LIDL le salaire de la peur

Réagir sur l'actualité ou la vie quotidienne, faire part de son humeur, lancer un débat... Ce forum généraliste est dédié à tous les thèmes qui vous préoccupent (en dehors des Dossiers ci-dessous).

Modérateurs : superuser, Yves

maguy

LIDL le salaire de la peur

Message par maguy »

Lidl : le salaire de la peur

PAR Politis.fr, Xavier Frison

jeudi 21 février 2008

Un an après sa publication, le 22 février 2007, et quelques semaines après la première grève nationale dans la grande distribution, cet article sur les conditions de travail chez Lidl demeure le plus visité sur notre site. Le forum qui l’accompagne est, lui, devenu un espace de discussion fort instructif entre les salariés en colère du groupe de grande distribution allemand. Politis.fr rend cet article accessible à tous, abonnés ou internautes de passage.

Surveillance, contrôles, harcèlements : les méthodes de gestion du personnel de l’enseigne Lidl provoquent la rébellion de certains de ses employés.

Dans la grande distribution, les miracles n’existent pas. L’américain Wal-Mart, référence en matière de prix et de droits sociaux rabotés, est sous la menace du plus grand procès collectif jamais intenté pour discrimination sexuelle.

En Europe, c’est l’enseigne Lidl qui a repris le judicieux concept : prix étranglés, personnel maté. Un livre noir paru en Allemagne, berceau de l’entreprise, s’appuie sur les témoignages de plus de cent employés pour dénoncer les rythmes de travail, les manques d’effectifs, les heures supplémentaires non payées, les pressions permanentes et les salaires de misère.

Rien d’étonnant, donc, à ce que ces méthodes se greffent sur le réseau français du « hard discounter ». Mais le risque de rejet existe, et des éléments incompatibles viennent parfois enrayer la machine à écraser les coûts et les salariés.

Fatiha Hiraki est de ceux-là. Depuis 2003, cette jeune femme énergique de 34 ans est chef de magasin au Lidl de Clichy-sur-Seine. La hiérarchie maison est clairement établie : responsable de son équipe et des résultats du magasin, elle a, pour supérieur direct, le chef de réseau, qui est lui-même supervisé par le chef des ventes et son adjoint qui dépendent d’une des deux directions régionales de Lidl pour l’Île-de-France. Très vite, le trio de responsables va lui faire comprendre en quoi consiste la politique de gestion du personnel maison : « On m’a demandé de harceler les employés, de changer leurs emplois du temps en permanence, de les surveiller, de faire craquer ceux qui n’étaient plus assez productifs. » Car, pour l’enseigne, « vous devez toujours être à 100 % ». Et si les pressions ne suffisent pas, les « qualitests » arrivent à la rescousse : « Des contrôleurs piègent les caissières en glissant des saumons sous des packs d’eau dans leurs chariots ; si elles ne soulèvent pas tout pour vérifier, elles sont immédiatement convoquées par la hiérarchie. »

Une caissière ayant travaillé aux Lidl de Saint-Ouen, Villeneuve-la-Garenne et Clichy confirme les conditions de travail évoquées par Fatiha Hiraki. La voix encore bouleversée par son expérience de trois années, elle raconte le long chemin qui l’a menée jusqu’à la démission, en novembre dernier : « Les trois premiers mois, tout allait bien. Mais très vite, mes supérieurs m’ont reproché de ne pas être assez rapide en caisse. » Elle s’est s’accrochée : « J’ai essayé d’accélérer. Et puis, après huit mois d’activité, le chef de magasin m’a proposé de lui rapporter tout ce qui se passait dans le magasin. Par exemple, Untel n’a pas fait les palettes, tel autre n’a pas fouillé les clients, etc. J’ai dit non, et j’ai cru qu’on en resterait là. »

Au contraire, les véritables ennuis ne font que commencer : « Mes conditions de travail ont changé. Je devais faire tout le sale boulot, ranger les boîtes de conserve, faire le ménage, écraser les cartons, travailler neuf heures le samedi. » Le soir venu, les remarques fusent : « T’es nulle, tu vas pas assez vite. » Pourtant, la jeune femme a un besoin impérieux de ce poste et « travaille comme un chien, même plus que ça ».

Mais la politique de harcèlement porte ses fruits : « Je n’en pouvais plus, j’ai eu des nausées, les clients habituels ne me reconnaissaient plus. » Quand la foule se presse au magasin, les caissières sont priées de travailler debout : « Vous perdez du temps et de l’argent si vous êtes assises », leur assène-t-on. Et les gérants de ramener dare-dare des chaises quand un inspecteur du travail ou un syndicat pointe le bout du nez. Alertée par cette salariée, la direction nationale lui assure que ses supérieurs font juste preuve d’un peu « d’humour » avec elle. Après un arrêt de travail refusé, un « contrôleur de caisse » piège l’employée et passe de la marchandise volée, tout en l’empêchant de vérifier le contenu du chariot, comme elle veut et doit le faire. Un autre jour, alors qu’elle fait ses courses en dehors de ses heures de travail, un sac de pomme de terres à 1,69 euro, non facturé par une collègue, provoque une convocation devant le chef de réseau. Le vigile présent atteste pourtant de la bonne foi de la caissière-cliente. C’en est trop : « À ce moment-là, je n’en peux plus, moralement et physiquement. Je ne suis plus capable de travailler. » Au sortir de son injuste convocation, elle est prise d’un malaise : « Là, je suis partie et je ne reviendrai plus. Je ne veux pas de leur argent sale. » Prochaine épreuve pour cette femme meurtrie : les prud’hommes.

Pour cette autre caissière qui a travaillé pendant cinq ans dans les deux magasins de la marque à Clichy, le constat est le même : changement de planning intempestif, humiliations devant les clients, faux rapports défavorables des vigiles, « on a tout fait pour me licencier, ce qui a finalement été fait en octobre 2006, mais sans motif ». Là aussi, rendez-vous aux prud’hommes.

Quant à Samir Asermouh, six ans d’ancienneté et une quinzaine de magasins à son actif, chef de caisse et ex-chef de magasin rétrogradé pour sa « trop grande gentillesse », il est licencié à la suite d’un « vol » qu’il n’a pas commis, malgré le témoignage favorable de plusieurs collègues de l’époque et le non-lieu de la police. Prud’hommes, derechef.

Pour avoir refusé de cautionner ces méthodes de management, Fatiha Hiraki a, elle aussi, subi les foudres de ses supérieurs. Qui, à son niveau, ne joue pas le jeu de la terreur imposé par le système Lidl est immanquablement repéré, broyé et rejeté par la machine. Les chefs de réseau et les chefs des ventes s’allient pour la déboulonner. Aux coups tordus habituels s’ajoutent les agressions verbales. Avant le dérapage final, le 29 novembre dernier : « Le chef de réseau et moi avons commencé à avoir des mots devant les clients et deux salariés », se rappelle Fatiha Hiraki. « Il me rejoint dans la réserve, et, furieux de voir que quelqu’un a fait entrer un engin électrique dans le local à surgelés, il me pousse violemment. Ma tête tape alors contre le bloc moteur du local. Je sors du magasin en criant, puis je fais un malaise dans mon bureau. Les pompiers arrivent, non sans être dissuadés d’entrer par l’auteur des faits. » Le soir même, la chef de magasin dépose une plainte au commissariat. La deuxième, après qu’un précédent chef de réseau l’a menacé d’un cutter et gratifié d’injures sexistes. « La direction régionale ordonne aux chefs des ventes et de réseau de se débarrasser de telle ou telle personne. C’est un système bien rôdé. » Samir Asermouh confirme : « Mes supérieurs me disaient : "Celle-ci, je n’en veux plus, il faut qu’elle saute." » Contactée par téléphone à plusieurs reprises, la direction régionale incriminée n’a pas jugé utile de réagir. Et pour cause : si une minorité de salariés est bien décidée à se battre, la grande majorité préfère souffrir en silence, par crainte d’être privé d’emploi. « Ils redoutent de perdre leur salaire, conçoit Fatiha Hiraki, mais c’est le salaire de la peur. »


J'espère que cet article ne fait pas double emploi :?

Tout ce qu'on peut faire pour ces femmes est d'être gentil et aimable, ils vont finir par sortir le fouet :evil: Si en plus on met des sadiques frustrés pour "commander" !

C'est improductif comme attitude en plus, je crois que si une caissière se faisait eng.. devant moi, je réagirais, j'ai du mal à la fermer.


source
sissou

Message par sissou »

Merci Maguy pour ces extraits de texte. Je l'ai lu en entier, avec la plus grande attention. Je suis terrifié par ce que je viens de lire. :(
Tiens J'ai vecu a peu pres la meme chose la derniere fois ou j'ai bossé dans la grande ditribution: On croyait qu'on etaient pas surveillés lorsqu'on remplissait les rayons, en fait c'est le vigile du magasin qui notait tout dans un carnet et qui le rapportait au directeur du magasin!!! :shock:
Pour preuve, un jour que j'etais en pause, le directeur fait irruption dans la sale de pause, assez enervé, et me balance d'un ton direct: "C'est vous qui mettez pas les anti vols sur des bouteilles?" :shock:
"Hein quoi comment? Jamais de la vie, je suis quelqu'un de tres consciencieux, qui fait bien son travail. Sans doute le type qui etais avant moi qui a du oublié de les mettre".
"Ah bon je prefere ca. J'ai bien fait de le virer alors celui la. Non parce que c'est le vigile qui note tout dans ce carnet (qu'il me tends), et qui me le remets ensuite. Comme ca je suis au courant de tout". :shock:
Justement, le vigile etait derriere, rouge de honte, n'osant pas me regarder en face.
Manque de bol pour le directeur, j'avais beaucoup sympathisé avec le vigile dès les premiers jours, qui avait qu'une envie: "se casser d'ici" :lol:
Il est venu ensuite s'excuser de noter tout ca dans son carnet, en me disant qu'il etait obligé. Que c'est pas lui qui a porté ces accusations (a tort d'ailleurs). De toute facon, il en avait marre de leurs pratiques, de l'ambiance de travail pourrie, et des heures a rallonge non payées.
2 mois apres j'etais du meme avis.
Idgie

Pouvoir et terreur=productivité?

Message par Idgie »

Une question qui me taraude depuis toujours avec quelques éléments de réponse tout de même: pour quelle(s) raison(s) (au-delà du comment, cf. Milgram) ces infâmes abrutis qui pondent des théories managériales fumeuses (dont certains de mes "chers" confrères...) considèrent que la productivité va ainsi augmenter?
La seule chose qu'ils parviennent à générer par ce biais, semble-t-il, c'est le ras-le-bol général et peut-être au loin la révolution si, par atteignable miracle, on retourne l'agressivité justifiée contre ces loubards décérébrés au lieu de se flinguer sur le lieu de travail?

à bon entendeur,
:twisted:
maguy

Message par maguy »

Oui Idgie, c'est aussi une question qui m'interpelle.

Mais je suppose qu'ils emploient encore le "diviser pour mieux régner" mais cela risque d'être le boomerang qui leur revient dans la g...

Mettre des kapos pour surveiller et dénoncer, c'est ignoble, malsain.

Comme disait un de mes potes "toute tête n'est pas faite pour porter un képi".

J'ai été directeur dans une autre vie où je dirigeais 8 bonshommes, je n'aurais jamais procédé ainsi, d'abord ce n'est pas mon style et de plus si on avait un coup de bourre, je ne pouvais faire appel qu'aux bonnes volontés.

Mettre des frustrés pour diriger les gens est dangereux. Avec en plus un "droit" à l'insulte et même aux coups. Et on parle d'humour :evil:

Cela me rappelle ce mode de fonctionnement à l'américaine que j'avais vu chez Euromachin dans l'est de Paris. Proprement hallucinant :roll:

On ne me fera jamais croire qu'une ambiance de boulot merdique et un tel turnover soient profitables.
Idgie

Message par Idgie »

Profitable, ça l'est quand tu souhaites maintenir tes prérogatives de chef...au niveau collectif, d'un certain point de vu, c'est la débandade: coûts exorbitants pour la sécu (encore que tant que ce ne sont que les employés qui se prennent les gnons, ça semble acceptable et à eux de renflouer les caisses en se soignant avec les recettes de mamie...)du fait d'une ambiance de travail, comme tu dis, parfaitement merdique, le délitement de ce collectif = but ultime, non?

Ce qui est terrible c'est la morgue de ces petits chefaillons qui te matraquent à coups de techniques apprises dans les sessions de formation hors de prix...ils ont l'impression de détenir le savoir et de pouvoir te mener par le bout du pif là où ils veulent que tu ailles et pour lesquels ton libre-arbitre c'est ce qu'ils souhaitent en faire...je les hais... mais encore plus ce qui ne savent pas enrober ça décemment :evil:
sissou

Message par sissou »

A force de virer les employés de libre service pour un oui ou un non, et qu'il y ait tant d'arrets maladies, implique parfois que les chefs de rayon sont obligés de les remplir eux memes leurs rayons.
C'est la que tu vois qu'ils sont bons qu'a donner des ordres ces pignoufs. Et encore!
si vous voyez la bonne humeur avec laquelle ils remplissent les rayons! Ca fait peur! Mais le pire, c'est que cette mauvaise humeur retombe sur les employés et parfois sur les clients.
Ca j'ai jamais compris cet etat d'esprit en France: un bon chef doit savoir se maitriser, ne pas montrer sa mauvaise humeur, quelque soit la situation a laquelle il est confronté.
J'ai meme lu je sais plus ou, qu'ils recrutaient les chefs de rayon sur la taille, faut etre le plus grand possible pour impresssionner. Je dois avouer que c'est pas faux, a geant casino les chefs de rayon avaient tous une tete de plus que moi au minimum. :o Et se comportaient comme des primates de surcroit, pour certains!
Mais ils recrutaient aussi les chefs de rayon sur leur caractere: ceux qui avaient un caractere de chien progressaient plus vite dans la hierarchie!
Je trouve ca scandaleux ces pratiques de recrutement! Bon OK un chef ca doit pas etre un chamallow, mais ca doit pas etre non plus l'autre extreme, un pitbull !!!! c'est n'importe quoi et ca ne fais que degrader les relations et les conditions de travail!
Bientot ca sera le directeur qui remplira lui meme les rayons grace a leurs methodes de management new wave! :lol:
sissou

Message par sissou »

Je confirme le fait que beaucoup de ces chefs tyrans sont des frustrés.
Combien t'en vois comme ca, qui sont en fait des celibataires endurcis, qui n'aiment pas les enfants, encore moins les animaux. Est ce qu'ils s'aiment eux meme deja, est ce qu'ils sont capables de se regarder dans un miroir sans vomir? J'en doute.
maguy

Message par maguy »

Etre marié avec des enfants et un chien ne protège pas de la frustration ni de l'envie.

Il suffit que l'autre ait une plus belle g... ,que le voisin ait une voiture plus chère. Le chefaillon a lui-même un chefaillon, etc etc.

Je te renvoie à l'excellent billet du Monolecte par ici

Excellente prose que celle d'Agnès :wink:
superuser
Messages : 13116
Inscription : 29 juin 2004
Localisation : Paris

Message par superuser »

Répondre