La peur, assurément, est devenue un moteur à l'envers. Nous n'en sommes plus à nous défendre tous nus contre des bêtes sauvages, et pourtant... elle est toujours là, même chez ceux qui n'ont a priori pas grand'chose à craindre !
La peur rend indisponible (donc idiot, égoïste, voire xénophobe). Elle induit également le déni de réalité, ce qui explique combien il est facile de désinformer quand on a déjà tendance à faire l'autruche... ou à zapper.
Ça me fait penser à Bowling for Columbine, le docu-film de Michael Moore qui est passé sur France2 cette semaine et en parle très bien : la peur, émotion humaine qui, en principe, est une alerte naturelle liée à notre vieil instinct de survie, est aux USA une émotion entretenue donc dévoyée => elle est devenue un penchant sociétal, voire un comportement qui favorise la consommation, donc l'économie.
Voilà comment une émotion qui, à la base, est censée nous aider à sauver notre peau, nous tue à petit feu...
Voilà comment l'économie de marché, dans sa grande perversité égémonique, a trouvé une astuce finalement artificielle pour prospérer.
D'ailleurs, l'agressivité n'est-elle pas (comme le déni de réalité ou le zapping, plus pacifiques) une autre expression de la peur ?
Cette économie agressive qui joue avec notre peur - et l'anesthésie en même temps grâce au confort illusoire du consumérisme - n'est-elle pas l'expression même de la peur? Vaste casino pour les uns, précarité instituée pour les autres... ceux qui en tiennent les rennes et font mumuse avec ont peur de quoi, au juste ?
Car leur arme favorite est le discours sécuritaire qui cible des peurs ataviques, tout comme aux USA il est glorieux d'avoir une arme pour se défendre (contre qui ?). D'un côté, des middle/high class confortables qui ont leurs fusils pour protéger leur opulence, de l'autre les victimes de l'insécurité sociale qui génère une violence liée à l'injustice, mais surtout à la peur du lendemain.
La vraie sécurité est donc sociale, c'est le meilleur remède à nos peurs : quand tout le monde a ce dont il a besoin et qu'il n'a pas à flipper pour son avenir, la peur retombe, et on est à nouveau capable de s'intéresser aux autres.
C'est dans les périodes économiques les plus favorables que les avancées intellectuelles se sont faites. La disponibilité rendue quand la peur est chassée est considérable. Mais nous n'en sommes pas là...
