportations et la consommation interne. Les exportations sont déficitaires dans la balance commerciale de notre pays et la consommation interne est en chute libre. Résultat : croissance "O" au 3ème trimestre 2006 (j'attends avec impatience les résultats du 4ème). Ne reste plus qu'une seule solution, l'endettement des ménages au profit de la consommation et c'est exactement le projet des umpistes avec le prêt hypothécaire rechargeable dont la réserve pourra varier en fonction de l'évolution de la valeur du bien immobilier.
Voilà la solution des umpistes pour relancer la croissance... le surendettement des ménages.