La plupart d'entre nous tire le même bilan mais beaucoup ne veulent pas encore admettre la réalité.
Plus le temps passe, plus nous sommes dépossédés de nos moyens d'action qu'on remet entre les mains de quelques-uns sur lesquels nous avons toujours moins de contrôle.
Un licenciement se décide outre-Atlantique (on le voit en ce moment avec l'usine Ford de Bordeaux), on modifie le statut des cheminots sur injonction de Bruxelles, on impose la rigueur budgétaire par décision du FMI ou de la Banque centrale. Et quand il reste quelques marges de manœuvre, on gouverne par ordonnances ou 49.3.

Dans ce contexte, toute aspiration revendicatrice est vouée à l'échec, étouffée.
Et quand on bombarde un pays souverain qui ne nous a jamais déclaré la guerre, qui serait plutôt un allié dans la lutte contre le djihadisme, c'est sans preuve formelle et sans mandat international, histoire de vous faire bien comprendre que ce n'est pas vous qui décidez, pas plus que votre parlementaire, pas plus que la ministre de la Défense d'ailleurs.
S'entêter à vouloir se débattre dans cette toile est sans espoir. On nous laisse encore la possibilité de discuter et d'échanger entre nous, "liberté" qui elle-même est de plus en plus encadrée sur le Web. La censure frappe un nombre croissant d'opposants (fermeture de comptes Facebook, YouTube, Twitter… suppression de fiches Wikimédia). Vous noterez que les plus grands lanceurs d'alerte (Julian Assange, Edward Snowden) sont contraints de s'exiler ou se réfugier dans des ambassades. Faute de quoi, ils seraient en prison !
Soit on accepte les miettes de liberté d'expression et d'action qu'ils nous accordent dans leur grande largesse après nous en avoir privé. Soit on va voir ailleurs, s'évitant ainsi de se faire du mal, de ruminer notre impuissance à agir et réagir.
Peu à peu, les gens sont lobotomisés, anesthésiés, endormis. On leur fait croire que tous les champs du possible restent ouverts (avec le Web, les technologies créatives…) mais les discussions sont verrouillées, et les décisions sont prises avant d'être mises sur la table.
On nous donne l'illusion du pluralisme, du choix et de la démocratie, tout en concentrant le pouvoir réel, le pouvoir profond, entre quelques mains expertes. Ce n'est pas du "complotisme", du "conspirationnisme" ou une méconnaissance du réel que de l'écrire, mais la synthèse d'observations au jour le jour menées par un mec comme moi (et bien d'autres personnes aussi) qui y consacre une bonne partie de sa vie depuis 15 ans.
Je le mesure ici sur nos forums avec 16.000 sujets ouverts et 200.000 messages postés depuis 2009 (que j'ai quasiment tous lus), dans les environnements militants, politiques, médiatiques traditionnels que je suis au plus près, dans toute la sphère de "ré-éinformation" et "dissidence" qui a émergé ces 10 dernières années, par une multitude de travaux, d'écrits, de documentaires, par des signes très forts aussi comme la suppression de l'émission "Là-bas si j'y suis" de Daniel Mermet de la grille de France Inter, et le dégommage en règle de Gérard Filoche (accusé d'avoir relayé un tweet "antisémite").
J'en parle avec d'autant plus de distance que j'étais souvent en désaccord avec ces deux-là. Mais leur éviction expéditive symbolise la normalisation et l'étouffement de la libre parole, même pour des gens inscrits dans le système médiatique (Mermet sur France Inter) et politique/social (Filoche au PS). Je vous laisse imaginer les marges de manœuvre dont bénéficient aujourd'hui les vrais dissidents. Cette société pue le goulag !
Et qu'on ne me parle pas de débats. Ils existent mais sont menés par les mêmes entre les mêmes dont je vous épargnerai ici la liste.