Actuchomage et la (non)mobilisation des chômeurs

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Modérateurs : superuser, Yves

clesel

Re: Partis et micro-partis

Message par clesel »

Pour avoir essayé, ils ont essayé...
je ne dis pas le contraire, ils ont même réussi un grand coup avec les recalculés par exemple .
C'est le coup d'arrêt qui a suivi que je ne pane pas . Un peu comme si les acteurs s'étaient effrayés de leur force .
Bien sûr on ne peut pas refaire le coup du recalculage à chaque fois , mais dans la mesure ou la précarisation augmente (avec comme conséquence une multiplication des entorses aux droits ) , il est impossible qu' il n' y ait pas une mayonnaise à faire prendre .

Représentez vous un volume toujours plus important de chomeurs/ précaires dont la situation va s'empirant . Le poids de ce mécontentement relayé par des réseaux spécialisés devrait mécaniquement augmenter la pression revendicative .Ors là, en bout de tuyaux (numérique) la source distille à peine quelques vaporeuses volontés.
Il y aurait bien comme de la perte en ligne , comme on dit dans le jargon du plombier polonais .
Il faut se rendre à l' évidence que la représentation des précarisés disperse les énergies plus qu' elle ne les condense .

Quelle mayonnaise ? je ne sais pas encore, il faudrait la faire monter en multipliant les concertations sur des thèmes précis . De ce point de vue, le web est un outil bien supérieur aux réunions réelles .

prenez l' exemple du projet participatif wikipedia, chacun peut apporter sa pierre à l' édifice . Il doit être possible d'organiser la même chose concernant des projets revendicatifs .

de mon point de vue, ce sont les projets qui fédèrent et pas l'inverse .
On peut regretter un repli de la participation , mais s'il n' y a pas un véhicule participatif , des idées fédératrices à construire ensemble ; sur quoi voulez vous participer ?
C'est un peu l' histoire des fermetures de lignes sncf , on commence par supprimer les horaires les plus intéressants , puis finalement on supprime la desserte en arguant que les gens préfèrent prendre leur voiture .
:?
clesel

holoptisme ?

Message par clesel »

quand on cherche on trouve...ceci à propos de mayonnaise :

http://vimeo.com/3878186
peut-être est-ce périmé :?

deux autres liens à tiroirs .
http://www.thetransitioner.org/wfr/tiki ... ?page=ISCC
http://www.lemonde.fr/societe/article/2 ... _3224.html

j'ai pas encore tout saisi, mais il me semble qu' il y a des pistes à creuser .
clesel

Re: Partis et micro-partis

Message par clesel »

les propositions atttac (2009)

http://www.france.attac.org/spip.php?article8845

et un truc qu' a dû faire pschitt!
http://www.actuchomage.org/forum/index. ... c&start=60
superuser
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Re: holoptisme et panoptisme

Message par superuser »

Dans cette vidéo, JF Noubel parle du cheminement spirituel des individus, de l'évolution de leur conscience en vue d'une intelligence/action collective, et confirme que des technologies comme internet favorisent cette "reliance" qui permet ensuite de passer, éventuellement, de l'holoptisme au panoptisme.

Nous, Actuchomage, faisons en sorte de jouer un rôle dans cette prise de conscience préalable.
Malheureusement, pour la suite, je suis incapable de te dire pourquoi l'intelligence collective se met en branle spontanément pour des "apéros fesse-bouc", des marches silencieuses contre les crimes d'enfants ou du "Chaque jour, sauvons Sakineh !", alors que rien ne se passe pour des manifestations d'ordre social, ici et maintenant.

Re: Individualisme et égoïsme

Tu dis : "C'est un peu l'histoire des fermetures de lignes SNCF, on commence par supprimer les horaires les plus intéressants, puis finalement on supprime la desserte en arguant que les gens préfèrent prendre leur voiture."
Pour l'avoir expérimenté dans ce cas précis (associations de chômeurs), je t'affirme que les gens préfèrent prendre leur voiture. Ils se servent ponctuellement des "dessertes" mises en place par ces associations quand ils ont besoin d'aide puis, une fois leur problème réglé, on ne les revoit plus.

Je reconnais moi-même que je ne supporte plus leurs réunions. Si ce n'est pas le bureau des plaintes (tu dois t'essuyer les lamentations de gens qui s'étalent sans s'imaginer une seconde que tu es peut-être encore plus dans la merde qu'eux), c'est les querelles de clochers (avec Yves, on appelait ça "l'enculage de mouches avec un gant de boxe"). C'est extrêmement pesant. Pour avoir bcp donné, je les évite et reste en amont : je me contente de bien faire mon boulot pour favoriser cette indispensable prise de conscience.
Mais ne m'en demande pas plus : je suis fatiguée, vraiment.
maguy

Re: Partis et micro-partis

Message par maguy »

Je me souviens d'une manif' que j'avais faite au moment des franchises médicales. C'est un sujet qui intéressait TOUS les gens, pas seulement les chômeurs, mais les retraités, les parents, mes médecins même...

Quand Clesel parle de mobilisation, je n'ai jamais vu aussi peu de gens sur un sujet aussi sensible, alors les "chômeurs" qui ont souvent honte de leur statut, tu imagines...

Je comprends très bien la lassitude de Sophie. On a eu des dizaines de personnes venant sur le site, posant leur question (sans toujours saluer) en se trouvant franchement paumé devant les méandres et les textes sibyllins de l'administration. Quand on a aidé comme on pouvait, surtout grâce à quelques personnes, ces mêmes gens disparaissent sans même toujours dire merci !

Comme un dû, sans même savoir comme dit Sophie si les créateurs ou les utilisateurs de ce site sont encore plus dans la mouise qu'eux. C'est MOI, MOI, MOI !

Tiens bon la barre ma Sosso :wink:
superuser
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Re: égoïsme et ingratitude

Message par superuser »

clesel a écrit :je ne dis pas le contraire, ils ont même réussi un grand coup avec les recalculés par exemple.
C'est le coup d'arrêt qui a suivi que je ne pane pas. Un peu comme si les acteurs s'étaient effrayés de leur force.
Pour avoir vécu cette période, je peux te certifier que les acteurs n'étaient nullement effrayés de leur force, et que ce coup d'arrêt a eu lieu faute de bonnes volontés pour continuer à battre le fer tant qu'il était chaud.

Car, en fait, ce n'était pas les projets formulés de manière quasi-unitaire, les "idées fédératrices" et le "véhicule participatif" qui intéressaient alors les chômeurs concernés par le recalcul, mais seulement le bout de bifteak qui allait disparaître leur assiette. Une fois leurs allocs rétablies, ça a été : Ciao les copains ! Il n'y avait plus personne. Et pour la plupart, même pas merci. :evil:

Il n'est donc resté que quelques bonnes volontés que tu qualifies à tort de "vaporeuses". Toujours les mêmes à se battre pour les autres (il y a de quoi être écœuré).
Cette "dispersion des énergies" dont tu parles, elle vient de là : de l'anémie d'associations qui ne trouvent pas de sang neuf pour mener à bien leur long et difficile combat.

Alors, tu vas dire encore que c'est de leur faute, que "la musique n'est pas bonne"... :roll:
Je réfute cette allégation.
Les gens ont peur de se battre et quand ils osent le faire, ils sont ingrats et/ou ne vont pas jusqu'au bout. Pourtant, il y avait des "acteurs" formidables, brillants et convaincants chefs d'orchestre à la tête des assoces : François Desanti et Charles Hoareau à la CGT-Chômeurs, Marc Moreau et Alain Véronèse chez AC!… Eux aussi sont partis faire autre chose : se battre des années pour des chômeurs individualistes, ça use.
Quant à la "discrétion" actuelle des assoces, elle s'explique par leur sous-effectif chronique, et par l'indifférence/partialité des médias à la botte du gouvernement.

Imagine qu'un événement se produise à nouveau, suffisamment fort pour que les gens se mettent en colère et se bougent ensemble (ce dont je doute pour l'instant car le gouvernement a retenu la leçon du recalcul et s'arrange pour faire passer des mesures qui ne bouleversent pas l'atomisation constante des chômeurs et précaires). Alors oui, ça risque de chauffer et de porter ses fruits. Mais, une fois que les gens auront obtenu gain de cause, ils vont à nouveau retourner chez eux.

Clesel, je t'invite à faire la tournée des popotes et à militer sur le terrain. Ainsi, tu donneras le meilleur de toi-même et en tireras les conclusions.
superuser
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La musique n'est pas bonne

Message par superuser »

Non, la musique du chômage et de la précarité n'est pas facile à écouter !
C'est passer de Mozart à Bartok ou Boulez. De Nick Cave le crooner au Nick Cave de Birthday Party.
Faut avoir des oreilles aguerries et faire preuve d'une grande ouverture.

Il y aura bien quelques individus souffrants et en colère qui auront besoin d'écouter des musiques en adéquation avec leur état d'esprit, comme certains écoutent du punk, du gothique ou du trash-metal à des moments de leur vie. Mais la majorité préfèrera s'évader systématiquement avec des musiques plus douces ou joyeuses, tandis que d'autres n'écoutent jamais rien...

Désolée pour la métaphore, mais c'est pareil avec les chômeurs, tant il est humain d'aller à la facilité...

Tous les jours, je m'évertue à écouter la musique du chômage et de la précarité pour l'expliquer, tel Jean-François Zygel, à ceux qui sont dedans.
Tous les jours, volontairement, j'en prends plein les oreilles. Et ça ne va pas sans contamination dépressive. Mais je me dois de le faire.

Si tu penses que la musique du chômage et de la précarité peut se jouer avec douceur et joie afin de séduire les oreilles de ceux qui préfèrent la légèreté (ou le déni), je suis toute ouïe ! :lol:
romain23

Re: Partis et micro-partis

Message par romain23 »

Car, en fait, ce n'était pas les projets formulés de manière quasi-unitaire, les "idées fédératrices" et le "véhicule participatif" qui intéressaient alors les chômeurs concernés par le recalcul, mais seulement le bout de bifteak qui allait disparaître leur assiette. Une fois leurs allocs rétablies, ça a été : Ciao les copains ! Il n'y avait plus personne. Et pour la plupart, même pas merci. (quote)

Je crois que tous ceux qui se sont engagés dans ce combat ,on vecu à peu près cette situation. je me souviens en 1998, au moment de l'aide de secours joint-lambert aux chomeurs ( prime pour les chomeurs les plus en difficulté) les gens rentraient dans la mairie que nous etions quelque-uns à tenir, pour faire leur dossiers de secours et repartaient avec. Quand, nous, qui nous battions pour eux et avions aussi besoin de secours, il n'y aplus rien eu pour nous.Nous avons fait des lettres pour leur exonération de taxes et informer sur d'autres droits, et meme pas un bonjour dans la rue. Pour avoir aussi été bien utilisé , je pense aussi desormais que charité bien ordonné commence par soi meme.
Ceci dit, on s'aperçoit aussi que les moins revendicatifs et les plus silencieux sont souvent ceux qui sont le plus aidés au niveau social ou autres. Les " grandes gueules "dont j'etais ont souvent les dossiers bloqués ou autres acharnement administratif de toute sortes. Ce qui ne donne pas envie non plus de reprendre la fronde, meme si l'on ne souhaite pas forcément baisser un genou, et surtout quand derrière, il n'y a .personne pour aider à relever le genou (syndicat ou autre) . Le "bon pauvre " a desormais plus de chances que le pauvre revendicatif.

Mais la majorité préfèrera s'évader avec des musiques plus douces ou joyeuses, tandis que d'autres n'écoutent jamais rien...(quote super user)
Un peu d'évasion justement!
http://www.youtube.com/watch?v=2SXt-7dM ... re=related
http://www.youtube.com/watch?v=sWpERZAI ... re=related
http://www.youtube.com/watch?v=e26rd8_V ... re=related
superuser
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Re: évasion

Message par superuser »

C'est beau et doux, Marie-Do, mais je note une mélancolie latente et persistante dans ta sélection musicale. Comme quoi… :D

Celui qui médite vit dans l'obscurité; celui qui ne médite pas vit dans l'aveuglement. Nous n'avons que le choix du noir.Victor Hugo

Clesel, si tu arrives à contredire le grand Victor, alors j'applaudis. :lol:
maguy

Re: Actuchomage et la mobilisation des chômeurs

Message par maguy »

Ah, non pas MON grand Victor :lol:
superuser
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Re: courage

Message par superuser »

Pour se battre, il faut du courage. Je reviens sur ce que j'ai dit plus haut : les "acteurs" de la mobilisation des chômeurs dans les assoces en ont, et ils se sacrifient pour les autres. Peut-être mal ou pas suffisamment ? Certes : c'est tellement plus facile de tirer sur l'ambulance. Pourtant, ceux qu'il faut blâmer avant tout sont ceux qui préfèrent rester des victimes soumises du système : ceux-là manquent non seulement de courage mais d'esprit solidaire (et ils en crèvent).

A ce propos, la philosophe Cynthia Fleury nous livre quelques pistes de réflexion sur un phénomène récent mais dont les racines sont profondes...


Pourquoi notre époque serait-elle particulièrement celle de la disparition du courage ?

A leur travail ou dans leur vie quotidienne, de plus en plus d’individus désavouent ce qu’ils font mais continuent à le faire. Pourquoi ne se révoltent-ils pas ? Pourquoi une telle soumission à un non ordre des choses ? La peur est telle qu’ils en oublient d’avoir recours au courage. On a cru que l’individualisme était un processus de non-contrainte, de liberté absolue. L’individu se focalise sur ses propres intérêts, délaissant l’engagement public. Livré à cette quête narcissique, il est, en fait, fortement fragilisé, rendu vulnérable par ce processus d’individualisation qui le coupe des formes collectives de défense.

On croit se sauver en succombant à de régulières petites lâchetés; en fait, il y a un prix à payer. L’émergence de ce moi décomplexé, non distancié d’avec soi-même, signe la fin du courage moral. Nous sommes les passagers clandestins de l’absence de morale. En se faufilant, l’individu pense sauver sa peau. Il fabrique sa propre érosion et sombre dans la dépression. L’érosion de soi vient de la somme de ces démissions quotidiennes. Jamais le malaise individuel n’a été à ce point lié à une déstructuration de la société. L’homme et plus largement la société, meurent pas manque de courage. Et comble du paradoxe, cet individu acculé à une mise en disposition de soi-même n’en est que plus invisible.

C’est dans le monde du travail que le manque de courage sévit particulièrement, dites-vous.

Chaque matin, en allant travailler, un certain nombre d’individus adhèrent à un système qui désavoue les principes mêmes qui les construisent. Ils critiquent la culture de l’évaluation, les objectifs de rentabilité, le management par le harcèlement. Des puéricultrices disent : «Nous ne pouvons pas avoir seize bébés dans les bras». Les salariés de Pôle Emploi dénoncent la déshumanisation des services. Autour d’eux, de grandes entreprises gagnent de l’argent mais ferment des usines. L’homme ne résiste pas à ces logiques illogiques, à sa propre schizophrénie. Le monde du travail est donc le lieu même de l’érosion du moi et des structures collectives de résistance. A défaut de faire exploser le système, les individus se font imploser eux-mêmes. Ce sont les suicides au travail qui peuvent devenir un massacre.

Des salariés pourtant s’opposent. Dans l’Education nationale ou ailleurs, des «désobéissants» se font entendre.

Descendre dans la rue, signer des pétitions, faire la grève ou mettre en place un droit de retrait restent des actes forts. Il y a d’ailleurs plus d’actes que d’hommes courageux. Nous commettons tous, un jour, quelque acte courageux. Mais la guerre économique requiert hélas plus que des intermittents du courage. L’atomisation de tels actes ne permet pas toujours la construction d’une éthique collective du courage. C’est tout le paradoxe : il n’y a d’éthique du courage que seul. Que si nous sommes prêts à faire ce geste sacrificiel qui consiste à savoir ce que l’on peut perdre sans connaître ce qu’on peut gagner. Et, en même temps, seule l’éthique collective du courage est durable et peut nous permettre de résister.

Pourquoi cette valeur semble-t-elle désuète ?

Qui enseigne le courage ? Le père, la mère, les grandes figures faisant loi. Lié à l’autorité et à l’exemplarité, le courage est donc l’inverse de l’égalitarisme ambiant. Il est perçu presque comme un geste autoritaire. Aujourd’hui, les parents se focalisent sur la réussite de leurs enfants et transmettent de moins en moins de valeurs morales. Mais le courage ne disparaît pas pour autant : il a simplement déserté le monde réel. Nous sommes vaillant dans notre imaginaire. Jeux vidéos ou fictions, content de magnifiques épisodes de bravoure ou plutôt de performances de courage. Et c’est là une forfaiture. Pour être réellement courageux, il faut avoir éprouvé la peur et trouver en soi la force de la surmonter. Dans le monde réel, chacun se nourrit d’un fantasme de courage totalement travesti qui n’a nullement besoin de tout cet apparat.

En fait, les individus ne sont pas devenus fondamentalement peureux, ils ont simplement perdu l’entraînement au courage. Cette valeur s’apprend, se transmet par des figures dans l’entourage familial, amical, scolaire, etc. Plus que l’absence, c’est le manque d’entraînement et d’apprentissage du courage qui caractérise notre société.

En quoi le courage serait-il un excellent moyen de lutter contre la dépression ?

D’abord, malgré ce que l’on croit, l’ennemi c’est la mélancolie. La mélancolie est cette chose terrible qui vous met à terre. La posture de résistance et de combat permet de sortir de cette logique du découragement. L’ennemi désigné est ainsi à l’extérieur, il n’est plus soi-même. Geste sacrificiel, le courage peut être sans victoire – il l’est même très souvent – mais il restaure le moi, son unicité et sa légitimité. C’est un régulateur contre la dépression, qui permet de sortir de l’anonymat et de l’interchangeabilité des hommes. Ce que le courage dit, c’est que vous n’êtes pas interchangeable avec les autres. C’est à vous que l’acte incombe.

Or, le système capitaliste est là pour nous prouver exactement le contraire, que nous sommes tous remplaçables les uns par les autres. Le courage ne s’exerce donc pas exclusivement en temps de guerre ou de circonstances exceptionnelles. Il fait partie intégrante du temps quotidien et de la pratique démocratique. Bien sûr, il ne s’agit pas de jouer constamment les héros, ce serait intenable. Mais il faut apprendre à faire du courage un réflexe, un éthos.

Comment l’enseigner ?

Tout le monde est convoqué, les parents dans l’éducation de leurs enfants, les enseignants à l’école, les médias dans le choix des parcours qu’ils mettent en avant, les hommes politiques dans les valeurs et les pratiques qu’ils défendent. Ceux qui sont exemplaires ont l’exigence de croire à l’exemplarité des autres. Les lâches sont toujours ceux qui désespèrent des autres.

Pourquoi est-ce si difficile d’être courageux ?

Faire preuve de courage, c’est instaurer un rendez-vous radical avec ses principes et soi-même. Voilà pourquoi la majorité des individus se défilent. L’autre difficulté est que cette épreuve se vit seul. Savoir dire non, en assumer le risque et le sacrifice est une démarche solitaire. Peu d’entre nous prennent ce risque. On sait ce qu’on va perdre, pas ce qu’on va gagner. Mais le courageux n’est pas non plus celui qui ignore la peur. On juge le courage d’un homme à ses peurs, celles qui sait éviter ou bien garder.

Cet acte individuel aurait des vertus thérapeutiques sur le fonctionnement même de la démocratie ?

Je travaille sur la démocratie, ses écarts entre les principes et la réalité. Comment réguler et corriger les excès désordonnés de la démocratie ? La paix qui caractérise notre société a fait croire qu’il n’y avait plus de guerre à mener, que la démocratie, c’était du statu quo, mais la démocratie n’est pas un ordre spontané de l’égalité. C’est une dynamique entre plusieurs forces, celles qui portent les valeurs d’égalité et de liberté et celles qui s’y opposent.

En déléguant nos intérêts aux automatismes de la démocratie, nous sommes entrés dans un système dégénérescent. Il ne suffit pas d’alimenter la machine démocratique, en allant voter par exemple, il faut aussi ranimer son âme et son esprit. Le courage pourrait être le pilier de cette régulation.

(1) La Fin du courage, Fayard - 14 euros

Cynthia Fleury a également écrit : Pathologie de la démocratie (Fayard - 2005)

http://inventerre.canalblog.com/archive ... 68223.html
tristesir

Re: Actuchomage et la mobilisation des chômeurs

Message par tristesir »

Le "bon pauvre " a desormais plus de chances que le pauvre revendicatif.
S'il veut avoir son bol de soupe "offert généreusement" par les riches via une asso caritative il va falloir être très sage, ne pas oublier d'aller à l'église (à la mosquée, la synagogue, prier Boudha, ...) obéissant, plein d'humilité et être très poli avec les riches qui ont la "bonté" de lui donner un bol de soupe 8)

La pauvreté n'est pas un vice mais la désobéissance oui. 8)
maguy

Re: Actuchomage et la mobilisation des chômeurs

Message par maguy »

Très beau texte Sophie et très vrai, malheureusement :cry:

C'est surtout vrai au niveau de l'éducation. Quand je regarde autour de moi, les parents, sous couvert d'un moral "je veux que mes enfants aient mieux que moi" les gavent de fringues de marque, de gadgets plus inutiles les uns que les autres, bref de "choses" qu'on achète qu'avec de l'argent.

Les marketeux ont bien fait leur boulot en entretenant les gamins que s'ils n'ont pas tel truc, ils seront moqués dans les cours de récré ou plus tard par les collègues.

On les a dressés tout petits à la compétition sauvage, car l'autre est forcément l'ennemi qu'il faut abattre comme dans un jeu video. Il n'y a qu'à voir les émissions caniveau de TV réalité où chacun, au nom d'une stratégie fait ami-ami pour mieux planter le coûteau dans le dos.

Même les "bandes"ont un certain sens de la solidarité. Le sens de la famille s'érode, chacun préfère reste qui, devant la TV, devant ses jeux, je me demande même s'il y a encore un repas pris en commun le soir où on échange.
Pour être réellement courageux, il faut avoir éprouvé la peur et trouver en soi la force de la surmonter
Tout à fait d'accord, le vrai courage à mes yeux, ne consiste pas à foncer bille en tête, mais certainement de reconnaitre sa peur et de la surmonter.

Se conduire en mouton au boulot, non seulement n'apportera rien de positif pour soi-même (dévaluation et auto-flagellation, honte de soi-même) mais au contraire facilitera le mépris et le "toujours plus bas" de ceux qui se laissent faire. Comme des gosses qui testent leurs limites, la non réaction des brimés va encourager au contraire le sadisme latent.

Oui, le courage c'est aussi la résistance à toutes ces vexations, humiliations, intrusions dans nos vies de chômeurs pas obéissants, parce que sans doute pas assez bêbêtes et dociles :mrgreen:
romain23

Re: Actuchomage et la mobilisation des chômeurs

Message par romain23 »

C'est beau et doux, Marie-Do, mais je note une mélancolie latente et persistante dans ta sélection musicale. Comme quoi… (super user)

Non! Juste la nostalgie des années 80 qui auront été des années de LIBERTE, avec une CREATIVITE sans pareil, et aussi des années où il existait encore laSOLIDARITE.. Les gens se parlaient vraiment! C'etait l'age d'or Libertaire!
Après est venu la mondialisation, le fric, l'apparence et la vacuité des cerveaux.Le debut de la degenerescence de nos démocraties soi-disant avançées!(sans oublier la disparition de la plupart des artistes créateurs, avec le SIda et autres épidemies mondiales). Nous avions une insouciance que nous ne retrouverons jamais plus!
superuser
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Re: autocritique

Message par superuser »

Sur la base des constats de Cynthia Fleury, je vais faire mon auto-critique en tant qu'animatrice de notre association. :D
Cynthia Fleury a écrit :Ceux qui sont exemplaires ont l’exigence de croire à l’exemplarité des autres.
Effectivement. Or, suite à mes expériences de terrain, je ne crois plus à l'exemplarité des autres. Donc, je ne suis plus exemplaire... :?
Cynthia Fleury a écrit :Les lâches sont toujours ceux qui désespèrent des autres.
Effectivement, à force de se frotter à la lâcheté et à l'égoïsme ordinaires, on finit par être contaminé, c'est-à-dire découragé.

Le courage, quand il n'est pas simplement ponctuel, nécessite de la constance et beaucoup d'énergie (ce que n'évoque pas Cynthia Fleury). Or, le militantisme (qui demande un courage de longue haleine) est une profession de foi, et j'avoue que la mienne s'est partiellement émoussée du fait de la lâcheté et de l'égoïsme auxquels j'ai été confrontée.

L'énergie est un problème essentiel dans la mobilisation des plus faibles. Plus que des militants ordinaires (syndicalistes ou politiques), les quelques chômeurs & précaires qui déploient leur énergie en se battant pour les autres ont aussi à affronter les graves soucis liés à leur situation. Ils ont, à la base, une réserve énergétique amoindrie. Il suffit qu'ils se donnent à fond et que rien ne suive pour que le dégoût, puis la mélancolie, les assaille.

Si je n'ai pas totalement démissionné, je reconnais que désormais je me faufile, moi aussi, me contentant d'entretenir la veilleuse, faute de flamme (le rejaillissement d'une éthique collective du courage :lol:). Donc, j'ai fait le choix de continuer à œuvrer… en retrait. Je me protège.
Et je reconnais qu'il m'arrive d'être mélancolique ou désespérante; pas comme une lâche, non, mais plutôt comme une batterie à plat.

"Peut mieux faire" (comme on dit sur les bulletins scolaires) : oui, certainement. Mais je ferai mieux quand les "yaka faucon" cesseront de venir nous dire ce qu'on a à faire et montreront l'exemple en se retroussant les manches en premier. Car j'en ai ras-le-bol d'être toujours devant, au charbon, "au sacrifice". Seule ou presque.
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