14 mois de stage et 6 mois d'essai avant d'être licencié

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carl

14 mois de stage et 6 mois d'essai avant d'être licencié

Message par carl »

David, jeune diplômé d'une école de commerce, a effectué pas moins de quatorze mois de stage pour la banque LCL, suivis d'une période d'essai de six mois censée déboucher sur un CDI... avant d'être finalement licencié. "Ecœuré", il décide de poursuivre son ancien employeur devant les prud'hommes pour réclamer la requalification de ses stages en contrat de travail. Les plaidoiries se sont déroulées le 4 septembre. Le jugement est attendu mardi 13 octobre. Selon le collectif "Génération précaire", qui a soutenu David dans ses démarches, c'est la première fois qu'une grande entreprise est poursuivie pour "travail dissimulé". La décision de justice pourrait créer un précédent.


Pourquoi avez-vous décidé de poursuivre LCL ?

David : En 2006, j'étais étudiant dans une école de commerce. En fin de deuxième année, j'ai fait un stage conventionné de six mois à temps plein au Crédit lyonnais comme conseiller bancaire. Le stage s'est si bien passé que j'ai enchaîné sur deux autres stages de quatre mois chacun, toujours au même poste. Je n'ai eu que des évaluations positives. Une fois diplômé, fin 2007, le Crédit lyonnais m'a embauché en CDI avec une période d'essai de trois mois renouvelable. Et au terme des 6 mois d'essai, ils m'ont finalement congédié en me disant que je ne faisais pas l'affaire alors que je venais de passer 20 mois au même poste, soit plus d'un an et demi. Je n'ai pas digéré et j'ai contacté un avocat pour les poursuivre en justice...

Que reprochez-vous exactement à votre ancien employeur ?

Je les poursuis pour deux motifs. J'attends des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais surtout, je demande à ce que mes trois stages soient requalifiés en contrat de travail, car j'estime avoir occupé un vrai poste durant vingt mois à un prix défiant toute concurrence. Durant mon premier stage, ma gratification était de 500 euros bruts, et de 950 euros pour les deux suivants. C'est plutôt élevé pour un stage, sachant que le minimum légal est à 380 euros. Mais je leur coûtais bien moins cher qu'un jeune cadre qui aurait gagné 2 300 euros bruts, auxquels il faut ajouter les commissions, le treizième mois, les primes d'intéressement, etc.

Est-il facile de prouver que votre stage était un emploi déguisé ?

Non, car il faut prouver plusieurs choses. Ce qui caractérise un contrat de travail, c'est d'abord un lien de subordination vis-à-vis de l'employeur. Il faut donc que j'en apporte la preuve. Il me faut ensuite prouver que je réalisais une vraie prestation de travail, que je n'ai pas reçu de formation, et que l'entreprise a tiré un profit direct de mon travail, c'est-à-dire qu'elle n'a pas respecté la convention de stage.

Pourquoi avoir accepté tous ces stages ? Quelle était votre motivation à l'époque ?


Je n'étais pas vraiment conscient de vivre une situation abusive. Les stagiaires ne connaissent pas leurs droits, ils ne connaissent pas la limite entre un stage et un emploi. Ils font ce qu'on leur demande. Ils n'ont qu'une envie, c'est que tout se passe bien. Quand je suis arrivé, on m'a fait miroiter une proposition d'embauche si je faisais mes preuves. Dès le début du stage, on m'a placé à un vrai poste en me disant que c'était une chance. Et en effet, je l'ai pris pour une chance. Naïvement j'y croyais, je me donnais à 100 %. Mais ils ont sans arrêt repoussé le moment de concrétiser l'embauche, au prétexte qu'il me fallait encore faire mes preuves, jusqu'à finalement se débarrasser de moi. Ce n'est qu'après coup que j'ai réalisé ce qui s'était passé.

Je sais désormais que c'est une pratique courante dans certaines entreprises. Beaucoup de postes de juniors tournent en permanence avec des stagiaires. Je m'en suis d'ailleurs rendu compte quand j'ai commencé à chercher un emploi : il y avait très peu d'offres de postes juniors. Ou alors on me demandait de commencer par un stage ! J'avais beau expliquer que j'avais fait ma part de stages, on me répondait que c'était un risque pour l'entreprise de m'embaucher et qu'il me fallait commencer par un stage, comme s'il n'y avait pas de période d'essai...

Avez-vous retrouvé un emploi depuis ?

J'ai un peu laissé tomber le secteur bancaire. Je travaille pour une entreprise de soutien scolaire. C'est un peu précaire, ça me rapporte quelques centaines d'euros par mois, mais ça me permet de tenir. J'ai cherché quelques temps dans le secteur bancaire après mon licenciement, mais j'étais écœuré... et puis mon avocat m'avait prévenu que si je menais cette démarche en justice, il me faudrait chercher du travail dans un autre secteur

Source /le Monde.fr
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